Article original de Alice J. Friedmann, publié le 16 Janvier 2017 sur le site energyskeptic.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Pratiquement
tout dans nos maisons, tout dans nos magasins, est arrivé sur un
camion. Auparavant, 90% de ces articles étaient transportés sur un
navire et/ou un train. Si les camions, les trains et les navires
cessaient de fonctionner, notre économie mondiale et notre mode de vie
s’arrêteraient aussi.
L’impact du pic du pétrole sur le transport commercial m’a beaucoup intéressée, après une carrière de 22 ans chez American President Lines,
où j’ai développé des systèmes informatiques pour optimiser le
déplacement incessant du fret autour du globe en mode juste-à-temps
entre les navires, les camions et les clients.
Donc, j’ai été ravie quand Charles Hall m’a invitée à écrire un livre sur l’énergie et le transport pour sa série Springer Energy, un livre qui vient d’être publié : Quand les camions cesseront de fonctionner : l’énergie et l’avenir du transport.
Les navires, les camions et les trains sont l’épine dorsale de la
civilisation, transportant les marchandises qui répondent à tous nos
besoins et nos désirs. Leurs puissants moteurs à combustion diesel,
hautement efficaces, sont exquisément optimisés pour brûler du carburant
diesel à base de pétrole. Ces moteurs et les combustibles qui les
alimentent ont été parmi les technologies les plus transformatrices,
mais aussi perturbatrices sur la planète. C’est une dépendance que nous
tenons pour acquise.
Étant donné que les réserves de pétrole sont limitées, un jour ces
approvisionnements seront réduits au point où le coût du transport du
fret et des marchandises avec notre flotte actuelle propulsée au pétrole
ne va plus être supportable. Nous avons une surabondance
d’hydrocarbures en 2016 et un manque d’urgence en corrélation. Pourtant,
inévitablement viendra le jour où les réserves de pétrole diminueront.
Qu’allons nous faire ? Quelles sont nos options ? C’est la réalité
désespérante que mon livre explore.
Considérez combien nous dépendons d’un pétrole abondant et pas cher,
qui alimente le transport commercial : les épiceries, les
stations-service, les hôpitaux, les pharmacies, les restaurants, les
chantiers, les fabricants et beaucoup d’autres entreprises reçoivent
plusieurs livraisons par jour. Puisqu’ils gardent très peu d’inventaire,
la plupart manquerait de marchandises en une semaine. Lorsque les
camions s’arrêtent, plus de 685 000 tonnes de déchets s’accumulent
chaque jour aux États-Unis, le traitement des eaux usées se termine
lorsque les réservoirs se remplissent et, en deux à quatre semaines, les
approvisionnements en eau risquent d’être mis en danger par l’absence
de livraison des produits chimiques de purification. C’est juste la
pointe de l’iceberg.
Bien que les navires transportent environ 90% du fret et rendent la
mondialisation possible, il est difficile de penser à une seule chose
qui ne soit pas transportée sur un camion à un moment donné, ne
serait-ce que durant le dernier kilomètre. Les autres types de « camions »
et d’équipement utilisés dans l’agriculture, l’exploitation forestière,
l’exploitation minière, la construction, les ordures et d’innombrables
organisations humaines sont tout aussi importants. Certes, il serait
préférable de livrer des marchandises par chemins de fer, qui sont
quatre fois plus économes en carburant que les camions, ou par bateau,
qui peuvent être jusqu’à 80 fois plus efficaces que les camions. Mais il
n’y a que 150 000 km de voies ferrées et 40 000 km de voies navigables
intérieures et côtières aux États-Unis, comparativement à plus de 6,5
millions de km de routes américaines. J’explore dans mon livre pourquoi
nous dépendons tellement des camions et que nous sous-utilisons des
navires et des trains plus efficaces.
L’électricité renouvelable – solaire et éolienne – augmente, mais
dans notre optimisme face à la révolution renouvelable, nous oublions
collectivement que nos camions, nos navires et nos trains de
marchandises ne fonctionnent pas à l’électricité. Bien que j’aie souvent
pensé à Robert Hirsch,
qui disait que le pic pétrolier serait mieux décrit comme une crise de
transport de carburant liquide, je n’avais jamais complètement étudié
les détails de ce que cela signifiait. Après tout, les véhicules
pourraient potentiellement fonctionner avec du combustible liquide issu du charbon, du gaz naturel, des biocarburants, de l’hydrogène, ou juste être électrifiés.
Au cours des deux dernières années, j’ai étudié l’évolution et
l’avenir du transport commercial, des technologies et des ressources
énergétiques disponibles aujourd’hui ou au cours de la prochaine
décennie, pour que les navires, les locomotives et les camions puissent
circuler. Le carburant idéal serait un carburant « décroissant »,
de sorte que nous n’ayons pas à mettre de côté plus de 1 000 milliards
de dollars de véhicules avec leurs moteurs et 4 600 milliards de dollars
d’infrastructures de transport qui correspondent à 12% de la richesse
des États-Unis.
Puisque le volume de combustibles fossiles est limité, au bout du
compte, nous n’aurons d’autre choix que d’exploiter des transports
commerciaux avec des énergies renouvelables. Le réseau électrique
devrait jouer un rôle, alors je regarde ce qu’il faudrait envisager pour
électrifier les camions et les locomotives via des piles ou des câbles
aériens. Ce scénario apparemment inévitable nécessite la compréhension
des défis posés par l’accès à un réseau électrique alimenté de 80% à
100% par des énergies renouvelables, des systèmes de stockage d’énergie à
l’échelle des services publics et la compréhension du stockage
d’énergie nécessaire pour faire face à l’intermittence et à la
saisonnalité du vent et de l’énergie solaire.
Les co-dépendances de l’électricité et des ordinateurs rendent notre
système de transport encore plus fragile et vulnérable à l’échec. Les
pannes d’électricité ou les défaillances de logiciels ou d’équipement
empêchent les navires, le rail et les camions de charger ou de
décharger, car des douzaines de documents financiers, tarifaires, de
manifestes, de contenu de cargaisons et autres documents sont
nécessaires pour maintenir le fret en mouvement.
Ce que j’ai essayé de faire dans ce livre, c’est d’examiner toutes
les options techniques et énergétiques prévisibles pour la circulation
des biens et des services. Dans le processus, il n’y a pas eu de tabou
mais un regard bien ouvert sur ces défis. Il s’agit notamment des
carburants liquides renouvelables, des changements climatiques, du
système financier et de la corrosion.
La politique peut être l’un des défis les plus insurmontables. Pour
comprendre l’évolution de la politique énergétique des États-Unis et
quels sont, le cas échéant, les plans pour l’avenir du transport, j’ai
lu les transcriptions de centaines d’audiences du Congrès des États-Unis
et du Sénat. Si le système mondial de transport de marchandises, si
centralisé à notre époque d’abondance, a un quelconque espoir d’être
soutenable alors que le pétrole va diminuer, alors le leadership
politique, la planification à long terme et le financement massif sont
essentiels. Certains peuvent assimiler ce défi à un « tir sur la lune » très technique. En ce moment, la mobilisation pour ce changement ressemble plus à un tir de longue portée.
Alice J. Friedmann
Note du traducteur
Cet article était en référence à l'article d'Ugo Bardi sur le nucléaire. Il est essentiel de bien avoir à l'esprit le rôle du pétrole dans notre vie, pour bien comprendre que c'est le nerf de la guerre de nos systèmes économiques et le cœur de notre confort. Le texte se termine sur un appel à fédérer politiquement les politiques énergétiques au niveau mondial et objectivement, c'est indiscutable si nous voulons garder une bonne partie de notre confort.
Mais il reste à savoir qui va en prendre le contrôle, une technocratie comme avec l'UE, les peuples, des élites auto-proclamées, des aristocrates au sens propre ? Ou bien personne, car trouver un consensus va s'avérer impossible. Le monde de demain sera le résultat de cette bataille politique. En ce moment, deux visions élitistes, unipolaire et multipolaire, s'affrontent, pendant que les peuples occupent la toile et s'éduquent aux combats de demain.
Liens
http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part2/la-fin-du-petrole-mythe-ou-realite
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire