Article original de Andrew Korybko, publié le 11 juin 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
L’armée américaine a rebaptisé son Commandement du Pacifique en Commandement de l’Indo-Pacifique comme un moyen de signaler fortement son intérêt croissant pour l’Inde et son océan éponyme.
L’importance de ce développement ne doit pas être sous-estimée, car cela constitue la base stratégique de la politique américaine de « confinement de la Chine » du XXIe siècle. La République populaire dépend tout autant de l’océan Indien que du Pacifique en raison du rôle joué par cette masse d’eau pour faciliter le commerce avec l’Europe et l’Afrique et le commerce de l’énergie avec le Moyen-Orient. C’est pourquoi il est impératif pour les USA de rendre prioritaire ces opérations militaires dans cet océan et ses environs, le Rimland. À cette fin, l’Amérique a entamé une relation militaro-stratégique révolutionnaire avec l’Inde par le biais de l’accord logistique 2016 du LEMOA qui permet aux deux grandes puissances d’utiliser leurs installations respectives dans le cadre de ce que l’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson a décrit il y a quelques mois comme un partenariat planifié pour l’ensemble du XXIe siècle.
Les États-Unis envisagent que l’Inde devienne un rempart contre la Chine et fonctionne comme un partenaire majeur de Washington « dirigé dans l’ombre » pour la « contenir », bien qu’ils reconnaissent qu’elle ne pourra probablement pas maintenir ce rôle trop longtemps à moins de recevoir un soutien multilatéral, appelé « Quad », qui impliquerait également le Japon et l’Australie et pourrait officieusement être appelé « Hex » avec le Vietnam et la participation de la France. Un accord de type LEMOA entre l’Inde et la France pour utiliser également mutuellement leurs installations militaires de l’océan Indien donnerait à New Delhi le potentiel d’étendre massivement sa portée stratégique dans la région et de remplir son destin géopolitique soutenu par les États-Unis. Modi a conclu un accord pour développer une base dans l’île de Sabang en Indonésie, près de l’embouchure du détroit de Malacca.
Une nouvelle constellation de Grande puissance, encouragée par les Américains, est donc en train de se former à travers le Rimland indo-pacifique en voyant l’Inde, l’Indonésie et le Japon approfondir leur intégration stratégique multilatérale. Washington souhaite que New Delhi joue le rôle d’Hégémon régional dans l’océan Indien, Tokyo dans le Pacifique, et Jakarta pour relier les deux dans l’archipel d’Asie du Sud-Est reliant leurs deux plans d’eau. Étant donné que la moitié de cette grande stratégie implique géographiquement l’océan Indien, il est donc approprié que l’ancien Commandement du Pacifique mette à jour son nom pour le Commandement de l’Indo-Pacifique afin de mieux refléter l’essentiel de ses efforts futurs.
L’étape suivante qui pourrait être attendue serait pour les États-Unis d’organiser une soi-disant « huitième flotte » dans la région de l’océan Indien afin de concentrer plus efficacement son orientation stratégique dans cette partie du monde. La Septième flotte basée au Japon couvre la même zone d’opérations maritimes que le Commandement indo-pacifique, qui comprend la moitié de l’océan Indien au sud et à l’est de son pays homonyme. Il serait donc logique de « décentraliser » les opérations en mettant en place une branche régionale distincte qui soit réellement basée dans ce plan d’eau. Bien que la cinquième flotte basée a Bahreïn resterait probablement responsable des activités autour de la péninsule arabique, la Sixième flotte basée en Italie ne devrait pas s’occuper de l’Afrique de l’Est comme elle le fait déjà car tout ce qui est à l’est du Cap de Bonne Espérance tomberait sous la zone de responsabilité de la huitième flotte.
Pour ne pas être mal compris, il n’y a actuellement aucun projet sérieux pour créer une huitième flotte, mais il est logique que cela puisse finalement suivre le fait de rebaptiser le Commandement du Pacifique en tant que Commandement de l’Indo-Pacifique, et naturellement d’avoir une base opérationnelle dans l’océan Indien soit à Diego Garcia soit quelque part sur le continent sud-asiatique afin de mieux « contenir » la Chine.
Le post présenté est la transcription partielle du programme radio CONTEXT COUNTDOWN sur Sputnik News, diffusé le vendredi 8 juin 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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