Article original de Andrew Korybko, publié le 1er septembre 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Personne ne dit que cela ne devrait pas se produire, mais
tout simplement, si jamais cela se faisait, ne vous attendez pas à ce
que ce soit fait avec des intentions pures.
Il y a eu récemment des spéculations selon lesquelles l’UE
pourrait supprimer certaines des sanctions anti-syriennes promulguées au
cours des six dernières années, ce qui constituerait une bonne
initiative pour les millions de personnes qui souffrent du manque de
médicaments et d’autres nécessités humanitaires. L’aide russe, iranienne
et autre a été essentielle pour maintenir la population en vie pendant
ce temps, tout comme les efforts héroïques de Damas pour faire de son
mieux pour subvenir aux besoins de sa population dans des circonstances
aussi difficiles.
Néanmoins, les sanctions anti-syriennes de l’Ouest ont toujours laissé
un impact indélébile sur la société, et ce serait un mouvement bienvenu
et attendu si elles devaient être abrogées, ce qui pourrait se produire
maintenant, au moment où il est évident pour tous que le Président Assad
ne sera pas renversé par les « rebelles modérés ». Les gains
impressionnants de l’armée arabe syrienne (SAA) depuis le début de
l’intervention antiterroriste de la Russie au cours des deux dernières
années, ainsi que les victoires rapides qui se sont produites tout au
long de cet été, ont conduit les observateurs à conclure que Daesh est
au bord de la défaite et qu’une « solution politique » négociée par Moscou pourrait enfin être à l’horizon.
C’est en relation avec les dernières prévisions de fin de la guerre, qui devient une perspective réaliste, que l’UE ressent l’« opportunité pressante »
de lever les sanctions anti-syriennes afin de favoriser ses propres
intérêts. Pour mieux l’expliquer, Bruxelles pourrait tenter de lier ce
mouvement humanitaire de changement de jeu en faisait accepter à Damas
un certain niveau de réinstallation de réfugiés et de migrants et / ou
le lier aussi à l’acceptation de la Syrie des revendications politiques
spécifiques de l’« opposition » liée au projet Russe de « Constitution » ou à d’autres questions pertinentes. Cette tactique d’arrêt des sanctions « lié à des ficelles »
ne fonctionnerait que si la Syrie était suffisamment désespérée pour
s’y plier, ce qui devient moins le cas chaque jour qui passe.
Aussi, cela vaut la peine de se demander si l’UE pourrait
inconditionnellement lever les sanctions contre la Syrie, même si cette
mesure, tout comme l’autre, ne se produira jamais, à moins que les
États-Unis n’en donnent le feu vert. Dans le cas où cela se produirait,
les motifs de Washington seraient d’utiliser cela comme moyen d’aider
les entreprises de l’UE à contrer les transactions concernant la
reconstruction qui sont déjà promises à la Russie, la Chine et l’Iran ou
devraient être obtenues par ces pays. Bien qu’il soit logique pour la
Syrie de récompenser ses alliés pour leur fidélité, l’État
économiquement assiégé pourrait être soumis à la pression des forces de
la « société civile » soutenues par l’Ouest pour équilibrer les contrats.
« L’opposition », sa tendance citoyenne, pourrait tenter d’agiter des troubles en alléguant que ce n’est rien de plus que de la « corruption politique inutile » et que l’argent du peuple serait « mieux utilisé »
dans le cadre d’un processus d’appel d’offres ouvert à l’UE. L’argument
selon lequel cette approche serait fondée par le fait que les
entreprises européennes fournissent parfois des services de meilleure
qualité que leurs homologues pour un coût plus compétitif signifie que
le pays déchiré par la guerre pourrait économiser certains de ses
précieux fonds en donnant des contrats à des entreprises occidentales au
lieu de celles de l’Est. Le point ici n’est pas de discuter des mérites
de cet argument, mais juste d’avertir qu’il pourrait devenir un outil
de propagande militarisé à l’avenir.
Dès que l’UE aura levé ses sanctions unilatérales contre la Syrie,
Damas pourrait inclure théoriquement certaines de ses entreprises dans
ce processus d’appel d’offres éventuel s’il y avait suffisamment de
pression « à la base » pour que cela le fasse, tout en prenant soin de ne le permettre qu’à des nations « semi-amicales »
qui n’ont pas directement contribué à la souffrance de son peuple en y
prenant part, comme les Hongrois et les Suédois, par exemple, au lieu
des Français et des Britanniques. Même si ce scénario ne se déroule pas,
cela ne signifie pas que l’allégement inconditionnel des sanctions
anti-syriennes ne pourrait pas non plus renforcer les intérêts
occidentaux dans le pays sortant d’un conflit.
Par exemple, l’UE pourrait accorder des droits commerciaux préférentiels tacites aux « rebelles modérés » afin qu’ils puissent tenter de monopoliser certaines industries (qu’elles soient dans des « zones de désescalade »
ou au-delà) et les laisser y gagner un avantage sur la concurrence afin
de compenser en partie leurs pertes politiques et territoriales. Il est
peu probable que l’Occident coupe tous ses liens avec les forces par
procuration qu’ils ont soutenu depuis des années déjà, et il en va de
même pour lesdits substituts qui ne voudront pas couper le cordon
ombilical qui les relie à leurs clients, ce qui pourrait devenir une
façon créative pour les États-Unis et leurs alliés de tenter d’établir
une influence asymétrique en Syrie après la guerre.
En fin de compte, qu’il s’agisse de l’arme de guerre hybride assez visible de l’allégement des sanctions « lié à une ficelle »
ou de celle plus clandestine de l’élimination inconditionnelle des
restrictions économiques humanitaires sur la Syrie, on peut s’attendre à
ce que l’Occident ne fasse la « bonne chose » que pour de « mauvaises raisons »,
et la Syrie a le droit d’être sceptique quant aux intentions de l’UE si
une telle démarche devait avoir lieu. Cela n’implique pas que des
millions de citoyens ne pourraient pas en bénéficier, mais seulement que
Damas ferait bien de se méfier de ce qui pourrait se révéler être une
manœuvre rusée conçue pour déstabiliser la Syrie avec le temps.
Andrew Korybko
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