Article original de Andrew Korybko, publié le 19 mai 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Vladimir Kojine, assistant présidentiel russe pour la coopération militaire et technique, a révélé à la fin de la semaine dernière que son pays ne fournirait pas ce système à la Syrie parce que cette dernière « a tout ce dont elle a besoin ». Cela a instantanément déclenché une vague de réactions furieuses dans les médias sociaux de la part de personnes qui s’étaient convaincues que la Russie venait juste de « poignarder dans le dos » la Syrie. Ce n’est pas vrai du tout, car même le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré il y a quelques semaines qu’aucune décision n’avait été prise à ce sujet et que la Russie ne faisait que signaler qu’elle n’avait aucune soi-disant « obligation morale » à transférer ces missiles en Syrie. Malheureusement, certaines personnes ont interprété des déclarations diplomatiques typiquement ambiguës et ouvertes selon leur propre biais de confirmation pour se convaincre que ces missiles étaient en route ou, dans le cas le plus extrême selon certains récits des médias alternatifs, étaient déjà arrivés.
Ce dernier courant de pensée est attribuable à la déclaration d’un responsable syrien à cet égard, bien que les Russes l’aient presque immédiatement démentie après sa publication. On ne sait pas si cette déclaration était une erreur innocente ou une partie de ce qui est généralement appelé opération de « diversion militaire » visant à induire en erreur un adversaire sur ses capacités militaires. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a confirmé que la livraison n’avait pas eu lieu mais a ajouté que cela n’avait rien à voir avec la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Moscou comme invité d’honneur du président Poutine lors des célébrations du Jour de la Victoire. Ce commentaire est très important car il indique que le Kremlin a pris cette décision indépendamment du lobbying israélien et avant le sommet Poutine–Netanyahou, suggérant que cela était dû à la stratégie de la Russie d’équilibrer son rôle entre la Syrie, Israël et l’Iran plus que tout autre facteur.
Pour étayer cette théorie, il suffit de citer le président Poutine alors qu’il parlait aux médias israéliens en 2005 et qu’il répondait à une question sur les raisons pour lesquelles la Russie n’avait pas vendu certains équipements militaires à la Syrie pendant cette période. Selon le président russe : « nous avons refusé cet accord parce que nous ne voulons violer aucun équilibre, aussi fragile soit-il, qui existe dans la région » – et il est concevable qu’il ait conservé cette vision « équilibrée » jusqu’à ce jour. Avant comme maintenant, il n’y a jamais eu d’accord officiel en discussion pour que la Russie « refuse » quoi que ce soit parce que les sources gouvernementales précédemment citées ont affirmé qu’aucun accord de ce genre n’a même jamais existé au cours des mois précédents. C’était littéralement seulement cela, une idée en l’air, et jamais rien de plus, peu importe ce que certaines personnes ont pu imaginer autrement, indépendamment des signaux confus qui sont sortis de Damas.
Le post présenté est la transcription partielle du programme radio CONTEXT COUNTDOWN sur Sputnik News, diffusé le vendredi 18 mai 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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Régis Chamagne propose une analyse assez similaire à celle de l’auteur avec le recul nécessaire pour comprendre les logiques à long terme des autorités russes.
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