samedi 29 septembre 2018

Problème de surpopulation ? Quel problème de surpopulation ?

Article original de Ugo Bardi, publié le 2 Juillet 2018 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Certaines personnes semblent horrifiées à la vue de ces images. Pour moi, c’est plutôt une sensation de mélancolie. Ces masses de personnes ne peuvent exister qu’un bref instant dans l’histoire de l’humanité. La surpopulation est un problème qui se résoudra assez rapidement, bien que, malheureusement, non sans douleur.


Je lis de plus en plus de commentaires sur la surpopulation dans les médias sociaux. Il ne s’agit pas seulement d’une impression : la tendance à l’intérêt croissant pour les questions de population est visible dans Google Trends. C’est encore faible, mais c’est bien là.


Il est curieux de voir comment la question revient. Elle avait disparu des médias après avoir été populaire dans les années 1970, à l’époque de la première étude sur « Les limites de la croissance ». À l’époque, il y avait moins de 4 milliards de personnes et c’était considéré comme un énorme problème. Puis, d’une certaine manière, il est devenu démodé de mentionner la surpopulation, tout comme il est devenu démodé de prendre en considération « Les limites de la croissance » comme n’importe quoi de plus qu’une étude complètement fausse écrite par des gens pas plus intelligents que des poulets.

Aujourd’hui, avec deux fois plus de personnes – 7,6 milliards d’humains – nous assistons à un retour de l’idée qu’il pourrait y avoir un petit problème de surpopulation. Les humains sont si nombreux qu’ils s’approprient une fraction de plus en plus grande de l’écosystème. Cela signifie de moins en moins d’espace pour d’autres espèces qui, en effet, disparaissent rapidement. Quand vous lisez que, dans un avenir pas trop lointain, le seul grand animal qui restera sur la Terre sera la vache, eh bien, cela vous fait réfléchir.

Un aspect particulier de la discussion est que la surpopulation n’est pas seulement un problème, c’est « le » problème. Si nous pouvions réduire le nombre d’humains, dit-on, tous les autres problèmes, la pollution, le réchauffement de la planète, l’épuisement des ressources, deviendraient automatiquement beaucoup plus faciles à gérer – si ce n’est pas complètement résolu. Cette opinion est souvent accompagnée de déclarations selon lesquelles la réduction doit être réalisée par des moyens justes et non violents : par le contrôle volontaire des naissances. Cela n’empêche pas certains d’accuser les « Verts » ou les « élites mondiales » de planifier l’extermination de la plus grande partie de l’humanité. D’autres voient un complot diabolique dans la croissance de la population, accusant les pouvoirs en place – les gouvernements ; les organisations religieuses ; les Illuminati ; les gnomes de Zurich ou autres – d’être engagés dans une conspiration mondiale visant à cacher les dangers de la surpopulation.

Personnellement, je ne m’inquiète pas trop de la surpopulation humaine, ni de ces prétendues conspirations maléfiques. Ce n’est pas que je ne pense pas qu’il n’y a pas trop de gens. L’idée, je pense, est que si aujourd’hui la surpopulation est un problème, et c’est le cas, elle se résoudra assez rapidement (bien que non sans douleur). Pas besoin d’élites maléfiques qui complotent sur une quelconque extermination, ni de militants bien intentionnés qui enseignent aux pauvres comment utiliser les préservatifs. Le système lui-même provoquera l’effondrement de la population humaine.

Les 7,6 milliards d’habitants actuels de la Terre sont vivants à un moment très spécial de l’histoire de l’humanité. Cela ne s’était jamais produit auparavant et il est peu probable que cela se reproduise dans un avenir prévisible. Tant de gens sont en vie aujourd’hui parce qu’il existe un système sophistiqué et incroyablement complexe pour les maintenir en vie. L’incroyable système qui transporte la nourriture dans le monde entier est alimenté par l’énergie fossile et contrôlé par le système financier et politique que nous appelons la « globalisation ». Tant que l’énergie fossile et la globalisation existeront, les gens seront nourris et la population pourra continuer à croître.

Mais pour combien de temps ? L’ensemble du système est mis à rude épreuve en raison de l’épuisement des ressources et de la pollution. Les ressources naturelles sont de plus en plus coûteuses à exploiter, tandis que la lutte contre la pollution – également sous forme de réchauffement climatique – devient elle-aussi de plus en plus coûteuse. Un nouvel effondrement financier majeur suffirait à perturber la chaîne de transport qui expédie les denrées alimentaires sur toute la planète. Sans ce système, les aliments pourriront là où ils sont produits et les gens à l’autre bout de la chaîne mourront de faim. Ce sera la falaise de Sénèque  de tout le système, y compris de la population humaine.

D’autres facteurs peuvent également contribuer à réduire la population humaine. Pensez à l’intérêt des 400 millions et plus de tonnes de chair humaine qui existent aujourd’hui pour les prédateurs tels que les virus, les bactéries et les parasites assortis – nous sommes leur proie et nous devenons rapidement une proie abondante et facile. Et il y a d’autres possibilités, de la réduction de la fertilité causée par la pollution par les métaux lourds aux guerres à grande échelle à l’ancienne, mais toujours efficaces. [Je sais que Paul Ehrlich a crié au loup trop tôt au sujet de l’effondrement de la population, en 1968. Bien sûr, cela signifie que la population continuera de croître pour toujours, n’est-ce pas ?, NdA]

Récemment, j’ai publié un article dans le Journal of Population and Sustainability où j’ai cherché des exemples historiques de la façon dont les populations (pas seulement humaines) se sont effondrées dans le passé. J’ai trouvé plus d’une raison qui peut mener à un effondrement abrupt. Un exemple particulièrement poignant est celui de la population équine aux États-Unis. Elle a connu une cure d’amaigrissement lorsque les chevaux sont passés d’environ 27 millions en 1920 à environ 3 millions en 1960. Personne n’a appelé à l’extermination des chevaux, mais ils avaient perdu leur valeur économique – remplacés par des machines – et donc ils n’étaient plus pris en charge et n’étaient même pas autorisés à se reproduire. Et ce fût la falaise de Sénèque pour les chevaux.


Pourquoi pas une falaise similaire pour les humains ? Eux aussi ont perdu leur valeur économique et ont été remplacés par des machines. Vous dites que les humains ne sont pas des chevaux ? Bien sûr, mais pensez à quelque chose : qui a décidé du sort des chevaux ? Et qui décide du sort des humains ? Vous voyez ce que je veux dire, je suppose. Les humains devenant rapidement obsolètes sur le plan technologique, il ne serait pas nécessaire d’attendre qu’une falaise énergétique fasse tomber la civilisation dans son ensemble avant de voir leur nombre radicalement réduit.

Ugo Bardi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire