Article original de James Howard Kunstler, publié le 5 Septembre 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Une plaisante accalmie flotte sur une terre, où aujourd’hui
de moins en moins de gens travaillent honnêtement − et certains
travaillent à contrecœur pour trop peu − alors qu’une matrice de rackets
soutient l’illusion que nos modes de vie ont un avenir. Est-ce que le
quarterback [Poste clé dans une équipe de football américain, NdT]
Colin Kaepernick est présent à l’esprit des millions d’Américains
s’activant autour de leurs barbecues au fond de leur jardin ? Je salue
son refus de ne pas se lever en l’honneur de l’hymne national, mais pas
pour les raisons qu’il a déclarées. Au contraire, parce que je suis
malade du symbolisme vulgaire, dans un moment aussi sombre d’une culture
qui s’effiloche et exige plus que de parler dans le vide ou de faire
des gestes symboliques.
Dans le cas où vous vous demanderiez pour quelle raison nous sommes
soumis à toutes ces répétitions de la bannière étoilée à paillettes, ce
n’est pas pour l’amour-du-pays, mais pour quelque chose de tout à fait
contraire : la crainte que ses promesses soient vides. Vous vous
demandez pourquoi tout agent public dans ce pays doit porter un
mini-drapeau au revers de sa veste ? Est-il nécessaire pour le président
des États-Unis de signaler son attachement à son devoir ?
Pourrions-nous supposer que ce ne soit pas le cas ? Non, cela signale
une anxiété généralisée que la cohésion nationale est désastreuse et que
nous ne disposons pas de la confiance ou de la clarté pour faire face
aux défis de l’époque. Le président Obama pourrait aussi bien porter un
crucifix ou une gousse d’ail à son revers.
En cette année d’élection présidentielle en particulier, la fête du Travail
sert comme une sorte de respiration collective profonde, avant le
plongeon vers une saison d’angoisse politique. Le nombre d’électeurs
potentiels, dégoûtés par ce choix entre deux monstres d’égoïsme
irresponsables, promet d’être épique. Si WalMart vendait des filtres à
conneries, il pourrait avoir une chance de refaire des bénéfices au
troisième trimestre. Sinon, attendez-vous à ce que les performances
économiques soient de plus en plus effrayantes, même si le New York Times et CNN continuent de nous abrutir avec des histoires de licornes sautant sur des arcs-en-ciel.
Les événements − pas les personnalités − vont dévoiler où en est la
réalité du monde, dans cette période d’effritement avancé de notre
civilisation techno-industrielle. Les chamans de la Réserve fédérale ont
épuisé leur répertoire d’incantations pour faire léviter les marchés
financiers et, plus inquiétant, la valeur du dollar américain. Le dieu
espiègle qu’ils servent a arrangé les choses de telle sorte que la foi
totale nécessaire pour soutenir leur influence illusoire décline
inexorablement alors que le 8 novembre [Date des élections américaines, NdT] approche. Ils doivent avoir les nerfs à fleur de peau, du côté d’Eccles Building [Siège de la Fed, NdT].
La faillite soudaine de la compagnie sud-coréenne Hanjin Shipping
devrait faire passer des frissons dans le dos écailleux des promoteurs
du globalisme. La fragilité est partout, dans ce gigantesque réseau en
cours de détricotage de promesses et d’obligations à long terme.
L’ancienne classe moyenne d’Amérique a perdu sa capacité à absorber les
téléphones plus intelligents ou la marque Kardashian de fixatif Pure
Glitz ©. Ils sont trop englués dans leur train-train sur le plancher en
faux bois de leur maison en kit, face au tas de factures impayables,
essayant de conjurer les organismes de refinancement
tandis que la grand-mère glisse dans un coma diabétique. Ce sont ces
bonnes personnes, qui représentent soi-disant 70% de l’économie, que
l’on appelle les «consommateurs». Vous pouvez y planter une
fourchette et peut-être que nous allons entendre quelques plaintes ce
mardi, quand les derniers barbecues des vacances se seront éteints.
Plus inquiétantes, cependant, sont les conditions des banques.
Lorsque leur véritable insolvabilité sera révélée − ce qui peut
coïncider avec la période de l’élection − regardez ci-dessous. La
faillite d’une petite compagnie maritime va ressembler à une petite
rougeur sur le cul d’une baleine bleue marine, lorsque d’innombrables
opérations commerciales vont se gripper par manque de confiance sur le
fait que la contre partie puisse être solvable. Et ensuite quoi ?
Ensuite, nous serrons obligés de prêter attention à la dynamique
réelle maintenant à l’œuvre dans le monde. Ou être rendu fous par notre
refus de faire plier la réalité. J’ai tendance à penser que nous allons
opter pour cette dernière possibilité. Nous sommes trop déshabitués à la
réalité. Nous préférerons nous écraser et brûler, plutôt que de changer
quoi que ce soit à notre comportement, ou même à notre perception. Les
deux, Trump et Hillary, sont des avatars parfaits dans cette optique
d’un atterrissage brutal. Le désordre que les deux sont capables
d’induire sera un spectacle pour la postérité.
James Howard Kunstler
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