Article original de Tyler Durden publié le 9 Juin 2015 sur le site http://zerohedge.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr/
Gazprom règle maintenant toutes ses ventes de brut à la Chine en yuan
Les deux sujets que nous avons jugés très importants pour une
compréhension approfondie de la finance mondiale, mais aussi le
glissement du paysage géopolitique, sont la mort du pétrodollar et
l’idée de l’hégémonie du yuan.
En novembre dernier, dans l’article
How The Petrodollar Quietly Died And No One Noticed,
nous avons dit la chose suivante au sujet de la disparition au ralenti
du système qui a servi à perpétuer des décennies de domination du
dollar :
Il y a deux ans, à voix basse au début, puis de plus en plus
fortement, le monde financier a commencé à discuter de ce qui ne sera
jamais débattu publiquement – la fin du système qui selon beaucoup a
encadré et facilité le statut de monnaie de réserve du dollar
américain : le pétrodollar, ou le monde dans lequel les pays exportant
du pétrole devaient recycler les dollars qu’ils avaient reçus en échange
de leurs exportations de pétrole, par l’achat d’actifs libellés en
dollar US, augmentant la solidité financière de la monnaie de réserve,
et conduisant à des prix encore plus élevés des actifs et encore plus
d’achats libellés en dollars US, et ainsi de suite, dans un cercle
vertueux (surtout si l’on détenait des actifs libellés en dollars
américains et en monnaie US imprimée).
La principale poussée pour cet éloignement du dollar, lancée dans
les médias non traditionnels, venait de la Russie et de la Chine, ainsi
que du reste des pays des BRICs, qui cherchaient de plus en plus à se
distancier du leadership US, du statu quo du monde développé mené
par le FMI. Ces pays aspirent à un commerce mondial qui aurait lieu de
plus en plus grâce à des accords bilatéraux qui contournent entièrement
le (petro-) dollar. Et bien sûr, cela a certainement eu lieu, avec
d’abord la Russie et la Chine, puis l’Iran, et de plus en plus de pays
en développement, qui traitent entre eux, en contournant entièrement le
dollar US, et s’engagent dans des accords commerciaux bilatéraux.
La chute des prix du pétrole brut a servi à accélérer la disparition du pétrodollar et, en 2014, les pays de l’OPEP ont
drainé des liquidités depuis les marchés financiers pour la première fois en près de deux décennies :
Goldman Sachs estime qu’un nouveau prix du pétrole à l’équilibre (soit
un ralentissement durable) pourrait entraîner une fuite nette de
pétrodollars de $24 Mds par mois soit près de $900 Mds d’ici à 2018. Les
implications, comme le note Bank of America, sont considérables : «…
la fin de la chaîne de recyclage des pétrodollars va avoir un impact
sur tous les sujets, de la géopolitique russe, à la liquidité globale du
marché des capitaux, à la demande de refuge pour les bons du trésor,
aux tensions sociales dans les pays en développement, à la stratégie de
sortie de la Fed.»
En se projetant vers l’idée de l’hégémonie du yuan, la Chine pousse de façon agressive son
fonds d’investissement de la Route de la Soie et la Banque asiatique d’investissement.
Ce fonds de $40 Mds est soutenu par China’s FX reserves, par la
Banque Export-Import de Chine et la Banque de développement de Chine et
cherche à augmenter le
ROIC [Retour sur investissement du capital] pour
les entreprises publiques chinoises en investissant dans des projets
d’infrastructure à travers le monde en développement, tandis que les $50
Mds de l’AIIB sont financés par les 57 pays membres fondateurs (les
États-Unis et le Japon n’ont pas adhéré) et serviront à bouleverser les
institutions multilatérales occidentales [FMI, entre autres] traditionnellement dominantes qui ont échoué à répondre à l’influence économique croissante de leurs membres. La
Chine va pousser pour que le yuan joue un rôle de premier plan dans le
règlement des transactions de l’AIIB et pourrait chercher à établir des
réserves spéciales, tant dans l’AIIB que dans le fonds pour la Route de
la Soie pour émettre des emprunts libellés en yuans.
Si on revient à début novembre, les données
SWIFT
ont montré que 15 nouveaux pays ont rejoint la liste des nations
réglant plus de 10% de leurs accords commerciaux avec la Chine en yuans.
«C’est un bon signe pour l’adoption du yuan à l’international. En
particulier, l’usage du yuan pour les paiements au Canada, qui
a considérablement augmenté au cours de cette période, est très
intéressant alors que nous n’avons pas vu une forte adoption du
yuan en Amérique du Nord à ce jour», a dit Astrid Thorsen, qui dirige le bureau d’investigation de
SWIFT.
Plus tôt ce mois-ci, la Chine et la Russie ont indiqué qu’à l’avenir,
une part plus importante du commerce entre les deux pays serait réglé
en yuan. Sur Reuters, en n
ovembre dernier :
La Russie et la Chine ont l’intention d’augmenter le montant des
échanges établis en yuans, a déclaré le président Vladimir Poutine dans
un discours qui a été accueilli favorablement par les autorités
chinoises, qui veulent utiliser leur monnaie plus largement dans le
monde entier.
Sous l’impulsion de leurs relations souvent tendues avec les
États-Unis, la Russie et la Chine ont longtemps préconisé la réduction
du rôle du dollar dans le commerce international.
Restreindre l’influence du dollar cadre bien avec les ambitions
de la Chine d’augmenter l’influence du yuan et, finalement, de le
transformer en une monnaie de réserve mondiale. Avec 32% de ses $4 000
Mds de réserves de change investies dans la dette du gouvernement
américain, la Chine veut réduire les risques d’investissement en dollar.
La quête pour limiter la domination du dollar est devenue plus
urgente pour Moscou cette année, alors que les États-Unis et les
gouvernements européens ont imposé des sanctions à la Russie pour son
soutien aux rebelles séparatistes en Ukraine.
«Dans le cadre de notre coopération avec ce pays (la Chine), nous
avons l’intention d’utiliser les monnaies nationales dans les
transactions mutuelles. Les contrats à base de roubles et de yuans se
mettent en place. Je tiens à souligner que nous sommes prêts à étendre
ces possibilités dans nos transactions commerciales concernant les
ressources énergétiques», a déclaré M. Poutine à l’époque, ce qui
suggère qu’à l’avenir, la Russie pourrait chercher à régler les ventes
de pétrole en yuan.
Effectivement, Gazprom a confirmé que depuis le début de l’année,
toutes les ventes de pétrole vers la Chine ont été réglées en yuan.
Voici un commentaire publié sur le Financial Times:
Le troisième plus grand producteur de pétrole de la Russie a
maintenant libellé l’ensemble de ses ventes de brut vers la Chine en
yuan, comme le signe le plus clair que les sanctions occidentales ont
entraîné une augmentation de l’utilisation de la monnaie chinoise par
des sociétés russes.
Les dirigeants russes ont parlé de la possibilité d’un passage de
la devise américaine au yuan alors que le Kremlin a lancé une politique
étrangère de pivot vers l’Asie en partie en réponse aux
sanctions occidentales contre Moscou quant à son intervention en
Ukraine, mais jusqu’à maintenant, il y avait peu de visibilité sur
l’ampleur du commerce qui serait réglé dans la monnaie chinoise.
Gazprom Neft, le bras armé pétrolier du géant gazier d’état
Gazprom, a déclaré vendredi que depuis le début de 2015, il avait vendu
tout son pétrole exporté vers la Chine en yuans, à travers le pipeline
East Siberia Pacific Ocean.
Les exportations de brut des entreprises russes ont été largement
faites en dollars jusqu’à l’été dernier, quand les États-Unis et
l’Europe ont imposé des sanctions sur le secteur russe de l’énergie à la
suite de la crise en Ukraine …
Gazprom Neft a réagi plus rapidement que la plupart, Alexander
Dyukov, chef de la direction, annonçant en avril de l’année dernière que
la compagnie avait obtenu un accord de 95 % de ses clients pour régler
des transactions en euros plutôt qu’en dollars, si le besoin s’en
faisait sentir.
M. Dyukov a déclaré plus tard que la compagnie avait commencé à
vendre du pétrole à l’exportation en roubles et yuans, mais il n’a pas
précisé le volume des ventes.
Selon les résultats de Gazprom Neft du premier trimestre publiés
le mois dernier, l’oléoduc East Siberian Pacific Ocean représentait
37,2 % des exportations de pétrole brut de la société avec 1,6 million
de tonnes pour le premier trimestre.
Avec cela, le PetroYuan est officiellement né et tandis que le Financial Times notait que «d’autres groupes énergétiques russes ont été plus réticents à abandonner le dollar pour le règlement des ventes de pétrole»,
le fait que les producteurs russes envisagent maintenant ouvertement un
changement, en même temps que les officiels aux États-Unis et en Europe
discutent ouvertement de l’intensification des sanctions économiques,
suggère que les règlements en yuan vont devenir plus courants à
l’avenir.
Pour comprendre pourquoi et dans quelle mesure c’est important dans
le contexte actuel, considérons l’information suivante parue sur
WSJ
Les officiels de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole
(OPEP), qui ont refusé de réduire la production de pétrole l’an dernier,
ont estimé que le maintien des niveaux de production élevés permettrait
de protéger leurs parts de marché dans les achats des grands pays
importateurs.
Mais les données des douanes chinoises publiées vendredi montrent
que les importations chinoises de brut en provenance de certains grands
pays de l’OPEP ont chuté, tandis que les importations en provenance de
la Russie ont bondi de 36% en 2014. Pendant ce temps, les importations
en provenance d’Arabie saoudite ont chuté de 8% et celles du Venezuela
ont chuté de 11%.
Pour résumer : les sanctions économiques occidentales contre la Russie
ont poussé les producteurs de pétrole locaux à régler leurs exportations
de pétrole brut vers la Chine en yuan juste au moment ou le pétrole
russe est à la hausse en pourcentage du total des importations chinoises
de pétrole brut. Pendant ce temps, l’effondrement des prix du brut a
conduit à la première sortie nette de pétrodollars sur les marchés
financiers depuis 18 ans, et si les projections de Goldman Sachs se
révèlent exactes, l’offre nette de pétrodollars pourrait baisser de près
de $900 Mds sur les trois prochaines années. Tout cela arrive alors que
par ailleurs la Chine fait un effort concerté pour mettre en place les
prêts alloués par ses fonds d’infrastructure nouvellement créés en yuan.
Pour résumer, le PetroYuan est le point d’intersection d’un pétrodollar mourant et d’un yuan ascendant.
Taylor Durden
Note du traducteur
Il faut aussi se souvenir que, dans le cadre des sanctions
trans-nationales, ne pas traiter en dollar permet d’échapper à la
justice américaine et à son racket, les États-Unis ayant développé une
notion d’extraterritorialité judiciaire pour quiconque commerce en
dollar.
Liens
Le Petro-Yuan est né : Gazprom effectue désormais toutes les ventes de brut à la Chine en yuan !