Article original de James Howard Kunstler, publié le 30 janvier 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Il n’a fallu qu’une semaine au président Trump pour donner au
corps politique un lavement sur l’immigration. Le but était peut-être
d’éliminer un ensemble de mauvaises idées que Barack Obama avait réussi,
depuis huit ans, à considérer comme « normales ». C’est-à-dire
qu’il était inutile de faire appliquer les lois sur l’immigration
forcément cruelles, que les frontières nationales sont un anachronisme
barbare, ou que les lois fédérales sont facultatives dans certaines
juridictions auto-sélectionnées.
Mais l’équipe de Trump s’est largement assise sur les détails de
l’interdiction de l’immigration et du statut de réfugié, en particulier
en ce qui concerne les détenteurs de cartes vertes, ainsi que ceux dont
les visas étaient déjà accordés. La bévue a provoqué un coup de tonnerre
impressionnant de protestations dans les aéroports, et finalement une
suspension par un juge fédéral, qui a bouleversé la légalité de l' »executive order »
de Trump – dans l’ensemble, un trébuchet tactique pour Donald, notre
président, qui a apparemment omis de consulter un éventail d’agences
gouvernementales et leurs avocats, avant de publier le décret juste à la
fermeture des bureaux vendredi. Pour mémoire, je ne suis pas d’accord
avec le fait que l’Arabie saoudite, le Pakistan, l’Égypte et
l’Afghanistan aient été exclus de la liste des pays bloqués, puisque ces
terres produisent des maniaques musulmans plus radicaux que partout
ailleurs.
À l’heure actuelle, le lecteur détecte probablement mes sentiments
ambivalents, dans ce faisceau de questions et de griefs. Permettez-moi
d’essayer de clarifier mes positions de base : je crois que les
frontières sont importantes et qu’elles doivent être protégées. Je pense
que notre application de la loi sur l’immigration sous Obama a été
profondément malhonnête et préjudiciable à notre politique, d’une
manière qui va bien au-delà de la question de savoir qui doit venir ici.
Je crois que nous ne sommes pas obligés d’accepter tout le monde et
quiconque veut déménager ici. Je crois que nous avons besoin d’un temps
officiel d’arrêt de la forte immigration de ces dernières décennies. Je
crois que nous avons de bonnes raisons d’être pointilleux sur qui nous
laissons entrer.
Le tropisme le plus malhonnête et le plus dommageable de ces
dernières années est l’idée largement acceptée par la gauche que les
immigrés clandestins sont simplement des « sans-papiers »,
comme s’ils étaient les victimes malheureuses d’une erreur de
bureaucratie commise par le gouvernement et méritant ainsi un
laissez-passer. Le langage importe. L’acceptation et la répétition de ce
mensonge ont en effet donné à la gauche la permission de mentir sur
toutes sortes de choses quand cela lui chantait, par exemple l’illusion
que la Russie a volé l’élection de Hillary Clinton et que l’islam
radical ne constitue pas une menace face aux valeurs occidentales (voire
même existe). Et il est vrai qu’ils sont assistés par des géants des
médias tels que le New York Times, le Washington Post et la NPR. Le Times,
surtout, est désireux de provoquer une crise nationale qui pourrait
déstabiliser Trump, en le déclarant simplement dans un titre sur trois
colonnes :
La fureur semblait plutôt disproportionnée, par rapport aux personnes
gênées par le truquage administratif de Trump : environ 300 détenteurs
de cartes vertes sur 300 000 voyageurs admis au cours du week-end – même
après que la Maison Blanche eut fait marche arrière sur son erreur de
carte verte dès dimanche. Et cela donne l’impression, même à quelqu’un
qui est allergique à la théorie de la conspiration (moi en
l’occurrence), que quelque principe organisateur est derrière ce
phénomène. Ce principe peut être la névrose profonde de la gauche
Démocrate / Progressiste, réduite à crier sa vertu depuis une caisse de
résonance médiatique à bout de souffle. N’ayant pas d’idées cohérentes
sur le problème de l’immigration, en dehors de sa résistance à son
arrêt, elle n’offre que des récits sentimentaux : des larmes sur la
statue de la liberté, des « rêveurs », des villes-sanctuaires,
des nations ouvertes, des nous-sommes-tous-des-enfants-de-migrants, et
que de toute façon l’Amérique du Nord a été volée aux Indiens.
L’hystérie est impressionnante, comme si la gauche avait été empoisonnée
à l’ergot de seigle,
en voyant des sorcières (racistes, homophobes, misogynes, coquins de
privilégiés blancs et russes) derrière chaque arbuste de genévrier dans
le pays.
J’irais même jusqu’à dire que cette névrose découle des problèmes
psychologiques généraux à la frontière de l’ethos démocrate /
progressiste actuel. Leur zèle pour effacer les catégories a entraîné la
perte des catégories de pensée ─ il ne reste qu’une grande soupe de
victimisation maintenant et tout le monde devrait se précipiter pour
gagner ses points bonus de victime tant que c’est encore possible, ou
aussi longtemps que le sénateur Chuck Schumer
peut faire pleurer le crocodile. De mon point de vue, ce pays
profiterait réellement d’avoir des catégories de pensée plus solides et
certainement des catégories de comportement plus fermes.
Ce qui irrite vraiment la gauche, c’est la défense de la civilisation
occidentale, en particulier sur quelque chose d’aussi concret que la
démographie. Cette barrière de défense a été profondément effacée de la
vie politique récente de l’Europe et de l’Amérique. Sur les campus
universitaires, c’est devenu l’équivalent du péché originel. Donald
Trump s’est avéré être un choix particulier pour mener à bien un
revirement total, et sa rudesse pourrait finir par dissuader tout effort
pour reconstituer quelque chose comme une culture commune qui se
respecte. Mais le retournement arrive aussi en Europe cette année, par
une série d’élections nationales. Attendez-vous à plus de lutte civile
alors que la bataille s’étend.
James Howard Kunstler
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