Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Kelly Hensing |
«Ceux que les dieux veulent détruire, ils les rendent d’abord fous» passe pour une citation attribuée à tort à Euripide. Elle semble décrire l’état actuel des choses en ce qui concerne le déroulement de l’imbroglio grec. C’est une tragédie grecque en tous point : nous avons les différents eurocrates, élus, non élus, ou bientôt-non-élus, trébuchant sur la scène en vomissant d’absurdes bêtises, et nous avons le chœur de l’électorat grec annonçant bruyamment au monde quelle absurdité fantaisiste est tout ceci, au moyen d’un référendum.
Comme la plupart d’entre vous le savent probablement, la Grèce est aux prises avec plus de dettes que ce qu’elle peut jamais espérer rembourser. Les documents publiés récemment par le Fonds monétaire international ont concédé ce point. La plupart de cette mauvaise dette a été contractée afin de rembourser les banques allemandes et françaises pour des créances douteuses précédentes. La dette était mauvaise pour commencer, parce qu’elle a été faite sur la base des projections fallacieuses du potentiel de la Grèce concernant sa croissance économique. Les prêteurs se sont comportés tout d’abord de manière irresponsable en offrant ces prêts, et ils méritent de perdre leur argent.
Toutefois, les créanciers de la Grèce refusent d’envisager de déclarer l’intégralité de cette mauvaise dette nulle et non avenue, pas à cause de quelque chose ayant à voir avec la Grèce, qui est assez petite pour qu’on abandonne cette mauvaise dette sans causer de dommages importants, mais à cause de l’Espagne, de l’Italie et d’autres [la France notamment, NdT], qui, si on leur pardonnait de façon similaire, feraient exploser les finances de l’ensemble de l’Union européenne. Ainsi, il est assez évident que la Grèce est punie pour garder les autres pays sous tension. La punition collective d’un pays sous la forme du paiement forcé d’une dette onéreuse engagée sous de faux prétextes est déjà mauvaise ; mais la punition collective d’un pays pour servir d’avertissement aux autres peut faire blêmir.
Ajoutez à cela une double portion de doubles standards. Le FMI ne pourrait pas prêter à la Grèce, car cela nécessite une certaine assurance de remboursement ; mais il continuera à prêter à l’Ukraine, qui est en défaut et en effondrement rapide, sans de telles assurances, parce que, voyez-vous, la décision est politique. La Banque centrale européenne n’accepte plus les obligations grecques comme garantie parce que, vous voyez, elle les considère comme pourries ; mais elle continuera à se gaver de toutes sortes d’autres ordures financières en les utilisant pour vomir des euros sans broncher, gardant son soutien financier à d’autres pays européens simplement parce qu’ils ne sont pas la Grèce. Le gouvernement allemand insiste sur le remboursement grec, considérant que cette position est hautement morale, en ignorant le fait que l’Allemagne est le pays ayant fait le plus défaut dans toute l’histoire de l’Europe. Si l’Allemagne n’avait pas été pardonnée à plusieurs reprises pour sa dette, le pays serait beaucoup plus pauvre, et en moins bonne forme que la Grèce.
L’hypocrisie éhontée de tout cela ne peut qu’avoir un effet déstabilisateur sur la politique de l’Europe, avec le centre politique s’enfonçant pour être remplacé par des coalitions radicales de gauche ou de droite. Notez combien rapidement la concurrente de droite à la présidentielle de la France, Marine Le Pen, a salué le résultat du référendum organisé par le gouvernement de gauche de la Grèce. Le dégoût de la bureaucratie qui règne dans l’Union européenne commence à transcender les frontières politiques, créant de drôles de coalitions.
En fin de compte, la finance, à tous les niveaux, doit être basée sur des règles et des chiffres, ou bien elle devient absurde. Brisez suffisamment de vos propres règles, et votre argent ira grossir les tas d’ordures, parce que dans un monde où l’argent est de la dette et la dette des ordures, l’argent devient une ordure. Mais il y a une méthode éprouvée pour résoudre ce problème et continuer : on appelle ça la faillite nationale. La Grèce est en faillite ; si sa résolution provoque la faillite de l’Espagne, de l’Italie et d’autres et si, par effet domino, cela met en faillite toute la zone euro, alors c’est exactement ce qui doit arriver.
Mais quelque chose pourrait se produire à la place. Les eurocrates sont déjà consternés par le spectacle de la démocratie grecque, et ils vont travailler dur pour faire dérailler tout effort démocratique dans l’avenir en utilisant tous les moyens de manipulation politique et économique à leur disposition ; tout simplement pour gagner un peu plus de temps, ce qui rendra la fin du jeu, quand elle arrivera enfin, d’autant plus douloureuse. Je suis sûr que les eurocrates planifient de suivre le modèle de la fonction publique britannique, qui a atteint son niveau de dotation maximale lorsque l’Empire britannique a cessé d’exister. Regardons les moyens de ne pas les aider à le faire.
Dmitri Orlov
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