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Un ancien Premier ministre français a dévoilé un plan détaillé et très ambitieux pour former un axe eurafricain dans la nouvelle guerre froide comme un moyen de « rééquilibrage » Est-Ouest, mais ce qu’il réclame vraiment, c’est une politique de migration de remplacement « contrôlée » couplée à des modèles politiques et économiques néo-impériaux raffinés pour faire de la France l’Hégémon africain « manquant ».
Dominique de Villepin, diplomate de carrière et ancien Premier ministre français de 2005 à 2007, a dévoilé un plan détaillé et très ambitieux pour former un axe eurafricain en s’exprimant à l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA) en début de semaine. Sa proposition stratégique mérite d’être examinée en profondeur en raison de l’importance générale qu’elle revêt dans le contexte de la nouvelle guerre froide, en particulier en ce qui concerne ce qu’il dit être ses plus grandes motivations à la suggérer.
Ses remarques liminaires incluaient même l’affirmation provocatrice selon laquelle « il croit que la capacité de l’Amérique et de l’Asie à éviter une confrontation à grande échelle qui pourrait détruire l’ordre mondial dépend d’une solide épine dorsale euro-africaine ». Il a ensuite précisé que « l’Asie » est fondamentalement un euphémisme pour la Russie et la Chine, qui poursuivent un « modèle fondé sur l’autorité, le nationalisme, la planification économique d’État et la défense stricte de la souveraineté des États en matière de politique étrangère ». Il pense que cela justifie le document de stratégie de sécurité nationale des États-Unis (« The Trump Doctrine ») les qualifiant de « Pouvoirs révisionnistes ».

En réalité, l’axe euro-africain n’est vraiment qu’une manifestation longitudinale massive de la stratégie américaine de « diriger dans l’ombre » pour adapter l’unipolarité à la multipolarité à travers la formation de coalitions complexes, bien que dans ce contexte le partenaire français « si spécial » des Américains prenne la tête en pionnier d’une prise de contrôle continentale néo-impériale. L’ancien Premier ministre déplore qu’« il n’existe pas de pouvoir hégémonique naturel pour tout le continent », laissant entendre que son pays pourrait remplir ce rôle afin de construire « l’organe de gouvernance dédié » dont il estime le besoin pour gérer les relations UE-Afrique.
Parlant très franchement, il a déclaré que « le partenariat Afrique-Europe sera conduit par la gestion des crises », soulignant les conflits du Sahel, du Congo et de la Corne de l’Afrique qui s’étendent de la côte atlantique de l’Afrique à celle de l’océan Indien et contribuent à former ce que j’ai récemment qualifié de « Crise des Migrants 2.0 ». Outre les implications évidentes sur la sécurité que cela suppose pour une présence militaire française indéfinie et probablement étendue sur tout le continent (sans parler de la présence actuelle des États-Unis à travers l’AFRICOM), il existe aussi une dimension d’intégration économique conçue pour concurrencer officieusement la Route de la soie chinoise.
Villepin exprime le regret que l’Afrique fournisse actuellement « un manque de rendement financier suffisant » malgré le fait que la France contrôle les économies de plus d’une douzaine de pays à travers les francs ouest-africains et centre-africains émis par Paris (franc CFA). Ce à quoi il fait probablement allusion, c’est le retour sur investissement relativement long que les entrepreneurs « moyens » européens (français) attendent en Afrique et qui leur fait penser que ces investissements n’en valent pas la peine et sont risqués. La solution, estime Villepin, est « un véhicule public et collectif pour promouvoir l’investissement et se prémunir contre les risques, notamment (sic) contre les risques politiques ».

Considérant à quel point la France et ses alliés sont loin derrière en Afrique, il est plus que probable que Paris devra activer le « Hex » (le « Quad » plus le Vietnam et la France) et exhorter ses membres à lancer des quantités massives de ressources dans le « couloir de croissance Asie-Afrique » indo-japonais le plus tôt possible afin d’avoir une chance quelconque de creuser une brèche dans la domination du développement de la Chine sur le continent. Néanmoins, choisir prudemment d’investir aussi dans les « personnes d’abord » (infrastructure douce) et la création d’un « conseil culturel spécial » (contrôlé par la France) traitant des films, de l’art et de l’éducation pourrait donner au « Hex » un léger levier de pouvoir et donner des dividendes de gestion d’une perception positive de cet effort.
Dans l’ensemble, Villepin cherche à vendre l’axe euro-africain aux Européens pour qu’il permette de s’engager dans une « migration de remplacement contrôlée » par la création d’un « mécanisme de gestion de crise » à long terme, qu’il espère également « vendre » aux Africains en raison de sa dimension « développement », même si l’ensemble de la proposition est essentiellement une refonte de la politique néo-colonialiste de Paris appelée la « Françafrique », mais cette fois à l’échelle continentale et qualitativement renforcée par la participation active des « Hex ». L’annonce de cette structure gargantuesque pour « diriger dans l’ombre » annonce donc une nouvelle époque de « troubles pour l’Afrique » qui devrait aboutir à une série de points chauds de type guerre hybride alors que la nouvelle guerre froide continue sans relâche.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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