lundi 15 octobre 2018

La fin de la croissance chez les nantis condamne la croissance pour tout le monde

Article original de Chris Hamilton, publié le 10 septembre 2018 sur le site Econimica
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

La raison pour laquelle les riches sont riches est ridiculement simple

Le système économique mondial est fondé sur la croissance, mais pas n’importe quelle croissance, la croissance là où elle compte (économiquement). Cependant, la croissance démographique (le fondement de la croissance économique) parmi les pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur est en train de diminuer rapidement tout autour du monde. Comme je l’ai déjà souligné, le nombre total de naissances a diminué dans les pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur de manière combinée depuis 1988 et maintenant les naissances diminuent partout sauf dans les pays à faible revenu du monde. Sans croissance parmi les pays importateurs dans le monde qui ont les revenus, l’épargne et/ou l’accès au crédit… il n’y a pas de croissance pour les pays exportateurs.



Les pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire supérieur représentent 49% de la population mondiale, mais 91% du RNB mondial (revenu national brut) et 89% de la consommation mondiale totale d’énergie (ainsi que de matières premières). Les décennies, ou plus exactement les siècles de croissance de ces populations plus riches de moins de 65 ans (qui sont à l’origine de l’activité économique) cesseront vers 2022. Toute la croissance démographique qui s’ensuivra se fera dans la partie des 65 ans et plus des pays riches, en particulier des 75 ans et plus et des masses dans les pays pauvres. La fin de la croissance démographique et les inversions de tendance qui vont s’ensuivre dans ces pays plus riches marquent le début d’une ère de déclin économique et de déclin de la consommation telle que le monde contemporain n’en a jamais connu.

Les groupements des pays par revenus nationaux sont basés sur la méthode de l’Atlas de la Banque mondiale et énumérés sur le site de la banque mondiale. Les pays à revenu élevé ont un revenu par habitant de plus de 12 000 $ par année (jusqu’à 80 000 $ par année) et les pays à revenu moyen supérieur ont un revenu par habitant variant de 12 000 $ à 4 000 $ par année. En comparaison, le revenu par habitant des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure varie de 4 000 à 1 000 dollars par an et celui des pays à faible revenu est inférieur à 1 000 $ par an. Toutes les données démographiques sont basées sur des données de l’ONU et sur des estimations prospectives de variante moyenne.

Le graphique ci-dessous montre l’évolution démographique annuelle des pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur, ventilée par tranches d’âge, de 1950 à 2050. L’évolution annuelle totale de la population des pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire supérieur (ligne jaune, ci-dessous) a connu 2 pics, l’un en 1969 (+42 millions par an) et l’autre en 1988 (+44 millions par an). Au cours de ces deux années, la population des 0-64 ans a augmenté de 38 millions/an (colonnes bleues) tandis que le reste de la population augmentait aussi entre 65 et 74 ans (colonnes rouges) et chez les plus de 75 ans (colonnes noires). Les estimations prévisionnelles supposent que les taux actuels d’immigration vont se prolonger … sans cela, la population des moins de 65 ans diminuerait beaucoup plus rapidement.

En 2018, la croissance totale de la population à revenu élevé et à revenu moyen supérieur sera de +22 millions de personnes, soit seulement la moitié du pic atteint en 1988… mais la répartition de cette croissance n’a rien à voir avec ce qui a été observé auparavant. En 2018, seulement 21% de la croissance de la population des pays consommateurs se fera chez les moins de 65 ans, 62% chez les 65 à 74 ans et les 18% restants chez les 75 ans et plus… et la situation s’aggrave rapidement.

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L’évolution des sources de croissance de la population, des jeunes aux personnes âgées, change tout. Comme le montre le tableau ci-dessous, les revenus et les dépenses (ainsi que les taux de participation au marché du travail) forment une courbe en simple cloche. Selon l’âge du chef de ménage, le revenu, les dépenses et la participation au marché du travail augmentent et atteignent leur maximum dans la tranche d’âge de 45 à 54 ans de la vie. Les revenus et les dépenses diminuent de moitié lorsqu’on atteint l’âge de 75 ans et plus. La participation à la population active à 75 ans et plus n’est que d’un maigre 8% et ne devrait augmenter que de quelques points de pourcentage au cours de la prochaine décennie.  Évidemment, il s’agit de données américaines, mais ce point est vrai dans tous les pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire supérieur.

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Si l’on se concentre uniquement sur la croissance annuelle de la main-d’œuvre potentielle et ses taux de participation (70% chez les 0-64 ans, 27% chez les 65-74 ans, 8% chez les 75 ans et plus), on devrait sonner l’alarme. Le graphique ci-dessous montre l’évolution annuelle de la population, ventilée par tranche d’âge et multipliée par les taux de participation américains … (qui sont beaucoup plus élevés que dans la plupart des autres pays du monde). C’est-à-dire que l’effondrement de la main-d’œuvre potentielle illustré dans le graphique ci-dessous est beaucoup trop optimiste et la réalité est plus proche des changements annuels chez les 0-64 ans (colonnes bleues). De toute évidence, la répartition de la croissance du nombre d’employés potentiels est une répartition de la croissance des consommateurs potentiels et la boucle de rétroaction négative est en marche.

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Les pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur du monde produisent 91% du revenu mondial. Le graphique ci-dessous détaille le revenu national brut (RNB), par groupe de revenu national. Les pays à revenu élevé (ligne noire, ci-dessous) représentent 64% du revenu mondial tandis que les pays à revenu moyen supérieur (ligne jaune) représentent 27%. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (ligne marron) comptent 3,1 milliards d’habitants en 2018, mais ne produisent que 8% du RNB mondiale, et les pays à faible revenu sont environ 700 millions de personnes (ligne bleue), produisent moins de 1% du revenu mondial.

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Voici maintenant la consommation totale d’énergie primaire (toute l’énergie consommée, y compris le pétrole, le gaz naturel, le nucléaire, le charbon, les énergies renouvelables) par groupe en quadrillions de BTU, ci-dessous. Les pays à revenu élevé consomment 48% de l’énergie mondiale, mais leur consommation d’énergie (ligne noire) a culminé en 2007. La consommation mondiale d’énergie des pays à revenu élevé continue de diminuer. Les pays à revenu moyen supérieur consomment 41% de l’énergie mondiale et sont actuellement en période de pointe de consommation d’énergie (ligne jaune). Les pays à revenu intermédiaire inférieur consomment 11% de l’énergie mondiale et les pays à faible revenu consomment moins de 1% de toute l’énergie mondiale.

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La fin de la croissance chez les pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur en terme de population de moins de 65 ans est un véritable tournant. La croissance restante parmi les populations de 65 à 74 ans et de 75 ans et plus ne fournit ni une main-d’œuvre adéquate ni une croissance suffisante de la consommation pour justifier la croissance de la main-d’œuvre. Les taux de participation au marché du travail continueront de chuter. La population de consommateurs de moins de 65 ans atteindra un pic vers 2022 et sera en déclin indéfiniment par la suite. L’économie mondiale va souffrir d’une convulsion massive due à des surcapacités de production alimentée par des taux d’intérêt bas par rapport à l’effondrement inéluctable de la demande.

Bien sûr, les politiques et les activités du gouvernement fédéral et des banques centrales (manifestes ou non… à commencer par la farce que représente le marché des Bons du Trésors comme ceux de l’UE et du Japon) font grimper les prix des actifs à l’inverse des fondamentaux économiques (Comment l’Amérique a-t-elle fait faillite ? lentement, au début, puis d’un coup !!). Les prix ridicules des actifs sont un signe d’extrême faiblesse et de crainte de ce que les « marchés libres » feraient sans la ou les mains invisibles. Pour mettre en évidence cette disparité croissante, le graphique ci-dessous montre la valeur nette des ménages américains (HHNW, zone bleue) de plus de 100 000 milliards de dollars représentant la valeur actuelle totale de tous les actifs privés par rapport au revenu personnel disponible américain (RPD / DPI, zone verte) représentant tout le revenu restant après toutes les taxes. La ligne jaune représente la valeur nette en pourcentage du RPD. Jamais toutes les formes de revenus n’ont représenté un pourcentage plus faible de l’évaluation des actifs (et ce pourcentage serait maintenant de près de 700% si ce n’était des récents ajustements grotesques du RPD). En termes simples, les prix des actifs augmentent beaucoup plus rapidement que la somme de tous les revenus (sans parler de la grande disparité qui existe entre les plus riches en nombre de plus en plus restreint qui possèdent la majeure partie de ces actifs et qui récoltent la majeure partie de leurs revenus).

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Ce type de fixation des prix des actifs face à la faiblesse organique de l’économie n’a jamais fonctionné. Cette fois-ci, face aux baisses à grande échelle des populations de consommateurs dans le monde, cette fixation des prix ne fait qu’exacerber le passage déjà monumental d’un monde à forte croissance à un monde à croissance faible ou nulle… et finalement à une économie mondiale qui doit se remodeler pour survivre pendant des décennies, voire des siècles, dans un monde en déclin économique séculaire.

Si on veut aller plus loin, il faut observer la croissance de la dette fédérale américaine par période par rapport à la croissance de la population âgée de 15 à 64 ans par rapport à la croissance des emplois à temps plein par période (ci-dessous). À mesure que la croissance de la population des 15 à 64 ans diminue, la croissance de l’emploi diminue, mais la création de dettes devient folle. On ne peut que deviner la croissance minimale de l’emploi et la croissance massive de la dette au cours de la prochaine décennie, car la croissance de la population en âge de travailler sera minime (et la croissance démographique estimée pour la prochaine décennie suppose des niveaux d’immigration plus élevés que ceux que connaissent actuellement les États-Unis… aussi une croissance démographique nettement inférieure de 15 à 64 ans/âgée est possible et probable).

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Le tableau ci-dessous présente la dette fédérale ajoutée par période en pourcentage de la croissance du PIB par période par rapport à la croissance de la population âgée de 15 à 64 ans et aux emplois à temps plein ajoutés par période. Nous avons clairement déraillé au cours de la période la plus récente, mais la décennie à venir sera beaucoup plus difficile.

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Enfin, à titre de référence rapide, vous pouvez trouver une liste de tous les pays de chaque groupe, par revenu par habitant, sur le site de la banque mondiale.

Chris Hamilton

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