Article original de Dmitry Orlov, publié le 11 septembre 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Au cours de la dernière semaine, j’ai essayé de faire de mon mieux pour éviter à mes lecteurs de se retrouver dans une triste situation : celle de penser qu’ils savent ce qu’ils ne savent certainement pas, ou de penser qu’ils savent que quelque chose est vrai alors qu’ils ne le savent très certainement pas. Et je ne suis pas satisfait des résultats : les gens continuent de m’écrire pour me dire qu’ils savent très certainement ceci ou cela, et comment diable pourrais-je penser qu’ils ne le savent pas ? Vous voyez, ils l’ont lu sur Internet, ils ont regardé plusieurs vidéos Youtube sur le sujet, et ils en ont discuté avec plusieurs personnes inconnues ou presque sur les médias sociaux. Sur la base de toutes ces recherches, ils se sont forgés une opinion, et cette opinion est, selon eux, la vérité.
Le mot « vérité » a beaucoup d’attrait émotionnel : nous n’avons pas envie d’être traités de menteurs, d’être perçus comme des menteurs, d’être mal guidés et induits en erreur ou de nous sentir ignorants. Nous voulons être curieux et inquisiteurs. Les esprits curieux veulent savoir ! En fait, c’est juste une pose. Nous voulons avoir beaucoup d’histoires intéressantes et originales à raconter avec lesquelles nous pouvons nous divertir les uns les autres. Ces histoires peuvent être drôles ou touchantes, ou elles peuvent être utilisées pour nous faire paraître courageux, déterminés ou érudits et générer un sentiment de gravité : de grandes choses se préparent, rien n’est vraiment comme il paraît, et nous sommes parmi les quelques qui sont au courant.
Dans notre jeunesse, nous avons tendance à être idéalistes et rebelles, mais le recours traditionnel qui consiste à tabasser les membres des tribus voisines est maintenant mal vu, nous obligeant à mener des batailles imaginaires. L’une d’entre elles, très populaire, tente de tuer le dragon à trois têtes de la propagande gouvernementale, des mensonges des médias et de la désinformation diffusée par des pédagogues ignorants. Les détectives amateurs sont portés à dire qu’ils le font « par amour de la vérité ».
Ce genre de vérité n’a presque rien à voir avec la machinerie abstraite et délicate (à la fois logique et physique) qui sous-tend la recherche d’une certitude clinique absolue. Son utilisation est si exigeante et complexe (et coûteuse) que la vérité doit être soigneusement rationnée. Elle est principalement utilisée dans les projets à haut risque où l’imprécision peut être mortelle. Si on se trompe dans les chiffres, le navire s’échoue, le réacteur nucléaire explose ou un bâtiment s’effondre. Le reste du temps, des approximations approximativement approximatives et des règles empiriques suffisent amplement.
Lorsqu’une extrême précision est requise, il n’y a qu’une seule émotion dominante : la peur de ne pas connaître la bonne réponse, ou de se tromper. Une fois cette peur surmontée, il peut y avoir une émotion moins lourde associée à la recherche d’une réponse optimale dans le cadre de la solution (si le temps et le budget le permettent), mais elle est toujours teintée de peur – cette fois-ci, d’être accusé d’enjolivement ou de profiter de ce travail ou d’en faire son passe-temps. On dit souvent que ceux qui n’ont pas cette peur « se trompent énormément ». J’étais dans une école d’ingénieur lorsque la navette spatiale Challenger a explosé au décollage, et le doyen de la faculté de technologie nous a réunis, a ordonné une minute de silence, puis a dit : « C’est ce qui arrive quand les ingénieurs merdent : des gens meurent. » C’est tout simplement cela : le contraire de la vérité exacte, connue à plusieurs décimales près, n’est pas le mensonge, ni l’ignorance, ni la distorsion ; c’est la mort.
Si la vérité (comme vérité réelle, observée et enregistrée, mesurée ou comptée avec précision, vérifiable) était recherchée tout le temps, juste parce que cela fait du bien de connaître la vérité, le monde serait à court d’argent. Cela, soit dit en passant, peut être un problème pour la science fondamentale : puisqu’elle traite le savoir comme une valeur (c’est-à-dire, n’hésite pas à mettre un prix dessus !), il faut toujours plus de recherche jusqu’à ce que l’argent des subventions soit épuisé.
Mais la connaissance, comme la beauté, est dans l’œil du spectateur ; concrètement, le produit de la recherche scientifique est l’information. S’agit-il d’une information utile, et l’information est-elle utile en général ? Cela dépend si nous pouvons agir en conséquence. Si nous ne le pouvons pas, nous pouvons tout simplement en profiter, la trouver intéressante ou esthétique, mais c’est un luxe inutile. Il y a beaucoup de choses intéressantes et esthétiques qui ne sont pas vraies. Elles sont tout aussi bonnes et généralement beaucoup moins chères.
Si nous pouvons y donner suite – l’utiliser pour prendre des décisions – alors dans quelle mesure importe-t-il que l’information soit, à proprement parler, vraie ? Ce qui compte pour nous, c’est le résultat, et un résultat positif obtenu par une décision basée sur une donnée erronée est en général tout aussi bon. De plus, même si nous aimons à penser que nos vies résultent de nos décisions conscientes, elles sont le plus souvent le résultat d’accidents. Si les accidents sont heureux, alors nous en sommes heureux.
Une meilleure information nous aiderait-elle à prendre de meilleures décisions ou à éviter les erreurs ? Peut-être, mais les gens ont tendance à faire des changements lorsqu’ils ont l’impression qu’il vaut mieux faire quelque chose d’autre que toujours plus de la même chose, et ce n’est pas de l’information – c’est un sentiment. Et les gens font des erreurs, beaucoup d’erreurs, tout le temps, et généralement les mêmes, encore et encore, peu importe l’information. Ils décident d’allumer encore une autre cigarette en se basant sur quelle brillante recherche ? Ou ils font l’erreur d’aller travailler tous les jours, pour un travail qu’ils n’aiment pas, au lieu d’investir leur énergie à trouver comment ne pas avoir à le faire. En quoi une meilleure information les aiderait-elle ?
Pourtant, les esprits curieux veulent savoir, et il n’y a pas de meilleur appât pour la curiosité mal placée que le 11 septembre. Il suffit de dire « Bien sûr, 2 avions ont abattu 3 grattes-ciel » et instantanément beaucoup d’esprits curieux exigent de savoir ce qui s’est réellement passé.
Évidemment, vous ne savez pas ; vous n’étiez probablement même pas là. Mais vous avez peut-être un sens aigu de la bêtise. Il y a des images d’archives que personne ne conteste et qui montrent deux exemples de ce qui ressemble à des tremblements de terre locaux, suivis d’un grand gratte-ciel qui disparaît verticalement dans un trou dans le sol avec une accélération de type chute libre. La majeure partie de son acier s’est instantanément incinérée en une fine poudre d’oxyde de fer qui s’est envolée dans un nuage géant et s’est déposée en une épaisse couche sur tout le Lower Manhattan. Elle montre un troisième gratte-ciel détruit dans un exemple classique de démolition contrôlée, dont le propriétaire a déclaré publiquement qu’il avait décidé de le « tirer » (un terme de l’industrie de la démolition pour détonation). Ajoutez à cela les nombreuses preuves cliniques des personnes présentes sur le site après l’événement, qui ont succombé par la suite à des affections associées à l’exposition à des rayonnements ionisants. Ajoutez à cela des images satellites russes montrant deux cratères remplis de matière en fusion très chaude. C’est une preuve troublante, n’est-ce pas ?
Est-ce que je sais ce qui s’est vraiment passé ? Bien sûr que non ! Mais je n’ai pas besoin de savoir. Il n’y a absolument rien que je puisse faire pour donner suite à de telles informations si je les avais en ma possession. Qu’est-ce que j’en sais ? Je suis certain que ceux qui pensent savoir ce qui s’est passé ce jour-là ne le savent pas. C’est important pour moi de le savoir, car c’est une information sur laquelle je peux agir : Je peux éviter de me laisser entraîner dans des discussions inutiles avec eux sur ce sujet, ou d’ailleurs sur tout autre sujet, parce qu’il est clair qu’ils sont impatients de refaire sans cesse la même erreur, celle de gaspiller leur énergie à essayer d’obtenir de l’information à laquelle ils ne seront pas en mesure de répondre.
Dmitry Orlov
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Note du traducteur
La sagesse de Dmitry Orlov est à ajouter à la présentation de la publication actuelle d'un livre sur l'attaque sur le Pentagone il y a 17 ans. Difficile de résister à l'envie de savoir.
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