Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Est-il possible que nous, Américains, fassions seulement
semblant de ne pas remarquer les conditions qui produisent une épidémie
de fusillades dans les écoles, ou est-ce que le public est trop bête
pour relier les points ?
Santa Fe, Texas, lycée
Regardez les écoles elles-mêmes. Nous les appelons « installations »
car elles ne sont guère qualifiées de bâtiments : tentaculaires, à un
étage, en plaques de béton pré-formatées, à toit plats, posées là parmi
des zones de stationnement interminables, à côté d’une autoroute à six
voies, déconnectées de tout espace urbain, archipel solitaire où
l’émotion adolescente se fane et est canalisée tandis que les quelques
adultes qui y travaillent sont considérés comme des clowns impuissants
représentant une culture déconcertante enveloppée dans une économie
Potemkine qui n’a rien à offrir aux jeunes, sauf une vie de dettes et de
« boulots à la con », selon David Graeber.
Le monde des adolescents a été soigneusement conçu pour voler toutes les occasions de coloniser les centres de récompenses chimiques de leur cerveau. Cela afin de provoquer des pics d’endorphine, en particulier dans le domaine des médias sociaux, qui est presque entièrement lié à la compétition pour un statut, dont une grande partie sont des incitations hormonales sauvages autour du développement sexuel de l’adolescent. En même temps, ils sont bombardés de messages commerciaux conçus pour exploiter leurs fantasmes, leurs aspirations et leurs insuffisances perçues. Tout cela produit un mélodrame immersif et incessant avec des griefs inconscient, des envies, de la frustration, de la confusion et de la rage. Et, bien sûr, là où l’univers de la téléphonie mobile se dissipe, le monde du jeu vidéo commence, de sorte que les garçons (surtout) agissent en « simulant » l’extermination de leurs concurrents et ennemis.
Je me risquerais à dire − à contre-courant des politiques sexuelles actuelles – que l’adolescence est beaucoup plus dure pour les garçons que pour les filles. Chaque garçon, d’une manière ou d’une autre, fait face au voyage de son héros archétypal, qui cherche à devenir puissant d’une manière ou d’une autre, à accomplir quelque chose, à l’emporter sur les adversaires, à gagner les faveurs de la vie. Ce pays était un endroit où les jeunes hommes avaient beaucoup de chemins utiles et pratiques à suivre pour mettre en œuvre cet éternel script.
Cela a complètement changé en quelques générations. Les jeunes hommes sont surclassés par des jeunes femmes qui ont l’avantage d’avoir la capacité de coopérer avec d’autres personnes dans des entreprises, les lieux du travail, qui exigent des drones dociles et qui suivent les instructions. Les plus intelligentes peuvent aussi facilement éviter la grossesse et profiter du sexe et de jeux sociaux passionnants.
Pour les jeunes hommes, au-delà du monde répugnant des entreprises, il n’y a que des fantasmes de triomphe dans les sports professionnels, le show business ou le trafic de drogue, avec la pornographie et la masturbation en lieu et place du processus de recherche d’un partenaire. Il y a aussi beaucoup de possibilités par les temps qui courent pour l’action archétypale de la guerre, mais nos guerres sont dépourvues de lignes narratives et, au lieu de mourir pour une noble cause, nos soldats sont plus susceptibles de rentrer avec des cerveaux et des corps brisés après des campagnes militaires sans signification discernable.
Et le lycée [au sens américain, NdT] est la rampe de lancement pour tout cela, bien qu’en cette période d’adolescence prolongée, les meurtres de masse aient également lieu sur les campus universitaires. La partie du cerveau antérieur qui régule le jugement ne termine généralement pas son développement chez les jeunes hommes avant la vingtaine. Et le collège devient rapidement aussi insignifiant que le lycée, étant donné le paysage économique, et le racket de la dette maintenant profondément associé à l’enseignement supérieur.
Tout cela fait partie d’un mode de vie américain qui n’est pas ce qu’il prétend être. C’est devenu l’hologramme cruel d’un lointain souvenir d’une terre qui a vendu son âme pour quelques décennies de confort et de commodité, et qui se retrouve maintenant dans un ensauvagement de dépendance aux succès bon marché du plaisir. Le plaisir n’est pas le bonheur et la quête constante de satisfaction des plaisirs n’est pas un voyage vers la quête de sens. Le hic, c’est que ce mode de vie toxique a peu de chances de se poursuivre en pratique. L’histoire rattrape notre folie et elle se révélera encore plus courroucée qu’un garçon solitaire, confus, âgé de dix-sept ans, avec un pistolet et un fusil à pompe.
James Howard Kunstler
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
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