Article original de Alexandre Douguine, publié le 23 Septembre 2016 sur le site katehon.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
La Cinquième colonne dans le système géopolitique coordonné
Sa signification est aussi définie très fermement dans les
circonstances russes. Donc le terme a un cadre de signification très
strict. Mais il est également très utile pour tout autre pays qui se
trouve sous le contrôle indirect ou en point de mire des intérêts
américains.
Le concept n’a de sens que si l’on admet clairement et sans ambiguïté
la confrontation radicale entre la Russie d’une part et les pays de
l’OTAN et les États-Unis d’autre part. La confrontation, cependant,
contrairement à la période soviétique, ne peut pas être décrite en
termes idéologiques, puisque la Russie et les pays occidentaux sont des
sociétés démocratiques avec un marché économique capitaliste et une
idéologie essentiellement libérale (individualisme, société civile,
liberté d’expression et de mouvement, de conscience, droits de l’homme,
etc.). Même le modèle de confrontation Est / Ouest autour du
christianisme qui détermine l’opposition de l’Empire russe orthodoxe et,
plus tôt, la Russie de Moscou et l’Europe catholique-protestante, ne
convient pas. Aujourd’hui, la Russie et les pays occidentaux sont des
sociétés laïques.
C’est pourquoi seule la géopolitique qui considère l’histoire comme
un duel planétaire entre deux civilisations, celle de la mer (les pays
occidentaux) et celle de la terre (Heartland, Russie), c’est-à-dire la
Grande bataille des continents, est nécessaire pour déterminer la
véritable nature de la confrontation. Dans ce cas, l’opposition des
pouvoirs des différentes confessions chrétiennes avant la Révolution
d’Octobre et après la guerre idéologique entre le socialisme et le
capitalisme, puis l’expansion de l’OTAN vers l’Est dans les années 1990,
sont différents moments d’un scénario géopolitique plus général qui met
en lumière la contradiction permanente entre la Mer, avec ses systèmes
basés sur le commerce (Carthage, Athènes, le Royaume-Uni), et la Terre,
avec ses sociétés aux valeurs héroïques (Rome, Sparte, Russie). Après la
fin de l’URSS, la vraie nature géopolitique de la confrontation est
devenue évidente : l’ère de la géopolitique a commencé.
La géopolitique divise l’espace et les sociétés en districts selon
des critères principaux : certaines terres, des comtés, des mouvements
politiques et sociaux appartiennent à la civilisation de la mer,
c’est-à-dire au monde occidental, à l’Empire du commerce de type
colonial ; les autres font partie de la civilisation de la terre, les
Empires des valeurs conservatrices. Les frontières divisent l’espace
politique qui peuvent être en harmonie avec les frontières des pays ou
elles peuvent les séparer par un choix de civilisation.
La zone d’influence des États-Unis (Amérique du Nord, UE, régimes et
structures politiques pro-américains dans le monde) est la zone de
l’atlantisme, la civilisation de la mer. La civilisation de la terre a
comme noyau principal l’espace russe (c’est une constante de la
géopolitique mondiale, relevait le fondateur de la discipline H.
Mackinder : «Qui contrôle l’Eurasie, contrôle le monde entier»),
ainsi que les domaines stratégiques limitrophes. Toutes les zones
limitrophes peuvent être attirées par la civilisation terrestre ou par
celle de la mer. C’est là que les réseaux géopolitiques entre en
action : certains d’entre eux, l’eurasien, c’est-à-dire la culture de la
société de la terre, balance pour la Russie ; l’autre, l’atlantiste, à
savoir la mer, balance pour les États-Unis et l’OTAN. Le drame ukrainien
prouve cette loi géopolitique : le pays a sa frontière géopolitique
exactement au milieu ; dans le Sud-Est et en Crimée, les gens sont
clairement eurasiens, c’est la terre, l’identité pro-russe ; dans
l’Ouest et en partie dans le centre, c’est l’espace pro-américain, les
atlantistes. C’est la polarité géopolitique qui a provoqué
l’effondrement de l’État ukrainien immature en 2014. Après le coup
d’État, les atlantistes radicaux qui étaient parvenus au pouvoir ont
immédiatement fait face à une farouche opposition en Crimée et dans le
Sud-Est ce qui a provoqué le retrait de la Crimée et son rattachement à
la Russie, et la guerre civile.
Cependant, pour revenir à la cinquième colonne dans la société russe,
on peut voir maintenant que sa nature est plus évidente : elle se
compose de ces groupes qui soutiennent la civilisation de la mer (les
États-Unis et l’OTAN) et s’opposent à la dominante historique de la
Russie sur la terre, l’identité eurasienne. Cette cinquième colonne a
soutenu l’effondrement de la structure de la terre continentale,
représentée par l’Union soviétique, puis est arrivée au pouvoir sous
Eltsine dans des années 1990, lorsque Andrei Kozyrev, ministre russe des
Affaires étrangères, a ouvertement déclaré leur position «atlantiste»,
et a ensuite été à la tête des élites dirigeantes politiques,
économiques et culturelles de la Russie jusqu’en 2000. Durant toute
cette période, elle ne pouvait pas être traitée de «cinquième colonne»
dans toute son acception car elle a pu pleinement arriver au pouvoir et
réprimer l’opposition patriotique. La cinquième colonne et le régime
des réformateurs libéraux russes des années 1990 sont synonymes.
Néanmoins, dans le contexte géopolitique de cette époque, l’élite
dirigeante russe n’était rien d’autre qu’une cinquième colonne : elle
n’a pas agi pour l’intérêt national, mais a servi d’instrument de
contrôle externe. Le centre de décision était localisé à l’Ouest, et les
libéraux de Moscou appliquaient simplement les solutions, en essayant
de maximiser les avantages et les bénéfices pour eux-mêmes et leurs
entreprises. C’est là que l’oligarchie russe a été créée. La puissance
d’un petit groupe de magnats a saisi, en vertu de la privatisation et de
la corruption insouciante, des monopoles d’État entiers : tout d’abord,
le domaine de l’énergie.
Cinquième colonne : des réformateurs libéraux au pouvoir à l’opposition anti-système
La bizarrerie la plus importante du destin de l’oligarchie compradore
pro-occidentale est venue de la prise du pouvoir de Vladimir Poutine en
2000. Poutine a arrêté le contrôle externe et a commencé un déplacement
prudent des agents les plus radicaux de l’influence de la puissance
atlantisme. Depuis ce moment, la création de la cinquième colonne en
tant que phénomène socio-politique indépendant a commencé. Depuis le
début des années 2000, l’opposition à Poutine est composée de
représentants atlantistes qui avaient dominé la scène politique dans les
années 1990 et avaient été marginalisés avec le début du mandat de
Poutine et son changement de politique vers la civilisation de la terre,
l’eurasisme. Depuis ce moment-là, l’«opposition libérale»,
composée des Occidentaux, d’oligarques en disgrâce et de stricts
russophobes, a commencé à rappeler de plus en plus une véritable
cinquième colonne. Le combat contre Poutine est devenu plus ouvertement
concentré de la part des pays de l’OTAN, dont les États-Unis, l’appuyant
avec un soutien financier direct et promouvant les intérêts
anti-nationaux contre la souveraineté de la Russie et en faveur de la
mondialisation et du style de vie cosmopolite. Le plus important est que
la cinquième colonne géopolitique (au niveau civilisationnel) a
commencé à se former comme la cinquième colonne interne manœuvrant
contre son pays à l’intérieur.
Mais le noyau de cette cinquième colonne est composé de ceux qui,
dans les années 1990, se trouvaient au centre de l’establishment
politique : les oligarques (Goussinski, Berezovsky, Khodorkovski), les
décideurs (l’ancien Premier ministre Kassianov, l’ancien vice-Premier
ministre Nemtsov, un ancien député du Parti du pouvoir Ryzhkov), les
médias, le milieu des arts et de la culture. La cinquième colonne de
l’opposition dans la rue a aussi uni d’autres personnes importantes, qui
ont dû prendre leur retraite politique avec l’arrivée de Poutine.
Cependant, le plus important est que la typologie de cette cinquième de
colonne reste toujours la même. Elle a sa propre position au sein du
système politique et elle se présente en opposition radicale non
systémique. C’est donc un double phénomène : une cinquième colonne
ouverte (explicite) représentant une opposition de rue anti-Poutine,
radicale, libérale, pro-occidentale, et une autre latente (implicite)
avec des oligarques, des politiciens, des fonctionnaires, des analystes,
des experts, des dirigeants communautaires, des propriétaires de médias
qui ont trouvé le moyen, même en étant atlantistes et même radicalement
anti-Poutine, de rester dans le régime politique, après l’arrivée de
Poutine et sa politique patriotique. Dans le contexte géopolitique, ces
deux colonnes sont les deux faces de la cinquième colonne ; Elles sont
toutes deux au service des États-Unis, de l’OTAN et des intérêts
occidentaux. Elles suivent aussi les principes du système commercial, du
libéralisme, de l’individualisme, de la mondialisation, etc… ; et elles
sont toutes les deux opposées à l’identité d’origine russe, à sa «manière spéciale»,
sans tenir compte de sa souveraineté et de la valeur unique de sa
civilisation (plutôt, au contraire, les considérant comme des obstacle
au progrès et à la modernisation).
Mais en terme d’attitude envers Poutine, leurs positions diffèrent
considérablement : certains d’entre eux s’opposent à lui strictement,
d’autres, pour des raisons tactiques, trouvent qu’il est nécessaire de
le soutenir et d’interpréter ses paroles et ses actions dans le sens des
intérêts atlantistes, parfois même de saboter ses réformes et ses
mesures patriotiques visant à renforcer la souveraineté russe. De l’avis
de Poutine, les premiers sont ses vrais ennemis et des adversaires purs
et simples de la Russie, qui ont choisi de façon définitive le monde
occidental ; les autres sont ses disciples, partisans et collègues, même
s’ils visent à la trahison civilisationnelle et au sabotage.
Géopolitiquement, la cinquième colonne, à la fois au pouvoir et dans
l’opposition, c’est la même chose. En termes de politique intérieure,
ils sont sur des côtés opposés : le premier groupe est contre Poutine,
le deuxième groupe est pour lui.
«Sixième colonne» : introduction du concept
Pour souligner la distinction entre ces deux segments de la cinquième colonne, il est important d’introduire le néologisme, de «sixième colonne».
Pour le cas de la cinquième colonne, Emilio Mola, le général de Franco,
avait, en plus des quatre colonnes principales, un groupe spécial de
partisans favorables à Franco, sous contrôle des républicains de Madrid
(elle a été appelé la «cinquième»). Le nombre « six »
n’a lui pas de symbolisme. Il a été introduit uniquement pour la
commodité de l’analyse politique. La cinquième et la sixième colonne
peuvent être décrites comme des partisans de la civilisation de la mer
au sein de celle de la terre, à savoir un réseau d’agents d’influence
atlantistes au sein de la Russie moderne. Concernant leurs positions
fondamentales, les priorités et les valeurs, les deux colonnes sont
pratiquement les mêmes : elles ont un idéal, un propriétaire, un indice
de référence, une seule idéologie, les États-Unis, l’Ouest, la
civilisation euro-atlantiste, le libéralisme, la mondialisation, une
oligarchie financière globale. Mais leur relation envers Poutine est
fondamentalement différente : la cinquième colonne dans la société russe
est généralement appelée celle qui est ouvertement et complètement
contre Poutine, pour les États-Unis et l’OTAN, contre le retour de la
Crimée, contre la Russie, contre l’identité russe, contre la
souveraineté, contre l’intégration eurasienne, contre le retour de la
Russie dans l’Histoire comme puissance mondiale. C’est une pure et
totale trahison. À l’échelle du pays et du peuple, mais aussi à partir
de la position de Poutine, ils sont ses ennemis évidents.
La sixième colonne comprend ceux qui n’ont toujours pas de définition
dans le dictionnaire de la science politique : ses représentants sont
pro-Poutine et pro-Russes, mais en même temps pro-libéraux,
pro-occidentaux, poussant la Russie à être modernisée et occidentalisée,
voulant la mondialisation et l’intégration de la Russie dans le monde
occidental avec les valeurs et les institutions européennes, attendant
que la Russie devienne une corporation prospère dans le monde où toutes
les règles et les lois sont établies par le monde global occidental dans
lequel la Russie doit devenir une partie, et est destinée à être une
zone aussi profitable que possible dans le cadre de circonstances plus
ou moins dignes et rentables. la sixième colonne n’est pas l’ennemie de
Poutine, elle en est même un partisan. Si elle est traître, ce n’est pas
à l’échelle nationale, mais à l’échelle de la civilisation.
Elle n’attaque pas Poutine dans toute sa démarche patriotique, elle
le restreint. Si la cinquième colonne dénonce violemment tous les
projets de Poutine, tels que les Jeux olympiques, la sixième colonne se
moque de la cinquième et est fier des Jeux olympiques. Mais quand il
s’agit de la Crimée, il est recommandé de s’arrêter aux succès des Jeux
olympiques et de ne pas se risquer à abîmer cette image positive.
Lorsque la cinquième colonne organise la marche des traîtres contre la
réunification avec la Crimée, la sixième colonne essaye d’éteindre la
flamme du patriotisme, acceptant l’annexion de la Crimée en tant que
dépense inévitable, tout en soulignant fortement qu’il pourra y avoir un
prix élevé à payer, puis conseille strictement à Poutine de se calmer
avec le Sud-Est de l’Ukraine, car cela peut menacer les succès
concernant la Crimée. Lorsque les troupes russes sont entrées en
République populaire de Donetsk [c’est Douguine qui le dit, NdT],
la cinquième colonne a dit qu’il s’agissait d’une agression militaire
contre un pays démocratique et souverain, l’Ukraine. La sixième colonne a
mis la pression sur Poutine pour s’arrêter là et ne pas prolonger
l’opération de maintien de la paix à Kharkov et Odessa.
La cinquième et la sixième colonne sont unies. Donc, tous les
représentants de l’élite politique et économique des années 1990,
éjectés ou tout simplement détournés par Poutine, sont des candidats
naturels pour passer de la sixième colonne à la cinquième. La chose la
plus importante est que les deux colonnes sont deux parties du même
réseau, s’agitant géopolitiquement contre la Russie en tant que
civilisation et contre Poutine comme son leader historique.
Dans de nombreux pays européens, vous pouvez trouver la même
activité. Un groupe soutient fortement la politique libérale atlantiste
et celle de l’OTAN. Et une sixième colonne, fière des «valeurs européennes», exploite l’image des patriotes, mais est aussi liée à l’ordre du jour néolibéral.
La sixième colonne et le réseau CFR en Russie
Pour rendre la structure de la sixième colonne plus précise, quelques
remarques doivent être notées. Les cinquième et sixième colonnes ont
des soutiens légèrement différents aux États-Unis ; la cinquième colonne
est soutenue et reçoit ses instructions des forces Russophobes
impérialistes les plus extrêmes, promouvant ouvertement l’hégémonie
américaine. La plupart d’entre eux sont des républicains
néo-conservateurs (Kristol, Kagan, Nuland, Palin, McCain, etc.), et même
de nombreux faucons parmi les démocrates (comme Brzezinski). La sixième
colonne est basée sur la stratégie plus souple du CFR,
qui est prêt à trouver un compromis avec Moscou sur certaines questions
alors que ses membres estiment que la Russie est plus facile à
conquérir, non par la confrontation directe, mais étape par étape par
des pourparlers multilatéraux.
De toute évidence, les néo-conservateurs et les membres du CFR
ont, par la suite, l’objectif commun d’étendre la domination mondiale
des États-Unis, mais leurs moyens sont différents. Ainsi, les cinquième
et sixième colonnes russes agissent symétriquement comme des soutiens
américains : ils ont un objectif commun pour renverser Poutine et priver
la Russie de sa souveraineté, mais la première s’y emploie par la
confrontation directe par le bas (la cinquième colonne), et la seconde
par le haut en influençant Poutine et en tentant avec soin de le
remplacer par quelqu’un de plus acceptable pour l’oligarchie financière
mondiale.
La sixième colonne, sous la présidence de Dmitri Medvedev, a
pratiquement réussi à atteindre cet objectif souhaitable. Brzezinski a
même inspiré Medvedev pour un second mandat, promettant de revenir sur
sa russophobie. Mais le retour de Poutine en 2012 a complètement détruit
leurs plans ; et un groupe de personnes des sixièmes colonnes est
retourné vers les cinquièmes colonnes.
Sixième colonne : ennemi existentiel
Que peut-on opposer aux cinquième et sixième colonnes de la Russie à
part la civilisation, la nation, la force historique et dévoiler les
dessous de la politique mondiale ? Maintenant, le gouvernement mène
plusieurs actions sérieuses pour lutter contre la cinquième colonne de
traîtres et d’ennemis de Poutine et de sa politique patriotique. Comme
les principaux contrôleurs de la sixième colonne, couvrant déjà la
cinquième à l’intérieur du Kremlin, ont été renversés, les contrôles et
les conventions contre l’opposition radicale atlantiste sont morts et
enterrés. Poutine les a ouvertement appelé «traîtres nationaux»
et a efficacement pris un certain nombre de mesures spécifiques pour
les localiser ; y compris dans les espaces d’information et Internet.
Dans des conditions de guerre (conflit en Ukraine), il y a peu d’efforts
à faire pour lutter contre la cinquième colonne : le pays, y compris
les ministères de la force [Sic, NdT] et les départements, n’a besoin que de la stricte application des règlements et des décisions prises.
Sans aucun patron au Kremlin, la cinquième colonne est extrêmement
faible et incohérente. Elle n’est efficace que quand le gouvernement a
les mains liées et les yeux fermés, et au cours d’une crise d’urgence,
des catastrophes, etc. Voilà pourquoi maintenant la cinquième colonne
peut être identifiée, localisée et mise sous contrôle. Certains de ses
représentants vont s’échapper de Russie, d’autres vont se cacher,
d’autre vont aller vers la sixième colonne, les plus intransigeants
seront punis. Mais c’est seulement une question technique. Cela ne
deviendra vraiment grave que si la Russie devait fortement s’affaiblir
et faire face à des défis considérables qui, cependant, ne peuvent pas
être exclus. La cinquième colonne deviendrait alors juste un groupe de
saboteurs, et des mesures répressives seraient appliquées contre elle.
Mais le Kremlin a assez de volonté et de compréhension de la situation
pour l’empêcher.
La question la plus problématique est la sixième colonne. Sa présence
dans l’élite politique et économique de la Russie est encore presque
dominante. Elle ne se montre pas, soutenant vraiment Poutine et ses
politiques, défendant fermement les intérêts des sociétés russes. Elle
n’a pas d’objection sur des idées du président. Elle motive ses
positions par les «intérêts du gouvernement», par des «ressources limitées», par le «compte tenu de la situation internationale», par le «soin de la politique étrangère et des relations économiques extérieures», par la «préoccupation concernant l’image de la Russie».
La sixième colonne est composée des libéraux du système, de
gestionnaires publics efficaces, d’oligarques loyaux, de bureaucrates
exécutifs, de fonctionnaires actifs, et même de certains «patriotes éclairés».
Poutine a confiance en eux et compte sur eux. Leur conscience d’agir
selon le schéma habituel du système unipolaire d’exploitation atlantiste
de l’Ouest peut ne pas être évident. Ils font partie de la civilisation
de la mer, non seulement par choix personnel, mais aussi en raison des
circonstances. Le paradigme a commencé à fonctionner dans les années
1990, et son influence est encore très perceptible dans la société
russe, même maintenant.
Cela influence la plupart des structures économiques, des
institutions éducatives et culturelles, ainsi que le style de vie russe
contemporain. La Russie moderne n’est «russe» que relativement.
Son identité terrestre et eurasienne ne perce que faiblement à travers
des formes et des normes de la vie imposées depuis l’étranger.
Maintenant, les Russes sont sous l’autorité de l’Ouest dans un sens
beaucoup plus profond qu’un contrôle externe technique direct, comme
cela a commencé dans les années 1990. Le monde occidental a chamboulé
les Russes dans tous les sens, y compris leur esprit, leur système
d’analyse, de relations, de significations et de valeurs. La
civilisation actuelle n’est plus tout à fait russe. Ce n’est plus le
monde russe, mais c’est quelque chose qui peut redevenir le monde russe.
Bien sûr, il y a des raisons historiques, et l’Histoire elle-même exige
des Russes qu’ils reviennent à leur identité la plus profonde – une
Renaissance russe, un Printemps russe. Mais le processus de restauration
spirituel de la patrie, de l’essence russe, des origines russes, le
sort de la Russie, a un ennemi fondamental. C’est la sixième colonne.
C’est si prégnant à l’intérieur de l’élite dirigeante qu’elle bloque
toute initiative saine du président russe. La sixième colonne continue
d’étrangler la renaissance russe au niveau politique, économique,
culturel, éducatif, moral, au niveau des valeurs et dans les sphères
d’information.
Elle pèse sur nous en politique, dans la transformation sociale, dans
les idées et les arts. La sixième colonne trahit Poutine une centaine
de fois par jour, refroidit notre renaissance, sabote les réformes
patriotiques urgentes et vitales, et tourne à nouveau l’idée nationale en simulacre.
Si le gouvernement a commencé la guerre contre la cinquième colonne, la
sixième colonne jouit toujours de l’immunité et de la liberté.
Aujourd’hui, elle est le principal obstacle en Ukraine et en Europe, à
l’intégration eurasienne et à une politique intérieure. Elle est
invisible, sournoise, confiante et profondément enracinée dans les
structures du pouvoir, après l’exécution du plan occidental. Si Poutine
ne trouve pas le courage de combattre cette sixième colonne, ses
réalisations capitales, sa mission historique, sera trop fragile,
réversible, et même éphémère. Poutine est maintenant occupé à faire
l’Histoire. Mais la mission historique de faire revivre la Russie est le
principal objet de la haine de la sixième colonne. Elle joue dans
l’intérêt d’une civilisation qui est une alternative à la Russie. En
fait, c’est la même chose que la cinquième colonne mais faisant
seulement semblant d’être autre chose.
Aujourd’hui, la sixième colonne est la principale menace
existentielle de la Russie. Dans le monde des guerres de réseau, tel un
serpent, entré dans les structures d’influence de la puissance, elle
devient souvent un élément crucial pour détruire les régimes politiques
et renverser leur chef de file. L’Ukraine est devenue une victime non
seulement de la cinquième colonne de l’Euromaïdan, mais de la sixième
colonne au sein de l’administration Ianoukovitch et du Parti des
Régions. Les stratèges de Washington préparent quelque chose de
similaire pour la Russie. Si nous en sommes avertis, cela nous donnera
un avantage. Il est possible de supporter que des agents du CFR
prennent des sièges clés au sein du gouvernement. Mais il est aussi
possible de ne pas le supporter. Cependant, la Russie, et pas seulement
Poutine lui-même, devra payer pour guérir. Mais leurs destins sont liés.
Poutine a pris le parti du peuple russe, et c’est irréversible. Son
succès est le succès du peuple russe. Ses échecs seront les échecs des
Russes.
Il sera très intéressant et utile de faire une analyse similaire pour
la sixième colonne dans l’UE, les pays du Proche-Orient, l’Amérique
latine et ainsi de suite.
Alexandre Douguine
Note du traducteur
Maintenant que vous avez lu cet article de Douguine qui fera date avec l'introduction d'un nouveau concept géostratégique, vous pouvez le relire en remplaçant Russie par France. La France balance entre son enracinement terrestre et sa projection maritime, ses côtes, ses territoires d'outre-mer. Il va falloir redéfinir l'âme française peut-être au moins autant que son identité pour nous sauver de nos sixième colonnes.
Pour être exact, on retrouve la trace de cette sixième colonne en cherchant un peu. Le site pro-sioniste JSSnews en parle un peu dans les mêmes terme que Douguine mais dans le contexte israélien, ce qui me manque pas de sel quand on connait le lobbying de ce site comme sixième colonne en France.
Et l'article wikipédia anglais nous renvoie vers un roman des années 1940, The Day After Tomorrow, de Robert A. Heinlein, qui parle des Chinois et des Japonais aux USA. C'est un renvoi historique plein de sens par rapport à la situation actuelle en France, seuls les acteurs ont changé.
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