lundi 7 novembre 2016

Ronald McDonald ou Lucrèce Borgia ? Sur le long terme, nous sommes tous morts

Article original de Fred Reed, publié le 20 octobre 2016 sur le site fredoneverything.org via Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Encore plus d’amusement dans la Nation Indispensable : comme nous l’avons tous entendu maintenant, selon Hillary, ardente à l’idée de devenir une icône nationale, la moitié des partisans de Trump sont méchants et l’autre moitié sont des loosers, mais tous sont «déplorables». C’est ainsi, elle déteste la moitié des Américains. Sans surprise, elle a dit cela à New York, qui est si peu l’Amérique, et à une convention de curiosités sexuelles.


Je la trouve franchement admirable. Il faut voir comment elle tousse, chancelle, se convulse, ment, chaparde, vend des faveurs et fait des lapsus dans ses moments intermittents de confusion, et elle a toujours le courage de dire à l’Amérique qu’elle déteste la moitié de celle-ci. C’est de la candeur.

Il faut lui donner du crédit pour son acharnement. Elle est toujours là à mendier sans sourciller dans les poches de Wall Street, d’Israël, des faucons néocons et de l’industrie de l’armement, n’ayant jamais rien fait de son propre chef, reprenant les vieilles vestes de Bill, ayant des casseroles comme Secrétaire d’État. Avec elle, nous savons ce que nous obtiendrons. Avec Trump, c’est un lancement de dés vers l’inconnu.

Ah, le Donald. Bien qu’il affiche indubitablement diverses qualités présidentielles – il peut monter lui-même l’escalier et ses yeux pointent généralement dans la même direction – il y a en effet une certaine qualité aléatoire chez cet homme. Dieu sait ce qu’il pourrait faire. Il tire plus vite que son ombre en disant toutes sortes de choses folles mais intéressantes. Intéressantes si vous habitez ailleurs. Il parle de façon peu flatteuse de l’autre sexe près des microphones ouverts, au lieu de s’en éloigner comme tout le monde.

Le Donald me rend nerveux, alors que Hillary me donne envie de prendre du poison. C’est la différence entre un voyage sous acide et la mort par drainage des sinus. Sa grande force est qu’il n’est pas Hillary. L’élection est vraiment un concours entre des tenants d’intérêts contradictoires, pour des vues différentes du monde. Pas mal de monde voudrait avoir un autre choix.

L’attitude de Hillary envers l’Amérique a été pendant des années la norme dans notre classe dirigeante à New York. N’ayant que peu de choses en commun avec le reste du pays, elle (la classe dirigeante) parle de cette Amérique profonde comme d’un royaume d’obscurité intellectuelle et de barbarie qui sépare Manhattan de Hollywood. Pour autant que je sache, c’est la première fois que les élites ont eu l’honnêteté, mais pas nécessairement le jugement, de le dire clairement.

Ne nous leurrons pas. L’Amérique est gouvernée par les Cinq Villes, Boston, New York, Washington, Tel-Aviv et Hollywood. Le reste d’entre nous paie des impôts. Le cœur de la bête est New York, l’Ivy League étant sa pépinière et Washington sa vitrine.

Pour un sans-dent pratiquant, le concours présidentiel est amusant mais sans importance. Hillary va gagner, qu’elle gagne ou non. Elle est juste la surface d’un puissant courant de décompositions profondes et rapides qui ne peuvent pas être arrêtées. Trump peut essayer, mais il ne peut pas réussir. Nous vivons dans une culture mourante et, bientôt, un pays affaibli. On ne peut pas nous sauver.

Ce n’est pas vrai? Ajoutons quelques morceaux. Nous rions d’horreur, certains d’entre nous, principalement les plus âgés, au déclin de la scolarité, des cours avec Batman luttant pour l’égalité entre les sexes. C’est drôle, oui. Pourtant, dans l’ensemble, cela constitue un effondrement académique et civilisationnel à la fois profond et irréversible. Cette  crétinisation ne se produit pas dans un pays en bonne santé. Qui veut même renverser le cours de cette plongée dans la nuit ? Pas les universités, ni les syndicats d’enseignants, ni un corps de professeurs aussi stupide plébiscité par les «étudiants», ni les banques se sucrant sur les prêts étudiants.

C’est fini. Hillary peut commencer des guerres dans ses six premiers mois avant d’entrer dans un sanatorium. Trump peut construire des murs. Mais la pourriture continuera. Dites-moi pourquoi cela ne serait pas le cas.
La culture américaine s’abreuve maintenant profondément des ghettos, et il n’y a pas moyen d’éviter cela non plus. Le pays a réussi à construire la dictature du sous-prolétariat. Quelqu’un a dit que lorsque les ordres inférieurs constateraient qu’ils pouvaient voter eux-mêmes le budget, ils le feraient. Ils peuvent aussi voter eux-mêmes la culture, et l’avoir.

Il n’y a pas de solutions. Se plaindre de la musique dégradée, de la semi-alphabétisation et d’un goût de basse-cour ne sert à rien. Bientôt il n’y en aura plus qui se souviendront de ce qui a été perdu. Une fois brisée, la chaîne ne peut pas être réparée.

C’est fini. La putréfaction est irréversible, soit par Ronald, soit par Lucrèce.

Le passage à un modèle économique tiers-mondiste, la concentration de la richesse entre les mains de quelques-uns progressent rapidement et il n’y a rien à faire à ce sujet. L’impunité, normale au Guatemala, permet à la corruption d’être impunie. Pensez aux subprimes. Hillary est aussi tordue que n’importe quel président en Amérique latine, tout le monde le sait, et rien ne lui arrive. Les très riches, le fameux 1%, contrôlent Wall Street, les médias, le Congrès, les banques, les médias sociaux. Le bien-être de tous, sauf des riches, décline. Cela va continuer. Il n’y a aucun moyen de le changer. Qui le fera ? Comment ?
C’est fini. Ronald ne peut pas l’arrêter. Lucrèce ne le veut pas.

Ça va vite maintenant. Peut-être que le pire est que cela paralyse toute résolution. En quelques décennies le pays a perdu toute cohésion, culturelle, raciale, linguistique ou religieuse. En 1955, l’Amérique était de façon écrasante, blanche, anglophone, chrétienne et européenne, cela lui fournissait assez d’unité pour se maintenir en place, et la faiblesse des communications entrainait un fossé suffisant pour maintenir la paix entre des groupes qui se détestaient mutuellement : le Massachusetts et l’Alabama.

Les États-Unis, autrefois une nation, sont maintenant composés de groupes de minorités en colère vivant au même endroit. Les choses qui semblent folles à la moitié du pays, comme faire que des filles de douze ans partagent les toilettes publiques avec n’importe quel homme intéressé par les filles de douze ans, sont promues par l’autre moitié comme requises pour l’égalité. Les Noirs sont en insurrection ouverte. Les frontières existent à peine. Le gouvernement ne peut pas ou n’appliquera pas les lois. Comment cela peut-il changer, autrement que pour s’aggraver ?

En outre, l’Amérique devient rapidement une ruche de narcissiques timorés s’accrochant à une adolescence prolongée, délicats et fauntleroy, incapables de prendre soin d’eux-mêmes. Ceux qui lisent parlent avec raison d’Eloi et de Morlocks, mais peu de gens lisent. Nous, les aînés, lisons, pris entre des micro-agressions et des espaces sécurisés, de co-éditeurs pleurnichards qui pleurent de peur en voyant une souris. Flocons de neige, ils sont appelés, et flocons de neige, ils sont.

Les conséquences potentielles de cette situation ne sont pas faciles à saisir par les moins de cinquante ans. Les États-Unis ont été remarquablement protégés pendant des décennies. Les guerres américaines sont menées dans les pays d’autres peuples. Sauf pour le 9/11, le public n’a jamais été soumis aux horreurs régulièrement infligées par l’Amérique en Afghanistan, en Irak, en Syrie, etc. Jamais aussi peu d’Américains n’ont participé à une bagarre de cour d’école, appâté un hameçon, tiré avec une arme ou vécu une semaine dans les bois. Nous sommes une nation choyée.

En disant cela, il y aura beaucoup de grincements de dents et de gribouillis pensant que je suis pessimiste et que je me fais un film comme Marlboro Man, me souvenant d’un monde macho qui n’a jamais été, un transgenre qui s’ignore, et que je déteste tout le monde. Seul ce dernier opus se rapproche de ce que je pense.

Mais l’Amérique est plus fragile qu’il n’y paraît. Son peuple ne peut pas se nourrir. L’économie peut vraiment s’effondrer. Si les troubles civils rompent le lien entre la ferme et les villes, en deux semaines, les New-Yorkais vont se cannibaliser. Les citadins blonds et blancs qui se moquent des armes ne peuvent pas se défendre par eux-mêmes.

C’est fini. Trump, s’il est élu, sera le plus intéressant, Hillary sera d’un ennui mortel mais le plus sûr chemin pour enterrer la civilisation, les deux seront de toutes façons des jetons flottant au gré de la marée.

Fred Reed
 

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