lundi 25 mars 2019

Ides et marées

Article original de James Howard Kunstler, publié le 11 Mars 2019 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


Ides de Mars

Tout comme on s’attend à ce que les présidents agissent en tant que présidents, on s’attend à ce que les présidents de la Réserve fédérale agissent en tant qu’êtres presque surnaturels qui émergent de temps en temps d’une caverne de secrets mathématiques pour offrir des énoncés énigmatiques rassurants sur les mystères de l’économie. Et Jérôme Powell n’a pas dérogé à la règle dimanche soir lors de l’émission 60 Minutes de CBS, comme un totem Indien à une foire aux antiquités, si bien sculpté et orné de couleurs vives qu’on pourrait presque l’imaginer en train de dire quelque chose.




C’était peut-être une hallucination, mais je l’ai entendu dire que « l’économie est bien placée » et que « les perspectives sont favorables ». J’en prends bonne note. Tirez le camion jusqu’au quai de chargement et remplissez-le d’actions Tesla ! J’ai aussi cru entendre : « L’inflation est contenue. » C’était sans doute ça qui a dû faire rire, puisqu’il n’y a presque plus un seul article au supermarché qui vaut moins de cinq dollars de nos jours. Mais vraiment, quand avez-vous vu pour la dernière fois un totem Indien chez Trader Joes ? Il a fallu dix-sept doctorats en mathématiques de la Réserve fédérale pour arriver à cette trouvaille, l’inflation est contenue.

Ce que vous devriez vraiment aimer, c’est l’explication de M. Powell pour le nombre record de propriétaires de voitures en défaut de paiement de leurs mensualités : « …tout le monde ne partage pas cette prospérité généralisée que nous avons. », tut ! tut! Bruit de klaxon gémissant. Ce qu’il voulait dire, c’est que les hedge-funders, les arnaqueurs de private equity et le personnel de la classe dirigeante s’en sortent très bien alors que le dépouillement des actifs des « Flyover America » [Américain moyen dans les États du centre, NdT] se poursuit, et que vous, misérables, morbidement obèses et gorilles tatoués devriez y avoir songé deux fois avant de quitter le collège communautaire pour aller conduire un chariot élévateur dans dépôt de surgelés Sysco (où, en passant, vous êtes probablement en train de voler la moitié de l’inventaire de poulets prêts à cuire), alors que les vautours tournent dans les cieux guettant les cadavres.

L’interlocuteur Scott Pelley a interrogé l’oracle sur « ces 500 000 personnes qui ont abandonné la recherche d’un emploi ». Il a sorti ce numéro de son caleçon ? Le nombre total de personnes qui ne font pas partie de la population active est plutôt de 95 millions, et si l’on soustrait les retraités, les personnes encore en études et les personnes handicapées, ce chiffre se situe plutôt à 7,5 millions. Il y a eu quelques bavardages sur l’« épidémie d’opioïdes », dont le résultat a été : « apprend à coder, jeune homme ». Personnellement, j’ai été à peu près aussi impressionné qu’il y a dix ans lorsque l’ancien oracle Ben Bernanke a expliqué avec assurance au congrès que les perturbations dans le royaume des prêts subprimes étaient « contenues ».

David Leonhardt, du New York Times, dans sa chronique du lundi sur l’état de l’économie, a fait une véritable « gaffe » :
Les Américains épargnent plus et dépensent moins, en partie parce que les riches absorbent maintenant une grande partie des revenus de l’économie – et les riches ne dépensent pas une part aussi importante de leurs revenus que les pauvres et la classe moyenne.
Suggestion à M. Leonhardt : Apprenez à coder.

Voici ce qui se passe avec cette bête connue sous le nom de Économie : Le globalisme est en train de s’effondrer alors qu’une décennie de machinations des banques centrales atteint ses limites de tromperie, laissant les principales nations commerçantes avec à peine plus que des désavantages comparatifs. L’Europe se dissout dans le chaos politique. Le Japon se cannibalise en vue de son retour au shogunat Tokugawa. La Chine gémit avec des usines qui produisent trop de choses ; l’Amérique gémit avec tellement de ces choses qu’elle se transforme en vaste marché aux puces. À l’arrière-plan de tout cela se trouvent les flux problématiques de pétrole sur les pétroliers à travers des points d’étranglement dangereux comme le détroit de Malacca et le détroit d’Ormuz, avec un horizon imminent sur l’approvisionnement alors que la production américaine de pétrole de schiste s’étrangle mortellement au cou d’une dette impayable.

Il a été plus facile de maintenir le prétexte de la stabilité économique, alors que toutes les perversités de la finance et de la banque se manifestent dans les fiascos actuels du gouvernement. Mais la marée est sûrement en train de descendre et, comme un autre ersatz d’oracle, Warren Buffett, l’a un jour observé à propos de telles situations : très vite, on peut voir qui nage tout nu. Dans le lagon américain, vous verrez bientôt l’horrible spectacle de la baleine échouée, connue sous le nom de Président Trump, flottant impuissante autour des vasières, émettant de faibles geysers par son évent. Ironiquement, il va tomber et pousser son dernier soupir en même temps que ses antagonistes seront frappés par une marée rouge d’actes d’accusation, dont peut-être même le capitaine Achab de la Résistance : Robert Mueller. Les Ides de Mars sont à nos portes.


Too much magic : L'Amérique désenchantée 

James Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

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