jeudi 17 mai 2018

Les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire iranien parce qu’ils sont coincés

Article original de Dmitry Orlov, publié le 11 mai 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
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Voici une perspective autour de la décision de Trump de se retirer de l’accord JCPOA, c’est-à-dire l’accord sur le nucléaire iranien, qui n’a certainement pas assez de temps d’antenne. Tout n’est qu’une question d’argent. Après la révolution iranienne de 1978-1979, Jimmy Carter a gelé les actifs de l’Iran aux États-Unis. Depuis lors, les États-Unis conservent entre 100 et 120 milliards de dollars d’actifs iraniens, qui ont généré des loyers et des intérêts. Après la signature de l’accord JCPOA, qui stipulait la levée des sanctions contre l’Iran, Washington a fait de son mieux pour se débarrasser de ces actifs, mais ils auraient dû être rendus aux Iraniens tôt ou tard… à moins que les États-Unis ne se retirent de cet accord, ce qui vient d’être fait.



Il est très important de noter que ces actifs iraniens gelés sont libellés en dollars américains. Et quelle serait la première chose que les Iraniens feraient en reprenant le contrôle du magot ? Mais c’est bien sûr, ils le convertiraient hors de la devise américaine. C’est une exigence inscrite dans la loi iranienne : aucun dollar américain n’est autorisé à être détenu, et personne en Iran n’a le pouvoir de changer cela même s’il le voulait. Selon les Iraniens, les responsables américains ont plaidé auprès des Iraniens pour qu’ils ne liquident pas leurs avoirs libellés en dollars, mais que les Iraniens leur ont dit que personne n’avait l’autorité pour changer cette loi.

Une liquidation soudaine de cette ampleur aurait creusé un trou irréparable dans le système dollar, qui dépend de sa capacité à vendre d’énormes quantités de bons du trésor américain sur le marché international. La liquidation iranienne des actifs en dollars serait arrivée à un moment où les États-Unis ont un besoin urgent d’acheteurs étrangers de leur dette, la demande est faible et la liquidité chez les gros acheteurs de la dette américaine est à son plus bas historique. Cela aurait suffi à déclencher une ruée sur le dollar américain, tout le monde vendant ses bons du trésor. Cela pourrait mener à l’effondrement de tout le système qui permet aux États-Unis de faire les poches du reste du monde en l’obligeant à racheter continuellement sa dette.

Ainsi, la décision de Trump de se retirer de l’accord JCPOA est une tentative de retarder l’inévitable. Les États-Unis s’achètent un peu plus de temps. C’est un mouvement qui sent la peur et le désespoir. En prenant cette mesure, Washington devient le grand perdant : personne ne voudra plus négocier d’accord avec les Américains maintenant qu’ils se sont montrés incapables de les respecter. D’un autre côté, il semblerait que l’Iran ne sera pas beaucoup frappé par ce développement ; ce pays vit déjà sous un régime de sanctions sous une forme ou sous une autre depuis 40 ans et s’en porte plutôt bien malgré lui.

Et puis il y a des gagnants. Avec toute l’incertitude géopolitique que cela entraîne, les prix du pétrole remontent. Grâce à la hausse des prix du pétrole, l’industrie de la fracturation hydraulique aux États-Unis aura enfin la possibilité de commencer à rembourser sa dette massive (ils ont à peine réalisé un centime de bénéfice réel jusqu’à présent). Et, bien sûr, c’est une excellente nouvelle pour Poutine & Co pour la gestion de leur banque centrale [et augmenter les réserves d’or, NdT]. Avec le pétrole fournissant une fois de plus un flux massif de recettes fiscales, le plan ambitieux de Poutine sur six ans visant à améliorer considérablement le niveau de vie de tous les Russes sera facile à financer.
Les détenteurs de la dette américaine dans le monde auront une chance de se dé-dollariser graduellement au lieu de le faire soudainement et de manière catastrophique. De nombreux pays, la Chine en particulier, ont été très actifs dans la négociation de swaps de devises entre eux pour éviter d’utiliser le dollar américain dans le commerce. Ces arrangements les protégeront des malheurs liés au dollar lorsque le système pyramidal de la dette américaine s’effondrera finalement. Les États-Unis eux-mêmes ne seront pas aussi chanceux : lorsque les bons du Trésor des États-Unis vont plonger, la capacité de dépense du gouvernement américain s’évapora.

Et puis les 1,3 trillions de dollars en circulation dans le monde entier (la plupart sous forme de billets de 100 dollars que les Américains voient rarement) reviendront. Les acheteurs étrangers, armés de boisseaux de billets de 100 dollars, fondront sur les États-Unis comme des sauterelles, achèteront tout ce qui n’est pas coulé dans le béton, et tous les actifs négociables. Une fois cette frénésie finale terminée, personne ne saura ou ne se souciera beaucoup de ce qui se passe aux États-Unis, tout comme personne ne savait ou ne se souciait beaucoup de ce qui se passait dans l’ex-URSS dans les années 1990 : « Plus personne n’y va, c’est trop dangereux. »

Vous devriez certainement vous sentir libre de croire Donald Trump quand il dit que sa décision de violer l’accord JCPOA est basée sur le fait que l’Iran essaye de construire une bombe nucléaire. (Un fait ? … Désolé, les faits exigent des preuves, et il n’y en a pas en dépit du régime d’inspection le plus invasif de l’histoire.) Mais les preuves qui existent vont dans une direction différente. Les États-Unis avaient l’habitude de bombarder des pays (Irak, Libye) qui tentaient de quitter le système du dollar. Maintenant, ce pays refuse simplement de leur rendre leur argent et ment sur les raisons. Cela peut fonctionner une ou deux fois, mais finalement le monde dira : « Tu peux garder ton argent pourri ; ferme-la et va-t’en ».

Les cinq stades de l'effondrement

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

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