Article original de Andrew Korybko, publié le 7 novembre 2017 sur le site The Duran
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Au cœur du pétro-capitalisme, une révolution n’est pas télévisée
Le jeune leader a élaboré une brillante stratégie pour capturer l’élite saoudienne corrompue et potentiellement saisir des milliards de dollars de leurs actifs dans un transfert sans précédent de richesse des poches privées aux programmes socio-économiques publics, sur fond de centenaire de la Révolution russe.
Ce qui s’est passé pendant le week-end en Arabie saoudite n’était pas juste un coup ou un contre-coup d’État de l’« État profond » (selon l’angle de vue). C’était un plan brillant tout droit sorti du cinéma, où un jeune leader en pleine ascension perturbe toute la structure de pouvoir dans son pays en emprisonnant ses oligarques les plus puissants et en redistribuant ensuite leurs richesses aux masses via des programmes socio-économiques ambitieux.
Le prince héritier Mohammed Bin Salman devait s’assurer que tous étaient dans la capitale en même temps, ce qui est habituellement très difficile à obtenir si on considère que la plupart d’entre eux ont probablement des penthouses à l’étranger et d’autres priorités que de se réunir pour une quelconque occasion de prendre le thé dans le Royaume.
Considérant qu’il traitait avec des oligarques, cependant, Mohammed Bin Salman savait que la meilleure façon de les réunir en un seul lieu était de faire appel à leur cupidité, et c’est exactement ce que le récent forum d’investissement technologique à Riyad a accompli.
Célèbre pour avoir été le théâtre d’événements tels que la promesse du prince héritier de « revenir à un islam modéré » et de « porter un coup rapide aux idéologies extrémistes », son annonce à 500 milliards de dollars pour le projet de cette ville futuriste appelée NEOM, et l’attribution originale de la citoyenneté à un robot féminin parlant, cet événement a également atteint un objectif plus pratique en attirant tous les oligarques du pays vers la capitale, où ils sont restés pendant deux semaines autour de l’ambitieux programme de réforme socio-économique Vision 2030 de Mohammed Bin Salman.
Le reste c’est l’histoire, mais cela ne devrait pas être vu comme un simple bras de fer d’un jeune futur dirigeant désireux de prouver sa valeur sur la scène mondiale et de tuer dans l’œuf tout complot possible contre lui, mais surtout comme un acte de populisme sans précédent en emprisonnant des oligarques les plus célèbres au monde.
En ce qui concerne les présidents Poutine, Xi et Trump, aucun d’entre eux n’a encore donné à ses masses ce qu’elles désirent tant, arrêter des individus vraisemblablement corrompus et sales, geler leurs comptes bancaires, confisquer leurs biens, et éventuellement redistribuer leurs richesses si les tribunaux constatent, de façon prévisible, qu’une partie a été obtenue illégalement.
Jamais dans l’histoire un homme n’a tenu tête à tant d’oligarques et n’a menacé de prendre des milliards de dollars de leurs richesses, comme un Robin des bois moderne sans tenir compte des motivations personnelles du « Jeu des Trônes » derrière son geste décisif.
En l’espace de quelques heures, d’innombrables milliards de dollars ont effectivement atterri sur les genoux de Mohammed Bin Salman, qui peut être considéré soit comme le meilleur cambrioleur au monde soit comme le populiste le plus renégat. Mais sans tenir compte de cette interprétation, les présumés milliards que le prince héritier finira probablement par saisir pour son gouvernement seront probablement réinvestis au pays dans des projets comme Vision 2030.
Vu de cette façon, Mohammed Bin Salman tente essentiellement de nationaliser des milliards de dollars de richesses d’oligarques privés afin de subventionner ses programmes socio-économiques, ce qui apporte de manière intéressante une bouffée de communisme à la date exacte du centenaire de la Révolution russe.
Cela ne veut pas dire que le prince héritier lui-même ou le système monarchique qu’il préside est communiste, car ils sont tout sauf cela, mais seulement qu’il est inévitable de comparer cela, dans le sens structurel, aux nombreuses révolutions communistes du siècle dernier où l’État a pris le contrôle de telles quantités de richesses privées.
Au contraire, les tactiques énergiques de Mohammed Bin Salman et la menace imminente que les détenus pourraient être exécutés pour des raisons essentiellement politiques et d’accaparement du pouvoir amènent fortement à penser aux ombres de la prise de pouvoir par les bolcheviques en Russie. On peut commencer à voir le jeune Arabe ressembler à un jeune Staline.
Plus sérieusement, le Prince héritier est toujours le chef de facto d’une monarchie du Golfe exportatrice de pétrole qui aspire à utiliser la richesse oligarchique saisie pour lancer une révolution capitaliste dans son royaume féodal, financée en grande partie par les 130 milliards de dollars de transactions signées l’an dernier avec les Chinois communistes. Mais en comparant sa stratégie anti-oligarchique et ses tactiques de type bolchevique à la Révolution russe, on obtient des images qui suscitent la réflexion, si ce n’est un peu d’amusement.
Andrew Korybko
Note du traducteur
Peut-être à prendre au second degré... sans oublier que Salman des Bois est plus qu'impliqué dans la guerre au Yémen, les bombardements et le blocus qui tuent et affame la population civile.
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