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Les dirigeants russes et indiens auront toute une série de sujets à discuter lors de leur sommet informel la semaine prochaine à Sotchi, qui se place à un moment charnière de leur relation historique.
Il a été annoncé plus tôt cette semaine que le président Poutine accueillera le Premier ministre indien Modi à Sotchi lundi prochain pour un sommet informel qui se tiendra quelques semaines avant le Sommet des 9-10 juin de l’OCS en Chine et environ deux mois avant les 25-27 juillet et le sommet des BRICS en Afrique du Sud. Les dirigeants de ces deux grandes puissances confirmeront probablement leur coordination de haut niveau dans ces deux événements amicaux auxquels ils ont tous deux l’intention de participer et il est probable que ce sera le résultat « officiel » de leurs pourparlers. Mais en réalité, ils vont discuter de trois autres ensembles de questions interconnectées qui détermineront de manière déterminante l’avenir de leurs relations bilatérales.
Voici ce sur quoi le sommet de Poutine-Modi portera probablement :
Militaire
Le commerce d’armes est l’aspect le plus impactant et mutuellement bénéfique des relations russo-indiennes, mais il est maintenant mis en danger par la menace des sanctions américaines CAATSA qui pourraient compromettre la signature prochaine d’un accord sur des missiles anti-aérien S-400 dans un proche avenir. En plus de cela, les deux leaders discuteront probablement des vraies raisons pour lesquelles l’Inde s’est retirée de son contrat à plusieurs milliards de dollars avec la Russie sur le développement d’un avion de chasse de 5ème génération et si le CAATSA a joué un rôle à cet égard ou pas. Afin de sauvegarder leur partenariat militaire en déclin constant, mais néanmoins déterminant, sous la pression des États-Unis, ces grandes puissances pourraient ouvrir la voie à des mécanismes de contournement afin d’éviter toute conséquence à venir du CAATSA. En fin de compte, l’Inde dépend encore de l’équipement militaire russe (même si ce n’est que pour maintenir l’énorme arsenal qu’elle a acheté au fil des ans) tandis que la Russie voit les achats indiens comme une forme d’allégement des sanctions.
Stratégie
Les stratégies russe et indienne se chevauchent quand il s’agit de l’Iran (plus de détails dans la section suivante) mais divergent fortement en ce qui concerne le Pakistan et les États-Unis. Les jours de l’ère soviétique « Rusi-Hindi Bhai Bhai » (« Russes et Indiens sont frères ») ont depuis longtemps disparu en raison de nombreux facteurs, mais ils ont été symbolisés le plus fortement par la politique déclarée de New Delhi de « multi-alignement » dans son approche des autres puissances à son avantage ultime, y compris les États-Unis à travers un partenariat militaro-stratégique de 100 ans. Parallèlement à cela, la Russie a adopté sa propre politique, que l’on peut qualifier de « Rusi-pakistanis Yaar Yaar » (« Russes et Pakistanais sont des copains »), pour un rapprochement rapide avec le Pakistan qui change la donne, basé sur des intérêts de sécurité partagés émanant de l’Afghanistan, mais qui a depuis grandit pour prendre des proportions eurasiennes spécialement dans le cadre du « Cercle d’or ». La Russie et l’Inde n’aiment pas ces « nouveaux amis respectifs » et auront probablement des conversations très franches sur ces relations « fraternelles » avec leurs principaux rivaux.
Économie
Les intérêts stratégiques partagés de la Russie et de l’Inde en Iran se manifestent par le corridor de transport Nord-Sud (NSTC) et la branche régionale que New Delhi espère construire à travers la République islamique appartenant à la « sphère d’influence » de Moscou en Asie centrale. Il n’y aura probablement pas de désaccord sur ces deux projets, même en ce qui concerne ce dernier, car la Russie pourrait essayer de « rééquilibrer » la Chine en Asie centrale avec l’Inde. Sur le sujet de la multi-gestion des Grandes Puissances Eurasiennes, la Russie pourrait commencer sérieusement à explorer la possibilité de participer au « corridor de croissance Asie-Afrique » indo-japonais (AAGC) en proposant à New Delhi un accord lui permettant de s’impliquer davantage en Extrême-Orient et dans l’Arctique, en échange de l’ouverture d’opportunités de marchés pour Moscou et des « sphères d’influence » envisagées par Tokyo en Afrique de l’Est et en Asie du Sud-Est.
Le résultat le plus probable du sommet Poutine-Modi de la semaine prochaine est que les deux grandes puissances redéfiniront avec succès leur relation historique dans le contexte actuel de la nouvelle guerre froide et du partenariat militaro-stratégique de l’Inde avec les États-Unis et de celui de la Russie avec les Pakistanais, les nouveaux amis, clarifiant leurs positions et intentions de travailler avec le rival de l’autre mais acceptant finalement de ne pas être d’accord, tout en rationalisant un mécanisme de contournement pour maintenir les liens militaires malgré le CAATSA et en explorant les possibilités d’élargir la coopération économique le long du NSTC et de l’AAGC.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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