mardi 19 janvier 2021

Genghis Khan fait l’Amérique

Article original de Dmitry Orlov, publié le 14 janvier 2021 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

La situation politique aux États-Unis étant plutôt confuse en ce moment, il serait insensé d’ajouter à la pile déjà ridiculement énorme de commentaires politiques une autre brique d’absurdité politique. En outre, j’aurais du mal à pondre une telle brique car je m’en moque vraiment, profondément, sincèrement. Il y a plus de dix ans, j’ai réussi à prédire la trajectoire de l’effondrement des États-Unis et je peux maintenant me reposer dans un contentement digne de Bouddha, en répétant mon mantra politique préféré : « Les États-Unis ne sont pas une démocratie et peu importe qui est président ». Les développements récents ont forcé la plupart des formes de vie sensibles à convenir avec moi que les États-Unis ne sont pas une démocratie ; et c’est une question de temps avant qu’ils ne concèdent également que peu importe qui est président.

La voie à suivre pour les États-Unis est parfaitement claire : il n’y en a aucune. En tout cas, il n’y a pas de voie à suivre pour les États-Unis telle qu’elle a été conçue et constituée jusqu’à aujourd’hui sans inclure le présent. Bien sûr, quelque chose continuera à se produire, même si c’est désagréable et lamentable. Par exemple, un développement viable mais particulièrement désastreux serait de rétablir l’institution de l’esclavage, sous la forme du travail en prison. Le système est déjà en place ; il faut simplement l’agrandir. Une façon traditionnelle de l’agrandir, mise au point pendant la Grande Dépression, consiste à déposséder des millions de personnes, puis à les arrêter et à les emprisonner pour vagabondage.

J’en dirai plus à ce sujet plus tard, mais ce que je veux faire ici, c’est prendre beaucoup de recul et examiner une situation hypothétique intéressante : que ferait Gengis Khan ? Qu’adviendrait-il des États-Unis s’ils faisaient partie de l’Empire du ciel bleu de Gengis Khan ?

L’Empire mongol, ou l’Empire du ciel bleu, qui englobait autrefois la majeure partie de l’Eurasie et de la Fédération de Russie, son héritière, en englobe encore, à bien des égards, une grande partie. Lorsque la Horde d’or (la partie la plus occidentale de l’Empire mongol) s’est éteinte, elle a fusionnée avec l’Empire russe qui était alors en plein essor. Lorsque l’Empire russe s’est étendu vers l’Est, en direction du Pacifique et de la Chine, il a absorbé des peuples déjà habitués à la domination mongole, ce qui constituait une alternative supérieure au sort horrible de se battre sans fin. Il a fallu un certain temps pour que le terme mongol « yasak » (tribut) soit remplacé par le terme russe « nalog » (taxe). C’est le grand génie de Gengis Khan, et l’ethos qu’il a produit, qui a donné naissance au plus grand empire terrestre du monde qui, sous différents noms, a perduré pendant sept siècles, et que ni Napoléon ni Hitler n’ont pu détruire.

L’Empire du ciel bleu a été empêché de s’étendre aux Amériques par l’obstacle géographique du détroit de Béring (les Mongols n’étaient pas des marins, c’est pourquoi ils ont conquis et gouverné la Corée mais pas le Japon). Mais le détroit de Béring n’était qu’un pont terrestre il y a 13 000 ans, et ce n’est donc qu’une question de timing. Pour les besoins de cette discussion, nous supposerons que les descendants de Gengis ont été capables de conduire leurs troupeaux et leurs chariots chargés de yourtes à travers les Amériques et qu’après quelques batailles décisives, et peut-être un certain nombre de massacres des non coopératifs et des déraisonnables, la paix aurait été établie. Imaginons que l’empire se soit un peu éteint au cours des dernières décennies à cause de la sécheresse dans la prairie, mais qu’après quelques années de pluies abondantes, ses troupeaux se soient rétablis et qu’ils soient revenus en force. En se rendant à Washington pour régler une fois de plus les choses… que trouverait le Grand Khan à son arrivée ? Et que ferait-il ?

D’abord, le Grand Khan trouverait des preuves évidentes d’usurpation. Vous voyez, dans l’Empire du ciel bleu, les princes ne peuvent régner qu’au gré du Grand Khan, exprimé dans un document solennel appelé « yarlyk » sans lequel aucune revendication de pouvoir n’est valable. Le fait que, lors de la récente élection présidentielle, le vainqueur ait été annoncé par les réseaux de télévision est une usurpation du pouvoir suprême et, à ce titre, punissable de mort. Par conséquent, tous les cadres et le personnel de toutes les chaînes de télévision américaines seraient mis à genoux dans un lieu public et décapités.

Deuxièmement, le Grand Khan trouverait des preuves évidentes de trahison. La compréhension mongole du concept de trahison est assez large ; par exemple, se rendre lors d’un combat au lieu de se battre jusqu’à la mort est considéré comme une trahison. La rupture d’un serment prêté devant le peuple est un cas de trahison par excellence, et pour cette raison, de nombreux juges, y compris ceux de la Cour suprême, ainsi que d’autres fonctionnaires de l’État et de la Fédération, qui ont tous échoué à défendre l’État de droit en n’agissant pas sur la base de preuves abondantes de fraude électorale, seraient considérés comme des traîtres. Dans la pratique juridique mongole (basée sur le codex du Grand Yasa de Gengis Khan), certains actes, comme par exemple le fait de ne pas avoir prêté assistance à un compatriote, quand il le demande, sont simplement passibles de la peine de mort. Mais la trahison est considérée comme un défaut génétique qui peut être transmis de génération en génération et doit donc être éradiquée plutôt que simplement punie de mort. Par conséquent, la famille entière d’un traître doit être mise à mort. Étant donné qu’une exécution publique impliquant des femmes et des enfants a tendance à devenir trop dramatique et désordonnée, les traîtres et leurs familles seraient mis à mort dans leurs maisons, brulés vifs.

Ensuite, le Grand Khan, qui vient de mettre à mort la majeure partie de la classe politique américaine, serait obligé de réfléchir à la personne qui le remplacerait. Devant lui, de nombreuses personnes représentant des mouvements sociaux tels que BLM, les Antifa, les SJW et les LGBTQ+. Ils expliqueraient au Grand Khan que la réalité n’est pas réelle (parce que postmoderniste) et que seule leur expérience subjective de l’oppression et de la discrimination est objective. Les Noirs lui parleraient de la théorie critique de la race selon laquelle le Grand Khan est intrinsèquement raciste. Les féministes lui parleraient de l’oppression du patriarcat (dont le Grand Khan est un spécimen de premier ordre, son droit de gouverner étant basé sur le fait qu’il est un descendant masculin direct de Gengis), tous se plaignant d’être opprimés par l’homme blanc hétérosexuel. Le Grand Khan tomberait de sa chaise son trône la mâchoire ouverte devant toute cette folie, pensivement … pendant un moment.

Pour un Mongol, l’ethnicité est très importante. C’est un composite fractal de divers arbres familiaux qui s’entrelacent et d’identités ethniques changeantes. L’ascendance patrilinéaire aide les Mongols à comprendre une partie de cette complexité. Mais pour éviter les conflits ethniques, il doit y avoir en chaque lieu un superethnos clairement défini dont la langue, les coutumes et l’ensemble des stéréotypes ethniques sont considérés comme suprêmes et universellement imités. Dans l’ensemble de l’Empire du ciel bleu, les Mongols sont évidemment en tête de liste, tandis qu’à chaque endroit, il peut y avoir un superethnos local dont la langue et les coutumes prévalent. En Amérique du Nord, le superethnos local est de toute évidence l’Anglo : tout le monde est censé parler anglais et imiter les stéréotypes ethniques anglais. D’autres groupes ethniques – les Juifs en particulier – ne font pas partie du superethnos mais y sont privilégiés en raison de leur richesse et de leur intelligence supérieures et occupent leur position grâce à une excellente solidarité ethnique.

À l’autre extrême, on trouve des groupes ethniques qui se disent victimes du système. Le mot victime est ici mal utilisé ; il signifie en réalité un animal sacrifié sur un autel païen. Pour le Grand Khan, ces « victimes » ressemblent à une bande de perdants. Pire encore, elles semblent s’être mal réconciliées avec leur rôle de perdants et tentent d’en faire un sujet de discorde. Il existe également des groupes de victimes basés sur ce qu’ils appellent le « genre », par lequel ils entendent autre chose que le vieux latin masculin/féminin/neutre. Pour le Grand Khan, les hommes sont des hommes, les femmes sont des femmes et les étalons qui essaient de s’accoupler avec d’autres étalons sont de la nourriture pour chiens.

Il est clair qu’aucun de ces éléments n’est candidat pour régner au nom du Grand Khan. Mais qu’en est-il des Anglos (et de leurs meilleurs amis les Juifs) ? Et alors le Grand Khan découvrirait une horrible vérité : certains de ces Anglos se sont en fait agenouillés en public devant les perdants pré-cités ! Cette perte de dignité honteuse empêcherait les Anglos de régner à nouveau au nom du Grand Khan. Le superethnos anglais devrait être purgé.

A ce point, le Grand Khan prend une grande respiration, ferme les yeux un instant et dit : « Appelez les Chinois, dites-leur qu’ils peuvent prendre le contrôle de l’Amérique. Il n’y a plus personne ici pour gouverner. »

 
 
Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

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