Article original de Sarang Shidore, publié le 15 Novembre 2017 sur le site Stratfor
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Pendant des décennies, les États-Unis se sont assis sur un monde unipolaire, inégalés dans leur influence sur le reste du monde. Mais maintenant cela pourrait changer alors qu’une nouvelle alliance informelle prend forme entre la Chine et la Russie. Les deux grandes puissances ont un intérêt mutuel à renverser un ordre international qui a longtemps avantagé l’Occident à leurs propres frais. Et à mesure que l’unique superpuissance de la Terre se repliera sur elle-même, ils chercheront à se tailler de plus grandes arrière-cours pour eux-mêmes. Leur mariage de convenance va-t-il une fois de plus donner naissance à la bipolarité qui a caractérisé la guerre froide, ou va-t-il se défaire face à une rivalité naturelle enracinée dans la géopolitique ?
Une alliance informelle émerge
Tout d’abord, quelques observations sur la guerre froide. Le conflit à plusieurs volets ressemblait beaucoup aux grandes luttes classiques qui ont eu lieu depuis l’avènement des États-nation modernes : deux blocs à peu près égaux (l’OTAN et le Pacte de Varsovie) ont participé à une course sans fin aux armements, alimentant des guerres par procuration, et se sont engagés dans une politique de sécurisation de leurs sphères d’influence.
Mais la guerre froide contenait aussi de nouveaux éléments remarquables. Le principal d’entre eux était l’omniprésence des querelles dans la plupart des États souverains, la présence d’armes nucléaires, les systèmes économiques et politiques radicalement différents des deux blocs et le zèle missionnaire que chaque superpuissance avait pour exporter son idéologie dans le monde entier. De plus, l’appartenance à chaque alliance était massive et stable, bien que les pays en développement aient parfois déplacé leur loyauté après une révolution ou une intervention militaire des États-Unis ou de l’Union soviétique.
Au premier abord, tout parallèle entre aujourd’hui et la guerre froide des décennies passées semble exagéré. Les États-Unis dirigent la plupart des structures d’alliance officielles ; la Russie et la Chine n’ont pas d’idéologie évidente à exporter ; et les variantes du capitalisme ont gagné dans le monde entier, conduisant à une économie mondiale profondément intégrée. De plus, la Russie et la Chine semblent avoir trop de conflits d’intérêts pour former un partenariat durable.
Un examen plus attentif des événements récents suggère cependant le contraire. Malgré l’absence d’une alliance officielle, la Russie et la Chine ont agi virtuellement de manière cohérente sur de nombreuses questions de sécurité majeures. Toutes deux étaient d’abord neutres, puis opposées à l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011. Toutes deux ont adopté des positions à peu près identiques sur le conflit syrien et la cyber-gouvernance aux Nations Unies. Toutes deux ont publié une proposition commune pour résoudre la crise dans la péninsule coréenne en gelant les programmes nucléaires et de missiles de la Corée du Nord en échange de l’arrêt des exercices militaires conjoints entre la Corée du Sud et les États-Unis. Les deux sont aussi fermement opposées à la mise à mal de l’accord nucléaire iranien. Et les deux ont fait pression pour arrêter le déploiement des défenses antimissiles américaines en Europe centrale et en Asie, ainsi que sur la doctrine occidentale d’intervention appelée « responsabilité de protéger ». Pendant ce temps, la Chine – un défenseur bien connu du principe de souveraineté nationale – a été remarquablement silencieuse sur l’intervention de la Russie en Ukraine.
Dans le même temps, Pékin et Moscou ont symboliquement démontré leur pacte dans le domaine de la défense. Elles ont mené des exercices militaires conjoints dans des endroits sans précédent, y compris en Méditerranée et en mer Baltique, ainsi que dans des territoires contestés, tels que la mer du Japon et la mer de Chine méridionale. Les transactions d’armes entre elles sont également en hausse. Les ventes d’armements russes à la Chine ont explosé en 2002. Après une baisse temporaire entre 2006 et 2013, alors que la Russie soupçonnait la Chine de copier les plates-formes russes, les ventes de la Russie à la Chine ont repris. Moscou a accepté de vendre ses systèmes les plus sophistiqués, l’avion Su-35 et les systèmes de missiles surface-air S-400, à son voisin asiatique.
Les deux grandes puissances ont également signé plusieurs transactions majeures dans le passé. Le pétrole russe a constitué une part sans cesse croissante du portefeuille énergétique de la Chine pendant des années et, en 2016, la Russie est devenue le plus grand fournisseur de pétrole du pays. La Chine, pour sa part, a commencé à investir massivement dans l’industrie en amont de la Russie alors que ses banques d’État ont massivement financé les pipelines reliant les deux pays. Pékin, par exemple, a récemment acquis une participation importante dans le géant pétrolier russe Rosneft. Les exportations russes de gaz naturel vers la Chine, y compris le gaz naturel liquéfié, augmentent également. Ces mouvements sont enracinés dans une grande stratégie : la Russie et la Chine privilégient une relation mutuelle dans le commerce de l’énergie et l’investissement pour réduire leur dépendance à l’égard des espaces géostratégiques où les États-Unis sont dominants.
Avec leurs robustes industries de défense et leurs vastes réserves énergétiques, la Chine et la Russie satisfont aux exigences fondamentales pour représenter un défi durable pour les États-Unis. Mais toutes deux ont également commencé à réclamer une plus grande autonomie financière et monétaire en se distanciant de l’ordre du commerce et des finances internationaux, dominé par le dollar. La Chine s’est déjà partiellement écartée du système SWIFT des transactions bancaires mondiales en créant son propre système, CIPS. La Russie fait de même, et elle aussi a commencé à construire un réseau alternatif. De plus, le yuan chinois est récemment entré dans le panier de devises des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international. Maintenant, la plupart des devises asiatiques suivent de plus près le yuan que le dollar. La Chine envisage d’introduire un contrat à terme sur le pétrole en yuans qui pourrait être entièrement convertible en or. C’est sans doute lié à la décision de Pékin et de Moscou d’augmenter leurs réserves d’or et cela suggère qu’ils se préparent peut-être à passer à l’étalon-or un jour. (La convertibilité de l’or est une étape intermédiaire importante pour renforcer la confiance des investisseurs dans une devise montante comme le yuan, qui souffre encore de nombreuses contraintes telles que l’illiquidité et un risque important dans son pays d’origine). Le sérieux de leurs efforts indique leur détermination à s’éloigner d’un système gouverné par la monnaie américaine.
Bien sûr, la Chine et la Russie souffrent encore d’énormes déficits face aux États-Unis en matière de technologie, d’innovation et de projection de la force mondiale. Mais l’écart pourrait se réduire à mesure que la Chine investira massivement dans des technologies telles que les énergies renouvelables, la biotechnologie et l’intelligence artificielle. De plus, la projection de puissance dans tous les coins du globe n’est probablement pas leur objectif immédiat. Au contraire, les deux puissances semblent viser une autonomie maximale et une sphère d’influence proche qui englobe l’Europe de l’Est et certaines parties du Moyen-Orient et de l’Asie. Elles cherchent également à réformer la réglementation internationale dans le but d’acquérir une plus grande influence dans les institutions multilatérales, pour protéger leur véto sur les interventions militaires, accroître la gouvernance mondiale d’Internet (bien que cela soit dans leur propre intérêt) et mettre fin aux pressions américaines, détrônant l’actuel règne du dollar ainsi que pour tenir compte de leurs intérêts dans la conception d’un ordre mondial sécurisé
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Un mariage durable de convenance
La Chine et la Russie ne sont pas des alliés naturels. Elles ont une longue histoire de discorde et au moins trois domaines d’intérêts contradictoires : leurs arrière-cours qui se chevauchent en Asie centrale, leur concurrence dans les ventes d’armes et une asymétrie croissante du pouvoir qui favorise Pékin.
Au fil des années, les deux pays ont assumé des rôles assez distincts en Asie centrale. La Russie est devenue le principal garant de la sécurité dans la région en fondant l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance formelle avec une clause d’autodéfense mutuelle, et en construisant des bases militaires au Kirghizistan et au Tadjikistan. La Russie a également intégré le Kazakhstan dans son système de défense aérienne. En comparaison, la Chine est en train de devenir rapidement le principal partenaire énergétique et infra-structurel de la région. La Belt and Road Initiative chinoise est en bonne voie et plusieurs oléoducs et gazoducs reliant la Chine à ses voisins d’Asie centrale sont déjà fonctionnels. Cela dit, les deux puissances ont un intérêt dans la sécurité et l’intégration économique de la région, comme en témoigne la présence de l’Union économique eurasienne dirigée par la Russie et l’Organisation de coopération de Shanghai dirigée par la Chine.
Malgré leur dépendance à l’égard de la Chine et de la Russie, les États d’Asie centrale jouissent toujours d’une autonomie considérable et ne peuvent être considérés comme des satellites de l’une ou l’autre puissance. La récente résistance du Kazakhstan, un membre de l’OTSC, à la pression de la Russie pour déployer des troupes en Syrie en est un bon exemple. Parmi les cinq pays d’Asie centrale, le Kirghizistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan sont les plus étroitement liés à la Chine et à la Russie ; l’Ouzbékistan et le Turkménistan ont gardé une plus grande distance.
La dynamique économie chinoise, en distançant son homologue russe, aurait généralement provoqué une profonde consternation à Moscou. Cependant, la Russie semble avoir largement accepté la réalité de la montée en puissance de la Chine – une acceptation qui est la clé de la formation d’un pacte entre elles. Pékin, pour sa part, est revenu avec tact sur ses revendications historiques sur la Mandchourie extérieure, ouvrant la voie au règlement de son différend frontalier de longue date avec Moscou. La Chine a également travaillé pour empêcher la concurrence économique avec la Russie de dégénérer en antagonisme politique.
Cependant, la Russie se méfie toujours de la Chine. Contre la volonté de Pékin, qui est dans une longue compétition avec New Delhi, Moscou a soutenu et facilité l’adhésion de l’Inde à l’Organisation de coopération de Shanghai. Le Kremlin maintient également des liens étroits avec le Vietnam et maintient un dialogue continu avec le Japon. Cependant, la Russie a également fait des compromis avec la Chine sur certaines de ces questions, notamment en acceptant l’admission simultanée du Pakistan au bloc. Elle a également limité sa coopération avec Tokyo, traînant les pieds dans le règlement de son différend sur les îles Kouriles.
Ces concessions indiquent que Moscou poursuit une stratégie de couverture, et non une stratégie d’équilibrage. Si la Russie essayait vraiment d’équilibrer sa relation avec la Chine, leur rivalité en Asie centrale prendrait une dimension sécuritaire, ce qui entraînerait des divisions ou, dans le pire des cas, des guerres entre leurs mandataires locaux. Ainsi, alors que certaines tensions structurelles existent certainement entre la Chine et la Russie et pourraient conduire à une rivalité sécuritaire à long terme, leurs dirigeants les ont activement gérées et largement confinées jusqu’à présent. Ce mariage de convenance sera probablement durable, compte tenu des objectifs de transformation radicaux du système international. Et même si une alliance formelle entre la Russie et la Chine ne se réalise jamais, la pérennité de leur partenariat donne déjà l’impression d’être bien soudée et cela de plusieurs façons. De plus, le fait que les deux pays ne ressentent pas le besoin de formaliser leur alliance indique que le côté informel servira de plus en plus de modèle pour des partenariats stratégiques à l’avenir.
La résurgence du Moyen-Orient
Un alignement entre la Russie et la Chine pourrait-il s’étendre à de nouveaux États ? Le pays le plus susceptible de rejoindre leur entente est l’Iran. État révolutionnaire profondément hostile aux États-Unis et à ses alliés, y compris Israël et l’Arabie saoudite, l’Iran a un fort désir de réécrire les règles de l’ordre mondial actuel. Alors que la Belt and Road Initiative chinoise a pris son envol, les investissements chinois en Iran ont commencé à augmenter. Et bien que l’Iran et la Russie aient leurs différends, leurs intérêts de sécurité se sont récemment harmonisés. Dans la guerre civile syrienne, par exemple, ils ont étroitement coordonné leurs opérations aériennes et terrestres au cours des deux dernières années. L’Iran, quant à lui, ajouterait au poids énergétique des deux grandes puissances et saluerait toute tentative de détourner les marchés mondiaux de l’énergie du dollar. Dans les circonstances actuelles, l’Iran a toutes les raisons de renforcer ses liens stratégiques avec la Russie et la Chine, même si il drague en même temps les investisseurs mondiaux.
L’Iran n’est pas le seul candidat à l’adhésion à l’accord sino-russe. La Belt and Road Initiative chinoise est un formidable pari, en partie destiné à attirer plusieurs États dans son orbite. Parmi eux figurent le Pakistan, le Myanmar, le Bangladesh, la Turquie, le Sri Lanka et la Thaïlande. En théorie, toutes ces nations pourraient rejoindre le noyau sino-russe. Pourtant, il est douteux que la plupart le feront. La Turquie, membre de l’OTAN, a travaillé plus étroitement avec la Russie et l’Iran au cours des derniers mois pour gérer le conflit syrien et dépend fortement de l’approvisionnement en énergie de la Russie. Mais la Turquie aura du mal à abandonner ses engagements envers l’OTAN. Au lieu de cela, elle va probablement jouer à un jeu transactionnel avec les trois pouvoirs.
Sur le continent asiatique, il est dans l’intérêt du Sri Lanka et du Bangladesh de ne pas contrarier leur voisin d’à côté, l’Inde, en s’orientant trop vers la Chine. De plus, le Myanmar a une histoire complexe avec la Chine, alors que la Thaïlande est un allié américain par traité, qui a récemment cherché un terrain d’entente entre Washington et Pékin. Le Pakistan a été proche de la Chine pendant des décennies tout en maintenant une relation de sécurité intense (si ce n’est transactionnelle) avec les États-Unis et des relations compliquées avec l’Iran. Si les relations entre Islamabad et Washington ainsi que New Delhi et Pékin devaient se détériorer fortement, le Pakistan pourrait trouver que l’alignement avec la Russie et la Chine apporte plus de bénéfices que de coûts. Mais malgré tout, toute tentative de transformer le pacte sino-russe en une alliance internationale expansive rencontrerait d’énormes obstacles.
Pendant ce temps, tout ne se passe pas comme prévu dans le propre bloc des États-Unis. L’allié de Washington, la Corée du Sud, s’oppose farouchement à toute action militaire américaine contre la Corée du Nord. Les liens des États-Unis avec un autre partenaire important, la Turquie, se détériorent. Les Philippines tentent d’équilibrer entre les États-Unis et la Chine, tout comme la Thaïlande. L’Australie est de plus en plus déchirée entre sa profonde dépendance économique vis-à-vis de la Chine et ses engagements vis-à-vis des États-Unis. De larges clivages se sont ouverts entre les États-Unis et l’Europe sur le commerce, l’action climatique et l’Iran. La Hongrie s’est rapprochée de la Russie alors que le nationalisme populiste – dans certains cas avec le soutien du président russe Vladimir Poutine – se lève à travers le continent. Ensuite il y a l’Allemagne, au sujet de laquelle les États-Unis ont longtemps craint que la relation ne soit pas si solide et s’équilibre vers la Russie. En plus de tout cela, une reprise nationaliste de la politique américaine a rendu la superpuissance plus hostile aux accords commerciaux et aux intrigues étrangères.
D’autre part, les États-Unis renforcent leurs relations de sécurité avec l’Inde et le Vietnam, trouvant avec le Japon et la Pologne des partenaires prêts à contrer respectivement la Chine et la Russie et profitant de la perspective d’un Royaume-Uni post-Brexit plus redevable à Washington que jamais auparavant. Avec une population de plus d’un milliard de personnes, l’avenir de l’Inde est particulièrement important pour l’ordre mondial – mais seulement si elle peut transcender ses nombreux défis intérieurs. Et bien que l’Inde puisse devenir un membre essentiel du bloc dirigé par les États-Unis à l’avenir, son autonomie historique et ses profonds liens de défense avec la Russie pourraient limiter la proximité de New Delhi avec Washington et Tokyo.
À ces facteurs s’ajoutent les défis non étatiques au pouvoir de l’État qui ont émergé depuis les années 1990 et qui ne montrent aucun signe de disparition. Les sociétés technologiques géantes, les réseaux criminels, les groupes terroristes transnationaux, la société civile mondiale et les menaces environnementales croissantes affaiblissent souvent le système des États-nations souverains, et ils continueront de le faire dans les années à venir.
Deux pôles, beaucoup plus petits qu’avant
Le résultat de ces changements est que la bipolarité, bien qu’elle ne soit pas inévitable, sera probablement une caractéristique fondamentale de l’avenir. Mais ce sera beaucoup moins pesant, comparé à la guerre froide – une sorte de « bipolarité réduite aux acquêts ». Chaque partie dans un tel monde aurait un ensemble beaucoup plus restreint de membres : la Russie, la Chine, probablement l’Iran et vraisemblablement le Pakistan d’un côté, et les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et probablement l’Inde et l’Australie de l’autre [les five-eyes, NdT].
Bien que toutes les autres puissances puissent pencher dans un sens ou dans un autre, elles auront des relations plus malléables avec chaque bloc et entre elles. Dans le même temps, les acteurs non étatiques et les coalitions mineures fluides auront tout l’espace nécessaire pour tenter de maximiser leur propre liberté, notamment en limitant l’intensité de la bipolarité entre les grandes puissances. Les États au cœur de ces blocs devront travailler beaucoup plus fort pour gagner les nombreux États hésitants, dispersés à travers le monde, et l’alignement basé sur des questions spécifiques deviendra la norme. Les institutions existantes de la gouvernance mondiale deviendront soit moribondes, soit rétréciront en tant qu’institutions concurrentes ayant des approches différentes.
Les années de guerre froide ont offert un aperçu de ce monde. Le Mouvement des pays non alignés et le G-77 ont influencé des questions telles que la décolonisation, l’aide étrangère et le désarmement, tandis que l’OPEP a brièvement secoué le monde par un embargo pétrolier. Les membres principaux des blocs ont parfois fait preuve d’une autonomie radicale – la scission sino-soviétique de 1959, le « goulash communiste » en Hongrie et l’Ostpolitik en Allemagne de l’Ouest ne sont que quelques exemples. Pourtant, ces déviations n’ont jamais sérieusement miné le système mondial, dominé par deux superpuissances.
Aujourd’hui, une nouvelle contrainte à l’émergence d’une véritable bipolarité existe : l’entrelacement des économies américaine et chinoise. Les déterministes de l’interdépendance soutiendront que de tels liens sont incompatibles avec la bipolarité et l’empêcheront finalement. Cependant, la nature limitée d’un monde sans bipolarité peut permettre aux phénomènes de coexister, quoique difficilement, comme ils l’ont fait dans une Europe fortement interdépendante avant la Première Guerre mondiale. Les États-Unis et la Chine peuvent réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement pour réduire cette interdépendance avec le temps. Les progrès technologiques réduisent déjà les chaînes d’approvisionnement, une tendance qui pourrait s’accélérer si les États-Unis devenaient beaucoup plus protectionnistes.
Si le futur contient effectivement un monde bipolaire, les États-Unis ne seront peut-être pas prêts pour lui. Pour se préparer, Washington devrait recalibrer sa stratégie. Dans un monde où de nombreuses puissances majeures ne sont pas engagées et jouissent de larges degrés de liberté, des outils comme des interventions militaires illimitées, des sanctions unilatérales, l’extraterritorialité et l’hostilité au commerce produiront probablement des rendements décroissants. En comparaison, l’incitation, l’intégration, l’innovation et l’établissement d’un programme adroit peuvent être des options plus intelligentes et plus efficaces. Historiquement, les États-Unis ont été les pionniers de ces approches et ils pourraient être en mesure de les utiliser de manière convaincante une fois de plus. Mais, peut-être le plus important, la superpuissance devra résoudre sa polarisation interne si elle espère se positionner comme un leader cohérent de la communauté internationale. Ce n’est qu’alors qu’elle sera, comme l’a si bien exprimé l’ancien président des États-Unis, Ronald Reagan, « une ville brillante sur une colline, a shining city upon a hill ».
Sarang Shidore
Note du traducteur
Cet article est assez exceptionnel je pense. Ce think tank est un relais médiatique des globalistes. On y trouve presque des lauriers tressés aux Chinois et aux Russes et un lâchage en rase campagne des États-Unis. Les signes noirs avant-coureurs de la fin du monde unipolaire se multiplient. Sur la fin, on sent aussi que ces globalistes souhaitent le glissement vers la fin des états. Alors pensée magique ou prophétie auto-réalisatrice?
Liens
Deux articles de www.dedefensa.org commentent cet article. L’analyse de Stratfor avant et après vaut à elle seule leur lecture.
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