Article original de Dmitry Orlov, publié le 28 août 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
John
McCain est mort, et beaucoup de gens font la fête alors qu’ils
devraient être tristes. Il n’était pas un ami de l’humanité, il en était
l’ennemi, mais il était aussi très mauvais. Et avec des ennemis aussi
grossièrement incompétents, qui a besoin d’amis ?
McCain a fait beaucoup pour détruire l’Amérique. Il a
consacré sa vie entière à la destruction de son pays. Pour commencer, il
a été très efficace en tant que manifestant contre la guerre
génocidaire de l’Amérique contre le peuple vietnamien. D’autres
Américains ont marché inefficacement, brandissant des banderoles et
criant des slogans anti-guerre, mais pas McCain ! Son propre père avait
beaucoup à voir avec le début de cette guerre, mais McCain s’est
rattrapé en détruisant 26 avions de guerre américains. C’est quelque
chose ! Si tous les aviateurs américains avaient fait s’écraser autant
d’avions, d’innombrables vies innocentes auraient été sauvées.
Bien sûr, il aurait pu faire encore mieux, et il a essayé. Il a presque réussi à détruire le porte-avions américain Forrestal en l’incendiant.
Pour couronner son illustre carrière militaire, il s’est rendu à
l’ennemi et a passé cinq ans dans une prison vietnamienne. Cela a fait
de lui un héros aux yeux des Américains seulement, tandis que le reste
du monde voyait en lui un meurtrier d’enfants vietnamiens.
Son « martyr » en tant que prisonnier de guerre l’a
aidé à préparer sa carrière politique, d’abord au Congrès, puis au
Sénat. Au cours de sa longue et obscène carrière politique sur le plan
national, McCain a fait ce qu’il a pu pour faire passer la « démocratie »
américaine pour une totale plaisanterie et pour hâter l’effondrement de
l’Amérique. Au fait, ce n’était pas une mince affaire : la « démocratie »
américaine a longtemps été une fosse d’aisance – un terrain de jeu pour
les lobbyistes et les technologues politiques, basé sur un système de
fausses élections entièrement trafiquées. Mais il a fait son œuvre, et
il est donc deux fois un héros.
Déféquer dans le cloaque de la politique américaine n’altère pas
beaucoup sa chimie, mais McCain a ici aussi repoussé les limites. Si
seulement lui et un autre génie autochtone qu’est Sara Palin avaient
gagné la présidence ! Cela aurait certainement précipité l’effondrement
américain bien plus vite, ce qui aurait permis à l’œuvre de sa vie de se
concrétiser. C’était peut-être son plus grand échec : il s’est avéré
être un traître à ses propres amis et un fidèle serviteur de ses ennemis
politiques. Il a mis fin à sa campagne électorale deux semaines avant
les élections. Puis il a fait tout ce qu’il a pu pour embrasser Obama en
aidant à empêcher l’abrogation d’Obamacare. McCain mérite d’avoir un
gigantesque obélisque en forme de saucisse érigé en son honneur, fait de
la même matière brune et grumeleuse dont il a été si dispendieux tout
au long de sa carrière politique.
Sur la scène internationale, M. McCain a été excellent lorsqu’il
s’est ingéré dans les affaires d’autres pays, souvent d’une manière qui a
contribué à miner la position de l’Amérique dans le monde. Chaque fois
qu’il se rendait dans un pays étranger, la probabilité de déclenchement
d’une guerre civile augmentait d’un cran, parfois de deux. Il a toujours
eu une place chaleureuse dans son cœur pour les terroristes, qu’il
s’agisse des néo-nazis ukrainiens ou des maniaques meurtriers du califat
islamique (ISIS). Il a réussi à bien s’en tirer en dépit de sa faible
intelligence : en 2013, il publiait un article sur le site Pravda.ru,
pensant que c’était le principal journal de la Russie (qui était à ce
moment-là mort depuis deux décennies).
Il a été l’un des principaux architectes de l’« opération antiterroriste »
du gouvernement ukrainien contre ses propres citoyens dans l’est du
pays. Ses actions ont contribué à assurer la défaite américaine et la
victoire syrienne en Syrie et ont mis le gouvernement ukrainien qu’il
avait aidé à installer en 2014 sur la voie de l’autodestruction. La
Russie lui doit une dette en gratitude pour la réunification avec la
Crimée après ses deux décennies perdues dans le désert ukrainien. Il
était aussi un champion de l’autodestruction de l’Amérique par la
faillite nationale, étant toujours en faveur de dépenses de défense
prodigues, fantastiquement corrompues et hautement inefficaces.
Le couronnement de sa carrière a été sa campagne réussie en faveur
des sanctions anti-russes. Elles ont rendu très difficile pour les
représentants du gouvernement russe de paraître sérieux et de résister à
l’envie de dire « Pouvons-nous avoir d’autres sanctions, s’il-vous-plaît ? »
Grâce à ces sanctions, la Russie a progressé rapidement vers la
sécurité alimentaire et est devenue l’un des principaux exportateurs
agricoles du monde ; elle a atteint ou atteindra bientôt
l’autosuffisance complète en matière de défense et dans de nombreux
autres secteurs industriels ; et elle est n’est plus très loin d’être
indépendante du dollar américain et des finances occidentales.
L’effet des sanctions en faisant baisser à la fois le rouble et le
marché boursier russe a permis au gouvernement russe de vendre leurs
dollars au plus haut pour acheter des actions des industries russes au
plus bas, renationalisant effectivement l’industrie russe à des prix
d’aubaine, faisant passer la part de la propriété de l’État d’environ 16
% à au moins 65 % tout en évinçant les intérêts financiers occidentaux.
Les profits qui auraient autrement été empochés par les investisseurs
occidentaux affluent maintenant vers les finances de la Russie pour être
dépensés pour la santé, l’éducation, le logement, les routes et les
ponts et ainsi de suite. McCain, tu es socialiste !
McCain avait aussi un talent merveilleux pour avoir non seulement
tort, mais totalement tort, d’avoir tort dans le sens contraire d’avoir
raison. Il a traité la Russie de « station-service déguisée en pays ».
Ce fut une bonne chose pour la Russie, car elle était, à l’époque, un
pays qui se déguisait en station-service pour s’acheter le temps dont
elle avait besoin pour reconstruire et se réarmer. Maintenant qu’elle
l’a fait, le masque peut se détacher, et la Russie est très
reconnaissante à McCain de lui avoir donné une telle couverture juste au
moment où elle en avait le plus besoin.
C’est un moment triste maintenant que la mort prématurée de McCain
l’a envoyé pour l’éternité en enfer, parce qu’il n’a pas eu le temps de
finir le travail de sa vie : détruire les États-Unis. Néanmoins, nous
devrions dire qu’il s’agit d’un travail bien fait, car la voie qu’il a
aidé à tracer pour ce pays est maintenant inaltérable. Même s’il est
remplacé à son siège au Sénat par quelqu’un de compétent et capable
d’agir dans l’intérêt de sa nation, cela ne changera plus beaucoup le
cours de l’histoire, et ne le renversera certainement pas. Observons
maintenant une minute de silence en l’honneur de John McCain, car après
son décès, le Parti de l’effondrement américain a perdu un véritable
leader.
Dmitry Orlov
Le livre de Dmitry Orlov
est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que
l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de
l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
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