Article original de Andrew Korybko, publié le 16 janvier 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Un désastre en termes de relations publiques, mais pour qui ?
L’Arabie saoudite a arrêté 11 princes
qui protestaient contre la récente décision du gouvernement de ne plus
payer leurs factures. Riyad a mis en place un plan d’austérité modéré au
début de l’année qui a également éliminé d’autres subventions d’État,
comme pour le gaz, et introduit d’une TVA de 5% sur la plupart des biens
et services.
Dans le même temps, les fonctionnaires et les soldats sont maintenant payés mensuellement
afin d’aider à compenser l’augmentation des coûts pour ces classes.
Bien que controversée, cette politique s’aligne sur l’ambitieuse
stratégie « Vision 2030 » du prince héritier Mohammed Bin Salman qui vise à transformer la monarchie, dépendante de ses exportations, en une économie « normale » au cours de la prochaine décennie grâce à une restructuration complète, aidée par les investissements chinois et le projet de ville du futur, NEOM.
La suppression de certaines subventions saoudiennes à la famille royale est une partie inextricable des réformes de « Vision 2030 »
pour compenser la baisse des recettes gouvernementales ces dernières
années en raison du prix exorbitant de la guerre au Yémen et des prix du
pétrole toujours très bas. L’approche claire et réfléchie du Royaume
envers toute forme de protestation prédéterminée est maintenant
affirmée. Les protestations de ces 11 princes étaient ainsi vouées à
l’échec pour obtenir gain de cause. Cela soulève la question de savoir
pourquoi ils ont décidé de protester ? On pourrait répondre en rappelant
la guerre civile au sein de l’« État profond »
du pays que Mohammed Bin Salman a entamée l’année dernière après avoir
emprisonné des centaines de riches princes royaux au prétexte
d’accusations de corruption.
On peut prétendre que le coup des princes était délibérément destiné à
échouer pour provoquer une révolte royale contre le prince héritier,
mais si tel était le cas, non seulement il a totalement raté son but à
cet égard, mais il risque aussi de se retourner contre ceux qui sont
derrière en diminuant encore davantage l’attrait déjà faible de la
famille royale parmi la population. Beaucoup de Saoudiens admirent
Mohammed Bin Salman parce qu’il n’a pas peur de s’en prendre à cette
famille royale méprisée. L’emprisonnement des 11 princes protestataires
prouve, comme l’a déclaré le procureur général du pays, que « personne n’est au-dessus des lois ».
Non seulement cela, mais cela semble confirmer la perception répandue
que la famille royale est arrogante et cupide au point d’être incitée à
sciemment enfreindre la loi pour se retrouver en prison juste parce que
le gouvernement a arrêté les paiements des factures de ces personnes
scandaleusement riches. Beaucoup pensent qu’elles devraient être en
mesure de payer leurs propres factures compte tenu du montant d’argent
qu’elles sont déjà censées récolter aux frais du public. Loin de
discréditer Mohammed Bin Salman, l’arrestation de ces 11 princes par son
gouvernement le rend plus sympathique aux yeux de son peuple, sans pour
autant que les alliés occidentaux de son royaume l’approuvent. Certains
d’entre eux pourraient même le condamner pour violations des « droits de l’homme » à cause de cela.
Néanmoins, tout ce qui compte pour le Prince héritier est de
préserver son pouvoir et de faire en sorte qu’il devienne le prochain
Roi saoudien. Alors il se fiche de ce que dit Human Rights Watch ou le Département d’État tant qu’il réussit finalement son propre Game of Thrones, ce qu’il semble visiblement prêt à faire.
Andrew Korybko est le commentateur politique
américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en
troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime »
(2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de
la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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