Article original de James Howard Kunstler, publié le 30 avril 2018 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
J’ai eu un compagnon lors de mon dernier podcast, publié dimanche, qui insiste sur le fait que la population mondiale baissera de plus de 90%, de 7,6 milliards actuellement à 600 millions d’ici la fin de ce siècle. Jack Alpert est à la tête du laboratoire d’intégration des connaissances de Stanford (SKIL) qu’il a fondé à l’Université de Stanford en 1978 et qui fonctionne maintenant comme une fondation de recherche privée. Alpert est principalement un ingénieur.
À 600 millions, le niveau de vie aux États-Unis serait à la hauteur de la paysannerie post-romaine de l’Europe du Ve siècle, mais sans le charme, puisque de nombreux systèmes liés de la planète − sols, océans, climat, ressources minérales − seront en beaucoup plus grand désarroi que ce n’était le cas il y a 1500 ans. Quoi qu’il en soit, cet état de vie peut être une étape vers quelque chose de plus désastreux. L’optimum d’Alpert serait une population humaine mondiale de 50 millions, déployée dans trois « cités-états », dans le Pacifique Nord-Ouest, la région frontalière entre l’Uruguay et le Paraguay et la Chine, qui pourraient soutenir une légère population ayant un niveau de vie proche du niveau actuel, avec science et technologie de pointe, des sociétés fonctionnant à base d’hydroélectricité. Le reste du monde, dit-il, reviendrait simplement à l’état de nature, ou ce qui en reste. Le projet d’Alpert vise à concevoir un chemin vers ce résultat optimal.
Je n’avais pas rencontré une telle vision extrême de l’avenir, sauf pour certains exercices de fiction comme The Road de Cormac McCarthy. (Alpert, aussi, voit le cannibalisme comme un sous-produit probable du voyage à venir.) Évidemment, ma propre aventure dans l’avenir romancé des livres World Made by Hand dépeint un retour beaucoup plus doux et lent à un niveau de vie comme en 1800, au moins aux États-Unis. Apparemment, je suis un doux sentimental.
Nous sommes tous les deux en désaccord avec les techno-optimistes les plus génériques qui attendent patiemment des remèdes de sauvetage miraculeux comme la fusion à froid tout en profitant des répétitions de The Big Bang Theory. (Alpert n’exclut pas complètement les sources d’énergie non encore développées, bien qu’il reconnaisse qu’elles représentent un faible espoir.) Nous sommes d’accord avec la prémisse fondamentale que l’approvisionnement en énergie est principalement ce qui soutient notre façon de vivre maintenant, et qu’il montre toutes les preuves d’entrer dans un déclin profond et déstabilisant qui arrêtera les activités nécessaires pour maintenir nos réseaux de systèmes dynamiques en fonctionnement.
Une question qui intéresse beaucoup de lecteurs est la rapidité d’effondrement de ces systèmes. Lorsque les civilisations s’effondrent, elles ont tendance à accélérer. L’empire romain semble être une exception, mais à bien des égards, il était beaucoup plus résistant que le nôtre, étant une sorte d’économie Pierrafeu avancée, avec même des activités à grande échelle (par exemple la construction du Colisée) accomplies par un travail humain. En tout cas, leur système s’est effondré progressivement après le règne de l’empereur Marcus Aurelius (180 AJC).
Les Romains avaient leur propre version d’une économie financiarisée : ils dévaluaient simplement leurs pièces de monnaie en mélangeant de moins en moins d’argent dans les pièces, de sorte qu’ils pouvaient prétendre payer les mêmes luxes auxquels ils s’étaient habitués alors que les ressources étaient plus minces. Notre économie financiarisée − comme tout ce que nous faisons − fonctionne à des niveaux de complexité si déroutants que même ses supposés directeurs des banques centrales pilotent sans visibilité à cause de la dette, de la tromperie et de l’aléa moral. Quand ce vaisseau de prétention va percuter un sommet de la montagne, les effets sont susceptibles d’être rapides et mortels pour les économies reposant dessus.
De nos jours, la chute la plus récente d’un système socio-économique majeur a été la chute de l’Union soviétique en 1990-1991. Bien sûr, cela s’est produit dans le contexte d’un système global qui tournait encore très bien en dehors de l’URSS, et cela a adouci le coup. En fin de compte, les Russes avaient encore beaucoup de pétrole à vendre, ce qui leur a permis de se replacer bien au-dessus du niveau d’existence des paysans du Ve siècle. Au moins pour l’instant. L’Union Soviétique s’est effondrée parce que c’était un système complètement malhonnête qui fonctionnait sous divers prétextes et par la coercition. Apparemment, la communauté du renseignement américaine a complètement raté les signes de son effondrement politique.
Ils semblent être assez ignorant du sort des États-Unis ces derniers temps, aussi. Si vous considérez les préoccupations de deux très récents chefs de la CIA, John Brennan, et du DNI, James Clapper, qui maintenant passent leur vie sur CNN en tant qu’avatars de l’État profond contre le méchant Golem d’or de la grandeur. Personnellement, je m’attends à ce que notre effondrement soit aussi soudain et inattendu que celui de l’URSS, mais probablement plus sanglant parce qu’il y a simplement plus de mensonges qui traînent pour se battre. Bien sûr, je m’attends à ce que l’effondrement se manifeste d’abord dans les banques, la finance et les marchés − étant si profondément devenus des actes de foi et tellement sujets à de simples doutes. Mais cet effondrement deviendra bientôt politique et social, et peut-être tous à la fois. Et quand cela arrivera aux États-Unis, il se répandra dans les systèmes financiers du monde entier.
James Howard Kunstler
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
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