Article original de Dmitry Orlov, publié le 3 janvier 2019 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
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Bien que de nombreux commentateurs jugent bon de publier leurs prévisions pour l’année à venir, je trouve qu’une seule année est trop courte pour pouvoir faire des prévisions valables. Pour moi, plus ou moins cinq ans, c’est à peu près la bonne taille de marges d’erreur à placer sur n’importe quelle prévision en ce qui concerne le calendrier, ce qui permet de prévoir tout changement majeur à l’intérieur d’une séquence d’une vingtaine d’années. Il se trouve qu’une autre décennie s’est écoulée depuis que j’ai publié ma dernière série de prévisions pour les États-Unis dans les années 2010, il est donc temps d’en établir une nouvelle, pour les années 2020.
Ma dernière série de prévisions s’est révélée modérément bonne. Bien que dans certains cas, le processus n’ait pas encore abouti, les tendances sont toutes évidentes et il faut s’attendre à ce que les processus que j’ai décrit se poursuivent et, dans certains cas, s’achèvent au cours de la nouvelle décennie. Mais cette fois-ci, je vais tenter de faire des prédictions plus précises.
En ce qui concerne l’économie, quelque chose va forcément se briser, peut-être dès le début de la décennie, et être la tendance lourde pour la suite. Il y a un écart croissant entre l’économie financière, qui fonctionne selon des règles que les gens peuvent établir, et ils le font au fur et à mesure de leurs besoins, et l’économie physique de l’exploitation minière, de la fabrication et de la logistique. Il n’y a aucune raison de faire particulièrement confiance aux statistiques officielles en ce qui concerne la croissance économique, le chômage, l’inflation, les évaluations boursières : ce sont toutes des contrefaçons astucieuses. Une bourse ou un marché immobilier suffisamment effervescent peut être maintenu par des injections de fausse monnaie en quantité nécessaires, distribuées à des initiés importants. Mais si l’on considère la quantité de marchandises fabriquées et expédiées, la quantité de nouvelles infrastructures publiques construites et d’autres facteurs physiques de ce type, on peut déjà observer une détérioration constante de l’économie.
Alors que les gars de la finance et les économistes, qui traitent de quantités sans dimension identifiée si ce n’est par des symboles mystiques quasi-religieux tels que $, €, ¥ et £, travaillent inlassablement pour maintenir la fausse façade Potemkine d’une économie florissante, une telle suspension théâtrale d’incrédulité n’est plus possible si on considère les tonnes, les mètres cubes ou les kilowattheures. Une bande d’escrocs financiers impitoyables s’associant à des économistes au chapeau pointu passent leurs journées à raisonner de manière circulaire sur la détermination du prix, tout en confondant résolument la création d’argent avec la création de richesse. Pendant ce temps, une économie physique en déclin, obscurcie par une dette galopante, reste sur une trajectoire de collision avec la réalité ; une fois la collision survenue, le résultat sera similaire à ce qui s’est passé lors de l’effondrement financier de 2007-2008, sauf que les manipulations financières désespérées qui avaient alors été utilisées pour l’arrêter ne fonctionneront plus du tout et l’économie physique, qui languit déjà, s’arrêtera.
Un canari particulier dans la mine de charbon est probablement l’industrie de la fracturation du pétrole de schiste. Elle n’a jamais vraiment rapporté d’argent, mais elle a permis aux États-Unis de se remettre des ravages du pic pétrolier. Et maintenant, la production des puits fracturés atteint son maximum, les taux d’épuisement augmentent, les compagnies de fracturation font faillite et les puits nouvellement forés sont moins huileux et plus gazeux, le gaz n’étant pas particulièrement de qualité ou valorisable. À un moment donné au cours de cette décennie, les États-Unis seront de nouveau obligés de compter sur l’importation de la majeure partie de leur pétrole et de leur gaz. En attendant, toute tentative de Green New Deal pour décarboner l’économie américaine se traduira par une structure de coûts pour l’électricité et le transport qui rendra pratiquement tout type de production industrielle non concurrentielle, comme cela s’est déjà produit partout où cela a été tenté, y compris au Royaume-Uni et en Allemagne.
Un autre canari pourrait s’avérer être le marché de la dette du Trésor américain. Alors que les États-Unis ont expédié leur industrie à l’étranger et ont remplacé la production industrielle par une économie de services avec des avocats, des médecins et des dentistes hors de prix, beaucoup d’escrocs dans l’immobilier, les finances, la planification de la retraite, l’assurance et l’éducation, et beaucoup de barmans, de toiletteurs pour chiens et de professeurs de yoga sous-payés, une règle non écrite était que les partenaires commerciaux, qui fabriquent maintenant tout ce que les États-Unis doivent importer, devaient investir leur excédent commercial dans la dette du Trésor américain, permettant aux États-Unis de continuer à obtenir ces choses pour rien. Mais ces derniers temps, la Chine, la Russie et d’autres pays ont commencé à liquider leurs réserves de dette américaine et à utiliser leurs excédents commerciaux toujours croissants pour stimuler leurs industries d’exportation et pour fournir des crédits d’importation à leurs nouveaux partenaires plus solvables parmi les pays en développement. Cette évolution pousse la Réserve fédérale à se diriger vers une monétisation directe de la dette, ce qui est en quelque sorte illégal pour elle, mais elle peut facilement contourner cette restriction en mentant à ce sujet. La monétisation directe de la dette a une tendance prononcée à entraîner une hyperinflation, ce qui est particulièrement vrai dans un pays comme les États-Unis, qui affiche des déficits budgétaires et commerciaux incroyablement élevés. Ce canari particulier a subi un arrêt coronarien lors de la crise du REPO de septembre 2019, et la Réserve fédérale maintient ce marché en vie depuis.
En ce qui concerne les questions militaires, il semble sûr de déclarer que d’ici la fin des années 2020, l’empire américain sera définitivement derrière nous. Il est déjà établi que les États-Unis ne peuvent même plus menacer une longue liste de pays, en particulier ceux qui sont armés des nouveaux systèmes de défense aérienne russes qui peuvent établir des zones d’exclusion aérienne pour les avions américains, alors que l’armée américaine ne peut plus du tout fonctionner si on lui refuse la supériorité aérienne. En outre, toute la flotte de porte-avions américains est déjà obsolète et inutile, car les derniers missiles russes peuvent les couler de manière fiable sur des distances plus grandes que celles que peuvent atteindre les armements ou les avions que ces porte-avions transportent.
Ajoutez à cela le fait que les derniers missiles russes, qui peuvent atteindre Mach 20 et qui ne peuvent être interceptés par aucun système de défense antimissile actuel ou prévu, permettent d’éliminer des cibles sur le continent américain, y compris le Pentagone lui-même, si jamais les États-Unis attaquaient la Russie. Les États-Unis disposent toujours de la dissuasion nucléaire, ainsi que de la capacité de causer des méfaits mineurs en armant et en entraînant des groupes terroristes dans le monde entier, mais ils sont si terriblement en retard sur la Russie en matière de développement d’armes, retard qu’ils ne rattraperont probablement jamais malgré le fait qu’ils dépensent constamment plus que la Russie en matière de défense, selon un ratio de 1 à 10.
La position de la Russie à l’égard de l’entraînement, des rodomontades et des provocations des troupes de l’OTAN aux frontières russes a été largement méprisante. La Russie s’est largement réarmée avec de nouvelles armes basées sur de nouveaux principes physiques connus seulement de ses scientifiques, ingénieurs et concepteurs et elle réduit maintenant son budget de défense tout en gagnant des milliards de dollars provenant de l’augmentation des ventes d’armes dans le monde. Les États-Unis ne peuvent pas rattraper leur retard, non pas par manque d’argent (tant que l’imprimante à dollar continue de tourner), mais par manque de cerveaux.
Lorsque l’impuissance de l’armée américaine deviendra évidente, l’alliance de l’OTAN se désagrégera. D’abord avec la Turquie, qui est le deuxième plus grand pays membre de l’OTAN, mais un membre qui ne tient que par un fil car elle est beaucoup plus intéressée à coopérer avec la Russie et l’Iran sur les questions de défense qu’avec les États-Unis. Malgré cela, le complexe militaro-industriel américain continuera son existence de zombie jusqu’à ce que l’argent se tarisse, moment auquel ma prédiction initiale selon laquelle les troupes américaines resteront bloquées dans une multitude d’endroits à l’étranger, sans ressources disponibles pour les rapatrier, se réalisera.
En attendant, l’armée américaine fera ce qu’elle peut pour justifier son existence en organisant périodiquement des provocations contre des adversaires aussi petits mais invincibles que l’Iran et la Corée du Nord tout en se mêlant de la politique des nations plus faibles et moins stables qui se trouvent avoir des ressources que l’industrie américaine veut » libérer « (que ce soit le pétrole vénézuélien ou le lithium bolivien pour les voitures électriques). Elle sera toujours à deux doigts de déclencher une confrontation militaire totale, mais refusera de s’engager dans une telle confrontation pour trois excellentes raisons.
Premièrement, compte tenu de toutes ses expériences récentes en Irak, en Afghanistan et au-delà, elle sait qu’elle ne peut pas gagner. Deuxièmement, elle sait qu’elle ne peut même plus se battre pendant longtemps parce que la base industrielle nécessaire au réapprovisionnement des troupes sur le terrain n’existe plus. Troisièmement, elle sait qu’elle ne peut plus protéger le continent américain ; il suffirait de quelques attaques à la roquette pour détruire les grands transformateurs des lignes électriques qui assurent le maintien du réseau électrique et les stations de pompage des oléoducs et des gazoducs qui assurent le reste de l’infrastructure énergétique, et toute son économie s’arrêterait tout simplement.
Dans l’ensemble, je suis optimiste qu’une guerre à grande échelle sera évitée, par le simple fait que les guerres sont menées pour être gagnées, et non pour être perdues. S’il est immédiatement évident qu’une action militaire à grande échelle entraînera de manière fiable une défaite complète et totale, l’humiliation et la ruine, alors il devient suicidaire d’ordonner cette action. Les échelons supérieurs de la chaîne de commandement militaire ne sont pas dotés de personnel de type suicidaire ; ils n’ont pas passé la moitié de leur vie à travailler pour obtenir une promotion en faisant de la lèche pour ensuite se retourner et se suicider. Bien sûr, ils vont assassiner des gens et provoquer des catastrophes humanitaires chaque fois qu’ils auront l’impression de pouvoir s’en tirer. Mais si les risques qu’ils courent pour eux-mêmes sont suffisamment faibles pour les assurer que leur propre existence physique continue, ils éviteront les stratégies qui entraînent des pertes majeures du côté américain, de peur de mettre leurs précieux testicules dans un étau politique.
En ce qui concerne la politique, les États-Unis ont déjà cessé de fonctionner. L’élite dirigeante s’est divisée en deux camps belligérants qui se traitent maintenant l’un l’autre avec la même méchanceté, la même malice et le même dédain qu’ils réservaient auparavant aux étrangers. Cette évolution est inévitable : face à leur propre échec total, les élites ont été forcées de chercher un bouc émissaire – tout le monde sauf leurs bien-aimés eux-mêmes – et se sont trouvées… les unes les autres, bien sûr !
Alors que les camps en guerre de l’élite dirigeante s’entre-déchirent, diverses failles consacrées dans le système de gouvernance américain vont apparaître au premier plan et contrecarrer tous les efforts visant à apporter des changements positifs. La plupart des problèmes proviennent d’un document particulièrement obsolète et défectueux : la constitution américaine. Elle permet à un président d’être élu sans obtenir la majorité aux élections. Elle permet également au parti de ce président de contrôler la chambre haute du parlement tout en ignorant complètement les intérêts des états les plus peuplés au profit de l’arrière-pays sous-peuplé.
Enfin, elle permet à ce président d’empiler ses amis dans l’appareil judiciaire, qui peut alors rejeter toute législation sur la base de ses réinterprétations créatives de n’importe quel texte de loi, y compris cette même constitution défectueuse et obsolète. Et une partie particulièrement insidieuse de la loi tribale anglaise connue sous le nom de « précédent« signifie qu’une loi, une fois enfreinte par un juge (c’est-à-dire réinterprétée) reste enfreinte. Par exemple, certains juges ont décidé que le 2ème amendement permet aux gens d’avoir des armes à feu en leur possession même s’ils ne font pas partie d’une milice d’État, réglant ainsi la question à perpétuité. Ce principe, associé aux graves lacunes de la Constitution et du système dans son ensemble, entraîne une tendance à s’adresser aux tribunaux pour régler tous les litiges, qu’il s’agisse d’une élection présidentielle indécise ou la question de savoir si l’on peut être autorisé à épouser son Saint-Bernard. Le résultat est un gigantesque nœud gordien juridique, tissé à partir d’une myriade de petits cafouillages juridiques.
Cet arrangement constitutionnel imparfait a peut-être fonctionné auparavant, lorsque le pays était plus uni, qu’il avait davantage le sentiment d’avoir un but et un destin communs et qu’il avait une chance d’obtenir des résultats positifs pour une grande partie de ses citoyens. Mais maintenant qu’aucun de ces ingrédients sains n’est disponible, il permet un dysfonctionnement politique maximal à tous les niveaux de gouvernement. Néanmoins, une grande partie de la population des États-Unis estime toujours qu’elle peut agir en votant, restant imperméable aux arguments très simples et logiques selon lesquels les États-Unis ne sont pas du tout une démocratie et que peu importe qui est président. Même si ces mots tomberont très probablement dans l’oreille d’un sourd, il convient de répéter que le pays finira dans la même merde, quel que soit le nom du responsable.
Bien que l’effondrement des États-Unis ne soit pas encore terminé, je pense qu’il est déjà temps de donner aux États-Unis d’Amérique un nom plus approprié. Après tout, ce ne sont pas les seuls États-Unis du continent américain : il y a aussi Estados Unidos Mexicanos. Ce squattage honteux et égoïste doit cesser un jour ou l’autre. Je propose donc de rebaptiser les États-Unis – peut-être pas immédiatement, mais peut-être dans une décennie, peut-être deux. Comme nouveau nom, j’aimerais suggérer quelque chose comme la République de Deteriorado, Degenerado ou Disintegrado. Il est probable que sa langue nationale devienne le spanglish [Spanish English, NdT]. Son emblème national semble déjà être le majeur tendu.
Quant à son drapeau, nous pouvons simplement observer ici quel drapeau est considéré comme suffisamment sacré et inviolable pour entraîner une peine de prison pour quiconque ose le brûler en public. Et il s’avère que c’est le drapeau arc-en-ciel LGBTQ.
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Note du traducteur
En cadeau de nouvelle année, voici les prévisions 2010. C'est un art difficile.
Article original de Dmitry Orlov, publié le 12 décembre 2009 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
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Par Dmitry Orlov – Le 12 décembre 2009 – Source Club Orlov
Prévisions pour les années 2010
À cette époque de l’année, certaines âmes courageuses s’aventurent à mettre leur réputation en danger en essayant de prédire ce que la prochaine année apportera. Certains le font avec une précision étonnante, d’autres pas tellement. Étant un auteur sérieux qui ne fait presque jamais de blagues, je ne m’occupe généralement pas de cette frivolité annuelle, mais, constatant qu’une nouvelle décennie est sur le point d’advenir, j’ai pensé qu’il était raisonnablement sûr de brosser un tableau de la façon dont je vois la prochaine décennie. (Dans le cas peu probable où mes prédictions s’avéreraient complètement fausses, je pense qu’elles auront été complètement oubliées d’ici à ce que 2020 arrive). Et donc, sans plus attendre, voici mes prédictions sur ce que sera la situation aux États-Unis d’Amérique au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle.
La décennie sera marquée par de nombreux cas d’autophagie, dans les affaires, le gouvernement et les échelons supérieurs de la société, car les acteurs à tous les niveaux se trouvent incapables de contrôler leurs appétits ou de modifier leur comportement de manière significative, même face à des circonstances radicalement modifiées, et sont donc contraints de se consumer eux-même dans l’oubli, comme tant de requins éventrés mais toujours affamés qui se gavent sans fin sur leurs propres entrailles.
Les gouvernements constateront qu’ils sont incapables de s’empêcher d’imprimer toujours plus d’argent dans une vague sans fin d’émissions incontrôlées. En même temps, la hausse des taxes, des prix des produits de base et des coûts de toutes sortes, associée à un niveau global croissant d’incertitude et de perturbations, réduira l’activité économique à un point tel qu’il ne restera plus qu’une petite partie de cet argent en circulation. Les inflationnistes et les déflationnistes débattront sans fin pour savoir s’il faut parler d’inflation ou de déflation, imitant inconsciemment les big-endians et les little-endians des Voyages de Gulliver de Jonathan Swifts, qui débattaient sans fin de la méthode appropriée pour manger un œuf à la coque. Les citoyens, dont le pécule est réduit à la taille d’un petit pois séché, ne seront pas particulièrement vexés par la question de savoir exactement comment ils devraient essayer de le manger, et considéreront la question comme académique, sinon idiote.
Les municipalités en détresse de tout le pays se mettront à imposer des frais exorbitants pour des choses comme les permis pour avoir un chien. Beaucoup vont faire l’expérience de voir emprisonner ceux qui ne peuvent pas payer ces frais dans les prisons d’État et de comté, pour ensuite les libérer, car les prisons débordent continuellement et les ressources sont limitées. Les citoyens en viendront à considérer les prisons comme une combinaison pratique des caractéristiques d’une soupe populaire et d’un refuge pour sans-abri. Certaines villes abandonneront l’idée d’avoir un service d’incendie et décideront qu’il est plus rentable de laisser les incendies de maisons suivre leur cours, pour économiser sur les démolitions. Dans le but de boucher des trous de plus en plus grands dans leur budget, les États augmenteront les impôts, poussant ainsi toujours plus d’activité économique vers la clandestinité. En particulier, les recettes des États provenant de la taxe sur l’alcool vont chuter pour la première fois depuis de nombreuses décennies, car de plus en plus d’Américains constatent qu’ils ne peuvent plus se payer de bière et se tournent vers l’héroïne afghane, bon marché et abondante, et vers d’autres drogues illégales mais très abordables. La fumée de marijuana sera la plus répandue aux États-Unis, devant les gaz d’échappement des voitures comme odeur prévalente.
Plusieurs pays dans le monde seront obligés de se déclarer en défaut souverain et rejoindre ainsi les rangs grossissants des nations en faillite. Il y aura beaucoup de mouvement pour trouver des refuges pour l’argent facile, mais aucun ne sera trouvé. Les investisseurs du monde entier seront enfin forcés de se rendre compte que la meilleure façon d’éviter les pertes est de ne pas avoir d’argent au départ. Malgré tous leurs efforts pour diversifier leurs avoirs, les investisseurs se rendront compte qu’ils n’ont que des bouts de papiers, qu’il s’agisse d’actions, d’obligations, d’actes, de billets à ordre ou de contrats dérivés incompréhensibles. Ils découvriront aussi que, dans le nouveau climat des affaires, aucun de ces instruments ne constitue une arme particulièrement redoutable : alors que le jeu amical pierre-feuille-papier-ciseaux devient hostile, ils découvriront que les pierres se plantent dans les crânes, que les ciseaux percent les organes vitaux, mais que le papier, même lorsqu’il est manié de façon experte, ne fait que provoquer des coupures de papier. Les personnes autrefois bien nanties qui ont tendance à croire que « la possession est les neuf dixièmes de la loi » trouveront de nombreux exorcistes extrajudiciaires désireux de libérer leurs démons. En particulier, les réseaux du crime organisé commenceront à utiliser des logiciels d’exploration de données pour repérer les cabanes et les complexes légèrement gardés du Montana et d’autres endroits éloignés qui sont bien approvisionnés en aliments en conserve, en armes et en lingots d’or et d’argent, et commenceront à les récolter en adoucissant la cible avec des mortiers, des roquettes et des bombardements aériens, puis en envoyant des équipes de commandos avec des grenades et des mitrailleuses. Une fois la récolte terminée, ils en sortiront le produit du pays en utilisant les valises diplomatiques des nations en faillites qui sont sous leur emprise.
Pendant que les lingots seront expatriés, le Pentagone tentera de rapatrier les troupes d’Irak, d’Afghanistan et des nombreuses bases militaires américaines dans le monde, constatant bientôt qu’elles n’en ont pas les moyens, laissant les troupes échouées où qu’elles soient et les forçant à se réapprovisionner par elles-même. Les familles des militaires seront invitées à faire don de nourriture, d’uniformes, de sous-vêtements propres et d’articles de toilette pour leurs proches à l’étranger. L’armement américain inondera le marché noir, faisant baisser les prix. Certains militaires décideront que le retour aux États-Unis est de toute façon une mauvaise idée et deviendront autochtones, épouseront des femmes locales et adopteront les religions, les coutumes et les vêtements locaux. Bien que les dirigeants nationaux continueront à jacasser sur la sécurité nationale chaque fois qu’un microphone sera pointé sur eux, leur propre sécurité personnelle deviendra leur préoccupation principale. Les responsables à tous les niveaux tenteront de réunir des groupes de plus en plus nombreux de gardes du corps et de consultants en sécurité. Les membres du Congrès deviendront de plus en plus réticents et éviteront autant que possible de rencontrer leurs électeurs, préférant se cacher dans les grattes-ciel, les enceintes closes et les communautés fermées de Washington DC. Pendant ce temps, en dehors du périmètre de sécurité officiel, un nouveau voisinage va s’installer, les squats devenant ce que l’on appelle une « pré-installation », les intrusions « ouvrir un nouveau chemin », et les clôtures, les murs et les serrures étant partout remplacés par des yeux attentifs, des oreilles attentives et des mains secourables.
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
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