Article original de Andrew Korybko, publié le 11 mai 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
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La participation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à la fête de la victoire comme invité d’honneur de Vladimir Poutine, la longue rencontre d’une journée et l’attentat à la bombe contre les positions iraniennes en Syrie plus tard dans la même nuit ont changé la vision de la communauté des médias alternatifs sur les relations russo-israéliennes.
Jusqu’au Jour de la Victoire 2018 à Moscou, la communauté des médias alternatifs était encore soumise à un lavage de cerveau autour du fait que la Russie était « contre » Israël malgré des années de preuves contraires, y compris plusieurs citations du président Poutine à ce sujet sur le site officiel du Kremlin. Tout cela a changé au début de la semaine lorsque le président Poutine a invité le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à assister à la célébration comme l’un de ses deux invités d’honneur, l’autre étant le président serbe Aleksandar Vucic. Ce ne devrait pas être une surprise que cela soit arrivé parce que, après tout, la Russie et Israël sont des alliés, comme je l’ai expliqué en septembre 2017.
L’essentiel de cette affirmation se résume aux liens ethnico-religieux qui unissent les deux parties et jettent les bases d’un partenariat global, que la Russie a habilement cherché à utiliser comme élément fondamental de sa stratégie d’« équilibrage ». Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique ? La Russie, dont le mandat militaire en Syrie est strictement de combattre le terrorisme et n’est pas de protéger l’Armée arabe syrienne, permet passivement à Israël de bombarder ce qu’il prétend être des positions iraniennes en République arabe syrienne parce qu’il croit que le « retrait progressif » du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGR) de Téhéran et de leurs alliés du Hezbollah après la défaite de Daech est un « compromis nécessaire » pour « assurer la paix régionale ».
Cette observation « politiquement incorrecte » ne doit pas être considérée comme l’approbation personnelle de l’auteur de cette politique, mais simplement comme un reflet de la réalité telle qu’elle existe objectivement. De plus, au cas où les dizaines de frappes israéliennes qui se sont déroulées sans intervention russe depuis le début de l’opération antiterroriste de Moscou en septembre 2015 n’étaient pas suffisantes pour convaincre le lecteur que les deux parties coordonnent leurs activités, l’ambassadeur de Russie en Israël l’a ouvertement reconnu lui-même lorsqu’il a déclaré le mois dernier : « Nous nous coordonnons et nous nous mettons mutuellement à jour au sujet de la Syrie (…) Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’incident entre nous, ni même d’allusion d’incident, et j’espère qu’il n’y en aura pas. »
Tout cela crée une toile de fond pour les 24 heures du 8 au 9 mai 2018.
Israël a lancé une autre attaque surprise contre la Syrie dans la nuit du 8 mai, une heure à peine après que Trump a retiré les États-Unis de l’accord nucléaire iranien, tuant apparemment plusieurs Iraniens dans le processus. Ce raid audacieux a été rendu d’autant plus sensible qu’il s’est produit quelques heures avant l’arrivée de Netanyahou à Moscou, l’un des deux invités d’honneur du président Poutine pour fêter les événements du Jour de la Victoire. Alors qu’il se trouvait dans la capitale russe, le Premier ministre israélien a eu l’honneur de se tenir à deux sièges de son hôte et a été vu bavardant aimablement avec lui durant tout le séjour.
Après avoir regardé le défilé, les deux dirigeants ont marché vers le jardin d’Alexandre pour rendre hommage au tombeau du soldat inconnu, pendant lequel Netanyahou a fièrement dressé le portrait d’un ancien combattant juif de la Seconde Guerre mondiale. Puis il a participé au défilé du Régiment immortel russe, une tradition relativement nouvelle qui est déjà considérée comme presque sacrée et dans laquelle les Russes marchent dans les rues portant des photos des membres de leur famille qui ont servi et se sont sacrifiés pendant la guerre. Pendant tout ce temps, Netanyahou portait fièrement le ruban de Saint George pour commémorer les plus de 26 millions de citoyens soviétiques qui sont morts dans la guerre contre le fascisme.
De toute évidence, les bombardements israéliens sur la Syrie la nuit précédente n’ont eu aucun impact sur la façon chaleureuse dont le président Poutine a traité son invité d’honneur ni sur l’engagement de Netanyahou à observer les événements du Jour de la Victoire.
Lors de la conférence de presse Poutine-Netanyahou, ce dernier a révélé que l’ancien combattant qui se trouvait entre lui et le président Poutine était l’un des hommes qui a libéré Auschwitz, ce qui n’était évidemment pas une coïncidence et faisait clairement partie de la planification méticuleuse du Kremlin de cet événement. Cette observation a servi de préambule au Premier ministre israélien pour comparer l’Iran à l’Allemagne nazie et laisser entendre que ces derniers préparaient un « deuxième holocauste », justifiant le besoin de le « contenir » en Syrie. On ne peut que spéculer sur ce que les deux hommes se sont dits à huis clos avant cela, mais Netanyahou a dit avant son voyage qu’il s’agirait précisément de l’Iran et de la Syrie.
Quelques heures après le départ de Netanyahou de Moscou et dans les 24 heures qui ont suivi le dernier bombardement israélien de la Syrie, un autre s’est produit, bien que cette fois-ci apparemment plus large que le précédent.
À ce stade, il n’y a plus aucune raison pour les médias alternatifs de le nier, la Russie et Israël sont en effet alliés, et ce qui s’est passé dans ces 24 heures du 8 et 9 mai était une démonstration de « diplomatie militaire » chorégraphiée avec en point d’orgue le « show syrien ». Parfois, les événements sont aussi simples qu’ils en ont l’air, ce qui signifie − que l’on y soit favorable, opposé ou indifférent − que la Russie et Israël ont coordonné les derniers mouvements de Tel Aviv en Syrie au plus haut niveau de leurs dirigeants et que ce qui s’est passé après le départ de Netanyahou de Moscou était apparemment avalisé par le président Poutine.
Les théories réelles de conspiration d’une explication autour d’une stratégie sophistiquée ou le slogan superficiel de « garder vos ennemis » que les démagogues des médias alternatifs continuent à utiliser pour maintenir leur campagne militarisée de désinformation que la Russie est en quelque sorte « contre » Israël, est en train de perdre de son lustre car il devient de plus en plus impossible de continuer à réprimer les faits sur la vraie relation entre les deux pays. Le président Poutine a invité Netanyahou à Moscou pour célébrer le Jour de la Victoire comme l’un de ses deux invités d’honneur afin de montrer au monde qu’Israël est un allié de la Russie tout autant que la Serbie, dont le président a également été personnellement invité.
Un point décisif pourrait donc avoir été atteint après que le Jour de la Victoire 2018 ait dégrisé l’esprit de beaucoup dans la Communauté des médias alternatifs et leur ait révélé que le dogme vendu par certaines sources et personnalités pendant des années à propos de la Russie et Israël est un mensonge complet.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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