Article original de James Howard Kunstler, publié le 19 Septembre 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
L’incohérence stupéfiante de la campagne électorale ne
reflète que la choquante incapacité du public américain, dans toutes les
couches sociales, à comprendre les tendances de notre temps. La
tendance principale est la contraction économique mondiale en cours.
Après avoir frappé le mur des ressources, en particulier celle d’un
pétrole à un prix abordable, l’économie mondiale techno-industrielle a
coulé une bielle de son moteur.
Bien sûr il existe des moyens pour les êtres humains
d’habiter cette planète, peut-être d’une façon civilisée, mais pas à
l’échelle gigantesque du régime économique actuel. Le destin de cet
ordre économique n’a rien à voir avec nos souhaits ou nos préférences.
Il va s’effondrer, que cela nous plaise ou non, parce qu’il aura
simplement été une anomalie violente dans l’histoire du monde. Mais la
question saillante est : comment pouvons-nous gérer notre voyage vers
une nouvelle disposition des choses ? Ni Trump ni Clinton ne montrent
qu’ils ont simplement une idée de la situation réelle.
Le dilemme que je décris est souvent marqué du sceau de la fin de la
croissance. L’impact sémantique de cette phrase tend à paralyser les
esprits, même instruits, plus particulièrement les éminents professeurs
d’économie, les avocats-finissants-politiciens de Yale, les rédacteurs
du Wall Street Journal, les pachas-corporate de la haute, les
petits génies siphonnés des hedge funds et les garçons (filles) de
courses de la bureaucratie de Washington. En l’absence de cette «croissance»,
telle que définie par les statistiques de l’emploi et de la
productivité extrudées comme des saucisses empoisonnées que sont les
organismes gouvernementaux, cette élite ne peut voir que l’abîme béant.
La pauvreté de l’imagination de nos élites est vraiment quelque chose à
voir.
Comme c’est généralement le cas avec les sociétés en décomposition,
ces élites ont commencé à recourir à la magie pour soutenir leurs modes
de vie défaillants. Voilà pourquoi la Réserve fédérale, autrefois une
institution obscure enfouie sous la ligne de flottaison de la vie
normale, est devenue un élément visible au centre du jeu, tenant le
reste d’entre nous littéralement envoûté avec ses incantations contre
les ravages insolubles de la déflation de la dette. (Pour une analyse
brillante de ce phénomène, lisez l’essai Pensée magique de Ben Hunt sur le site Web Théorie Epsilon.)
Une façon de sortir de ce dilemme serait de substituer le mot «activité» à ce mot «croissance».
Une société d’êtres humains peut choisir différentes activités pour
produire des effets différents de ceux du modèle de comportement
techno-industriel. Ils peuvent organiser des fermes de 5 hectares au
lieu d’entreprises d’applications de jeu pour téléphones cellulaires.
Ils peuvent se mettre au travail physique au lieu de regarder la
télévision. Ils peuvent construire des villes compactes faites pour la
marche au lieu de friches de banlieue (probablement même sur les
détritus récupérés de ces friches). Ils peuvent créer des pièces de
théâtre, des concerts, des spectacles de rue et de marionnettes au lieu
de shows à la mi-temps du Super Bowl et des vidéos porno sur
Internet. Ils peuvent faire des choses de qualité à la main au lieu de
millions de choses qui vont se désagréger dans la semaine. Aucune de ces
activités alternatives ne serait classable sous le label «croissance»
dans le mode actuel. En fait, elles sont conformes à la réalité de la
contraction. Et elles pourraient produire un mode de vie viable et
satisfaisant.
Les rackets et les tripotages débridés dans notre quête futile pour
sauvegarder les apparences ont désactivé le système d’exploitation
financier dont le régime dépend. C’est une illusion soutenue par la
fraude comptable pour dissimuler des promesses qui ne seront pas tenues.
Tous les puissants efforts des autorités des banques centrales pour
emprunter la «richesse» de l’avenir sous la forme d’argent – pour cacher sous le papier-monnaie
l’absence de croissance – ne va pas longtemps masquer l’impossibilité
de rembourser cet argent emprunté. La vengeance de l’avenir sur ces
promesses vides sera la divulgation que la richesse supposée n’est pas
vraiment là – surtout celle représentée en devises, actions, obligations
et autres «instruments» éphémères conçus pour être des
véhicules de stockage pour la richesse. Les actions ne valent pas ce
qu’elles prétendent. Les obligations ne seront jamais remboursées. Les
devises ne stockent plus de valeur. Comment est-ce arrivé ? Lentement,
puis tout à coup.
Nous sommes sur une trajectoire de collision avec ces dures réalités.
Elles coïncident avec les vecteurs écœurants de la politique nationale
dans une grande vague de conséquences latentes accumulées par la force
d’inertie à l’échelle à laquelle nous faisons les choses. Trump,
convaincu de son propre éclat, ne sait rien, et porte son incohérence
comme une médaille d’honneur. Clinton incarne littéralement l’horreur de
ces conséquences enroulées sur elles-mêmes en attente d’éclater – et en
prétextant que tout va continuer comme avant avec elle à la Maison
Blanche. Lorsque ces deux combattants-gargouilles se rencontreront dans
l’arène d’un débat dans une semaine, vous n’entendrez rien au sujet du
voyage que nous avons entamé vers un mode de vie différent.
Mais il y a une synergie évidente entre la mauvaise gestion de notre
argent et la mauvaise gestion de notre politique. Chacune a la capacité
d’amplifier les troubles de l’autre. L’ambiance terrible de cette
élection dépravée pourrait être suffisante pour mettre par terre les
marchés et les banques. Les marchés et les banques sont assez instables
pour affecter l’élection.
Dans l’histoire, les élites ont souvent échoué spectaculairement.
Demandez-vous : comment ces deux anciennes institutions, les partis
démocrate et républicain, ont-elles pu cracher de telles anomalies
humaines ? Et, l’ayant fait, méritent-elles de continuer à exister ? Et
si elles devaient se vaporiser, ainsi que les revenus et l’épargne du
public, que se passera-t-il ensuite ?
Entrez donc, Messieurs les généraux.
James Howard Kunstler
Note du traducteur
L'ordre mondial actuel va s'effondrer globalement, mais cela ne présage en rien du fait que certaines poches puissent subsister. TF1 a d'ailleurs bien senti le coup en programmant dimanche dernier le film Elysium avec Matt Damon. Le pitch consiste à observer la cohabitation d'une élite, métaphoriquement établie dans une station spatiale, donc loin des sans-dents, qui eux s'entassent sur terre dans des conditions précaires. L'accroche consiste à comparer le système de santé entre une élite ou chacun possède une machine médicale ultra perfectionnée et la plèbe qui est incitée à mourir sans faire de vague. Comme c'est Hollywood et que c'est Matt Damon, à la fin, les pauvres obtiennent ces fameuses machines, envoyées par le système de contrôle automatisé qui n'était méchant finalement, que parce qu'il était mal dirigé, un bête problème de conflit entre les bons chasseurs/élites et les mauvais chasseurs/élites. C'est ballot. Presque à l'insu de leur plein gré. On peut donc comprendre ce film comme une quasi promotion du transhumanisme et du technologisme. On peut aussi le voir comme un message de ce que notre avenir nous réserve pour que nous nous y préparions, chômage de masse, sous médicalisation... Ça ne vous rappelle rien ?
Le calcul minable de certains est donc probablement d'organiser la chute d'un système condamné mais dont ils ont encore le contrôle pour sauvegarder des zones vertes pour eux, utilisant massivement la robotisation, l'IA, le technologisme pour se protéger de nous. Pour ça tous les moyens seront bons pour affaiblir les peuples, guerres civiles à caractères ethnique ou religieux, épidémies, guerre tout court, comportements suicidaires ou refus de se reproduire par la promotion de comportements non naturels ou par angoisse de l'avenir. Cela peut sembler un poil complotiste mais la Première Guerre mondiale à tellement saigné les couches ouvrières que cela a mis un terme, au moins en Occident, aux risques révolutionnaires... Ça ne vous rappelle rien ?
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