vendredi 9 mars 2018

Le sort des Empires et la recherche de leur survie 2/5

Article original de Sir John Glubb, publié en 1977 sur le site The Organic Prepper
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


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Sir John Bagot Glubb par Boris Chaliapin


Essayons donc d’examiner les étapes de la vie de nations aussi puissantes.

4. Première étape : L’expansion

À maintes reprises dans l’histoire, nous trouvons une petite nation, considérée comme insignifiante par ses contemporains, émergeant soudainement de sa patrie et envahissant de vastes régions du monde. Avant Philippe II de Macédoine (359-336 B.C.) la Macédoine n’avait été qu’un État insignifiant au nord de la Grèce. La Perse était la grande puissance de l’époque, dominant complètement la région, de l’Europe de l’Est à l’Inde. Pourtant, en 323 av. J.-C., trente-six ans après l’avènement de Philippe, l’Empire perse avait cessé d’exister et l’Empire macédonien s’étendait du Danube à l’Inde, y compris en Égypte.



Cette étonnante expansion peut peut-être être attribuée au génie d’Alexandre le Grand, mais cela ne peut être la seule raison ; en effet, bien qu’après sa mort, tout se soit dégradé, les généraux macédoniens se sont affrontés et ont établi des empires rivaux, mais la prééminence macédonienne a survécu pendant encore 231 ans.

En l’an 600 de notre ère, le monde était divisé entre deux superpuissances, comme cela a été le cas ces cinquante dernières années entre la Russie soviétique et l’Occident. Les deux puissances étaient l’Empire romain d’Orient et l’Empire perse. Les Arabes étaient alors les habitants méprisés et arriérés de la péninsule arabique. Ils se composaient principalement de tribus errantes, et n’avaient aucun gouvernement, aucune Constitution et aucune armée. La Syrie, la Palestine, l’Égypte et l’Afrique du Nord étaient des provinces romaines, l’Irak faisait partie de la Perse.

Le prophète Mohammed a prêché en Arabie de 613 à 632 après Jésus-Christ, lorsqu’il est mort. En 633, les Arabes sont sortis en force de leur péninsule désertique et ont attaqué simultanément les deux superpuissances. En vingt ans, l’Empire perse avait cessé d’exister. Soixante-dix ans après la mort du Prophète, les Arabes avaient établi un empire s’étendant de l’Atlantique aux plaines du Nord de l’Inde et aux frontières de la Chine.

Au début du treizième siècle, les Mongols étaient un groupe de tribus sauvages dans les steppes de Mongolie. En 1211, Gengis Khan a envahi la Chine. En 1253, les Mongols avaient établi un empire s’étendant de l’Asie mineure à la Mer de Chine, l’un des plus grands empires que le monde ait jamais connu.

Les Arabes ont gouverné la plus grande partie de l’Espagne pendant 780 ans, de 712 à 1492. (780 ans plus tôt dans l’histoire britannique nous ramènerait en 1196 et au roi Richard Cœur de Lion). Pendant ces huit siècles, il n’y avait pas de nation espagnole, les petits rois d’Aragon et de Castille se cramponnaient seuls dans les montagnes.

L’accord entre Ferdinand et Isabelle d’un côté et Christophe Colomb de l’autre a été signé immédiatement après la chute de Grenade, le dernier royaume arabe en Espagne, en 1492. En cinquante ans, Cortez avait conquis le Mexique, et l’Espagne était le plus grand empire du monde.
Des exemples d’expansions soudaines par lesquelles les empires sont nés pourraient être multipliés à l’infini. Ces illustrations aléatoires doivent suffire.

5. Caractéristiques de l’expansion

Ces expansions soudaines sont généralement caractérisées par un déploiement extraordinaire d’énergie et de courage. Les nouveaux conquérants sont normalement pauvres, robustes et entreprenants, et surtout agressifs. Les empires en déclin qu’ils renversent sont riches mais sur la défensive. Au temps de la grandeur romaine, les légions creusaient un fossé autour de leurs camps la nuit pour éviter les attaques surprises.

Mais les fossés étaient de simples terrassements, et entre eux on laissait de larges espaces à travers lesquels les Romains pouvaient contre-attaquer. Mais au fur et à mesure que Rome vieillissait, les travaux de terrassement devinrent de hauts murs, à travers lesquels on accédait seulement par des portes étroites. Les contre-attaques n’étaient plus possibles. Les légions étaient maintenant des défenseurs passifs.

Mais la nouvelle nation ne se distingue pas seulement par la victoire dans la bataille, mais par un esprit d’entreprise incessant dans tous les domaines. Les hommes se frayent un chemin à travers les jungles, escaladent les montagnes ou affrontent les océans Atlantique et Pacifique sur de minuscules coques de noix. Les Arabes traversèrent le détroit de Gibraltar en 711 avec 12 000 hommes, défirent une armée gothique de plus de deux fois leur force, marchèrent directement sur 400 km de territoire ennemi inconnu et s’emparèrent de la capitale gothique de Tolède. À la même étape dans l’histoire britannique, le capitaine Cook découvre l’Australie. L’initiative intrépide caractérise ces périodes.

D’autres particularités de la période des pionniers conquérants sont leur disposition à improviser et à expérimenter. Sans être entravés par des traditions, ils adapteront tout ce qui est disponible pour atteindre leurs objectifs. Si une méthode échoue, ils essaient autre chose. Non inhibée par des manuels scolaires ou par l’apprentissage du livre, l’action est la solution à tous les problèmes.
Pauvres, robustes, souvent à moitié affamés et mal vêtus, ils abondent en courage, en énergie et en initiative, surmontent tous les obstacles et semblent toujours maîtriser la situation.

6. Les causes de ces expansions raciales

L’instinct moderne est de chercher une raison pour tout, et de douter de la véracité d’une affirmation pour laquelle une raison ne peut être trouvée. Tant d’exemples peuvent être donnés de la transformation soudaine d’une obscure race en une nation de conquérants que la vérité du phénomène ne peut pas être considérée comme douteuse.

Assigner une cause est plus difficile. Peut-être l’explication la plus facile est-elle de supposer que la race pauvre et obscure est tentée par la richesse de l’ancienne civilisation, et qu’il y aurait sans aucun doute un élément d’avidité dans les invasions barbares pour obtenir du butin.

Une telle motivation peut être divisée en deux classes. Le premier est le butin, le pillage et le viol, comme dans le cas d’Attila et des Huns, qui ont ravagé une grande partie de l’Europe de l’an 450 à 453. Cependant, quand Attila est mort, en une seule année, son empire s’est désagrégé et ses tribus sont retournées vers l’Est de l’Europe.

Beaucoup de barbares qui ont fondé des dynasties en Europe occidentale sur les ruines de l’Empire romain, cependant, l’ont fait par admiration pour la civilisation romaine, et ont eux-mêmes aspiré à devenir Romains.

7. Un retournement providentiel ?

Quelles que soient les causes qui peuvent être données pour le renversement des grandes civilisations par les barbares, nous pouvons ressentir certains avantages qui en découlent. Chaque race sur terre a des caractéristiques distinctives. Certaines se sont distinguées en philosophie, certaines dans l’administration, d’autres dans la romance, la poésie ou la religion, certaines encore avec leur système juridique. Au cours de la prééminence de chaque culture, ses caractéristiques distinctives sont portées partout dans le monde.

Si la même nation devait conserver sa domination indéfiniment, ses qualités particulières caractériseraient de façon permanente toute la race humaine. Sous le régime des empires, chacun pendant 250 ans, la race souveraine a le temps d’étendre ses vertus particulières au loin. Alors, cependant, un autre peuple, avec des particularités tout à fait différentes, prend sa place, et ses vertus et ses accomplissements sont également disséminés. Par ce système, chacune des innombrables races du monde jouit d’une période de grandeur, au cours de laquelle ses qualités particulières sont mises au service de l’humanité.

Pour ceux qui croient en l’existence de Dieu, en tant que Souverain et Directeur des affaires humaines, un tel système peut apparaître comme une manifestation de la sagesse divine, tendant vers la perfection lente et ultime de l’humanité.

8. Au fil de l’Empire

La première étape de la vie d’une grande nation est donc, après son expansion, une période extraordinaire faite d’initiatives, d’entreprises, de courage et de hardiesse presque incroyables. Ces qualités, souvent en très peu de temps, produisent une nation nouvelle et redoutable. Ces victoires précoces, cependant, sont gagnées principalement par la bravoure imprudente et l’initiative audacieuse. [On peut imaginer que beaucoup d’élans ont été impitoyablement liquidés dans le sang par les empires existants, seuls les plus méritants ont survécu assez longtemps pour raconter leur histoire, NdT].

L’ancienne civilisation ainsi attaquée se sera défendue par ses armes sophistiquées, par son organisation militaire et sa discipline. Les barbares apprécient rapidement les avantages de ces méthodes militaires et les adoptent. En conséquence, la deuxième étape de l’expansion du nouvel empire consiste en des campagnes plus organisées, disciplinées et professionnelles.

Dans d’autres domaines, l’initiative audacieuse des conquérants est maintenue − dans l’exploration géographique, par exemple : pionnier dans de nouveaux pays, pénétration de nouvelles forêts, escalade de montagnes inexplorées et navigation sur des mers inexplorées. La nouvelle nation est confiante, optimiste et peut-être méprisante à l’égard des races « décadentes » qu’elle a subjuguées.

Les méthodes employées tendent à être pratiques et expérimentales, à la fois dans le mode de gouvernement et dans la guerre, car elles ne sont pas liées par des siècles de tradition, comme cela se produit dans les anciens empires. De plus, les dirigeants sont libres d’utiliser leurs propres improvisations, n’ayant pas étudié la politique ou la tactique dans les écoles ou dans les manuels scolaires.

9. Les États-Unis à l’âge des pionniers

Dans le cas des États-Unis d’Amérique, la période pionnière ne consistait pas en la conquête barbare d’une civilisation décadente, mais en la conquête des peuples barbares. Ainsi, vu de l’extérieur, chaque exemple semble être différent. Mais du point de vue de la grande nation, chaque exemple semble être similaire.

Les États-Unis sont soudainement apparus comme une nation nouvelle et leur période pionnière a été consacrée à la conquête d’un vaste continent, et non d’un ancien empire. Cependant, l’histoire subséquente des États-Unis a suivi le modèle standard que nous tenterons de tracer : les âges des pionniers, du commerce, de la prospérité, de l’intellectualisme et de la décadence.

10. Expansion commerciale

La conquête de vastes étendues de terres et leur assujettissement à un gouvernement agit automatiquement comme un stimulant pour le commerce. Les marchands peuvent échanger leurs marchandises sur des distances considérables.

De plus, si l’Empire est vaste, il comprendra une grande variété de climats, produisant des produits extrêmement variés, que les différentes régions voudront échanger entre elles.

La rapidité des moyens de transport modernes tend à créer en nous l’impression que le commerce lointain est un développement moderne, mais ce n’est pas le cas. Des objets fabriqués en Irlande, en Scandinavie et en Chine ont été trouvés dans les tombes ou les ruines du Moyen-Orient, datant de 1000 ans avant Jésus-Christ. Les moyens de transport étaient plus lents, mais quand un grand empire contrôlait l’espace, le commerce était libéré des innombrables chaînes qui lui sont imposées aujourd’hui par des passeports, des permis d’importation, des coutumes, des boycotts et des ingérences politiques.

L’empire romain s’étendait de la Grande-Bretagne à la Syrie et à l’Égypte, sur une distance de 4 400 km, en ligne droite. Un fonctionnaire romain, transféré de Grande-Bretagne en Syrie, pouvait passer six mois en voyage. Pourtant, sur toute la distance, il voyageait dans le même pays, avec la même langue officielle, les mêmes lois, la même monnaie et la même administration. Aujourd’hui, une vingtaine de pays indépendants sépare la Grande-Bretagne de la Syrie, chacun avec son propre gouvernement, ses propres lois, sa politique, ses droits de douane, son passeport et sa monnaie, ce qui rend la coopération commerciale presque impossible. Et ce processus de désintégration continue encore. Même dans les petites régions des nations européennes modernes, les mouvements provinciaux de sécession ou de dévolution tendent encore à diviser le continent.

La mode actuelle de « l’indépendance » a produit un grand nombre de petits États dans le monde, certains d’entre eux se composant d’une seule ville ou d’une petite île. Ce système est un obstacle insurmontable au commerce et à la coopération. La Communauté économique européenne actuelle est une tentative de sécuriser la coopération commerciale entre de petits États indépendants sur une vaste zone, mais le plan rencontre de nombreuses difficultés, en raison des jalousies réciproques de tant de nations.

Même les empires brutaux et militaristes favorisaient le commerce, qu’ils aient ou non l’intention de faire ainsi. Les Mongols ont été parmi les conquérants militaires les plus brutaux de l’histoire, massacrant toute la population des villes. Pourtant, au XIIIe siècle, lorsque leur empire s’étendait de Pékin à la Hongrie, le commerce des caravanes entre la Chine et l’Europe a atteint un degré remarquable de prospérité – tout le voyage se faisait dans un territoire tenu par un gouvernement.
Aux VIIIe et IXe siècles, les califes de Bagdad obtinrent une richesse fabuleuse en raison de l’immense étendue de leurs territoires, qui constituaient un seul bloc commercial. L’empire des califes est maintenant divisé en vingt-cinq « nations » distinctes.

11. Les avantages et les inconvénients des empires

En discutant l’histoire de la vie d’un empire typique, nous avons digressé pour savoir si les empires sont utiles ou nuisibles à l’humanité. Nous semblons avoir découvert que les empires ont certains avantages, notamment dans le domaine du commerce, et dans l’établissement de la paix et de la sécurité dans de vastes régions du globe. Peut-être devrions-nous également inclure la diffusion de cultures variées à de nombreuses races. L’engouement actuel pour l’indépendance des unités toujours plus petites sera sans doute remplacé par de nouveaux empires internationaux.

RQ : – Il y a une faiblesse à ce raisonnement car un Empire uniformise les cultures dans les pays conquis pour le meilleur comme pour le pire.

Les tentatives actuelles de créer une communauté européenne peuvent être considérées comme une tentative pratique de constituer une nouvelle superpuissance, malgré la fragmentation résultant de l’engouement pour l’indépendance. Si cela réussit, certaines des indépendances locales devront être sacrifiées. Si cela échoue, le même résultat pourra être atteint par la conquête militaire ou par la partition de l’Europe entre superpuissances rivales.

La conclusion inévitable semble toutefois être que les unités territoriales plus vastes sont un avantage pour le commerce et la stabilité publique, que le territoire soit réalisé par association volontaire ou par action militaire.

12. Puissance maritime

L’une des façons les plus bienveillantes par laquelle une superpuissance peut promouvoir à la fois la paix et le commerce, c’est son contrôle des routes maritimes.

De Waterloo à 1914, la marine britannique a commandé sur les mers du monde. La Grande-Bretagne s’est enrichie, mais elle a également rendu les mers plus sûres pour le commerce de toutes les nations et a empêché les guerres majeures pendant 100 ans.

Curieusement, la question de la puissance maritime n’a jamais été clairement séparée, dans la politique britannique au cours des cinquante dernières années, de la question de la domination impériale sur les autres pays. En fait, les deux sujets sont entièrement distincts. La puissance maritime n’offense pas les petits pays comme le fait une occupation militaire.

Si la Grande-Bretagne avait maintenu sa marine de guerre, avec quelques bases navales à l’étranger dans des îles isolées, et avait donné leur indépendance aux colonies qui l’avaient demandées, le monde pourrait bien être un endroit plus stable aujourd’hui. De fait, cependant, la marine britannique a été balayée par le tollé populaire contre l’impérialisme.

13. L’âge du commerce

Retournons maintenant, cependant, à la vie de notre empire de référence. Nous avons déjà considéré l’âge de l’expansion, quand un peuple, mal considéré, soudainement éclate sur la scène mondiale avec un courage et une énergie sauvages. Appelons-le l’âge des pionniers.

Puis nous avons vu que ces nouveaux conquérants assimilaient les armes sophistiquées des anciens empires et adoptaient leurs systèmes d’organisation et d’entraînement militaire. Une grande période d’expansion militaire s’ensuit, que nous pouvons appeler l’âge des conquêtes. Les conquêtes se sont traduites par l’acquisition de vastes territoires administrés par un seul gouvernement, ce qui a automatiquement engendré une prospérité commerciale. Nous pouvons appeler cela l’âge du commerce.

L’âge des conquêtes, bien sûr, chevauche l’âge du commerce. Les fières traditions militaires continuent à régner et les grandes armées gardent les frontières, mais peu à peu le désir de gagner de l’argent semble tarauder le public. Pendant la période militaire, la gloire et l’honneur étaient les principaux objets de l’ambition. Pour le commerçant, de telles idées ne sont que des mots vides, qui n’ajoutent rien au solde bancaire.

14. L’art et le luxe

La richesse qui semble couler, presque sans effort, sur le pays permet aux classes commerciales de devenir immensément riches. Dépenser tout cet argent devient un problème pour la communauté des riches marchands. L’art, l’architecture et le luxe trouvent échos chez ses patrons riches. De splendides bâtiments municipaux et de larges rues confèrent dignité et beauté aux quartiers riches des grandes villes. Les riches marchands se construisent pour eux-mêmes des palais, et l’argent est investi dans les moyens de communication, les autoroutes, les ponts, les chemins de fer ou les hôtels, selon les divers modèles à travers les âges.

La première moitié de l’ère du commerce semble être particulièrement splendide. Les anciennes vertus du courage, du patriotisme et du dévouement au devoir sont toujours présentes. La nation est fière, unie et pleine de confiance en soi. Les garçons doivent tout d’abord être virils, marcher droit et dire la vérité. (Il est remarquable que l’accent soit mis, à ce stade, sur la vertu virile de la véracité, car mentir est une forme de lâcheté, la peur de faire face à une situation).

Les écoles des garçons sont intentionnellement brutales. La nourriture frugale, la vie difficile, le fait de briser la glace pour prendre un bain et des coutumes semblables visent à produire une race d’hommes forts, hardis et intrépides. Le devoir est le mot constamment enfoncé dans la tête de ces jeunes. L’âge du commerce est également marqué par une grande entreprise d’exploration de nouvelles formes de richesse. L’initiative audacieuse est visible dans la recherche d’entreprises rentables dans les coins les plus reculés de la terre, perpétuant dans une certaine mesure le courage aventureux de l’âge des conquêtes.

15. L’âge de l’abondance

Il ne semble pas y avoir de doute que l’argent est l’agent qui provoque le déclin de ce peuple fort, courageux et sûr de lui. Le déclin du courage, de l’esprit d’entreprise et du sens du devoir est cependant progressif.

La première manière par laquelle la richesse détruit une nation est morale. L’argent remplace l’honneur et l’aventure comme objectif des meilleurs jeunes hommes. De plus, les hommes ne cherchent généralement plus à gagner de l’argent pour leur pays ou leur communauté, mais pour eux-mêmes.

Peu à peu, et presque imperceptiblement, l’âge de l’abondance fait taire la voix du devoir. L’idéal des jeunes et des ambitieux n’est plus la gloire, l’honneur ou le service, mais le cash.

L’éducation subit la même transformation graduelle. Les écoles ne visent plus à former des patriotes courageux prêts à servir leur pays. Les parents et les étudiants recherchent les qualifications éducatives qui donneront accès aux salaires les plus élevés. Le moraliste arabe, Ghazali (1058-1111), se plaint dans ces mêmes mots de l’abaissement des objectifs dans le monde arabe en déclin de son temps. Les étudiants, dit-il, ne vont plus à l’université pour acquérir des connaissances et de la vertu, mais pour acquérir ces qualifications qui leur permettront de devenir riches. La même situation est partout évidente chez nous en Occident aujourd’hui.

16. Zénith

Ce que nous pouvons appeler le zénith d’une nation couvre la période de transition de l’âge des conquêtes à l’âge de l’abondance : l’âge d’Auguste à Rome, celui de Haroun al-Rachid à Bagdad, de Suleiman le Magnifique dans l’Empire ottoman, ou de la reine Victoria en Grande-Bretagne. Peut-être pourrions-nous ajouter l’âge de Woodrow Wilson aux États-Unis. [Où de Napoléon pour la France, NdT].

Toutes ces périodes révèlent les mêmes caractéristiques. L’immense richesse accumulée dans la nation éblouit les foules. Il reste assez des anciennes vertus du courage, de l’énergie et du patriotisme pour permettre à l’État de défendre avec succès ses frontières. Mais, sous la surface, la cupidité pour l’argent remplace progressivement le devoir et le service public. Ce changement pourrait donc être résumé comme passant de l’envie de servir à l’égoïsme.

Sir John Glubb, mieux connu sous le nom de Glubb Pacha, est né en 1897 et a servi en France pendant la Première Guerre mondiale de 1915 à 1918. En 1926, il a quitté l’armée régulière pour servir le gouvernement irakien. De 1939 à 1956, il commande la fameuse légion arabe jordanienne. Depuis sa retraite, il a publié seize livres, principalement sur le Moyen-Orient, et a donné de nombreuses conférences.

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