Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Ce transit devrait grandir avec l’achèvement de la Route de la soie des Balkans dans quelques années. En raison de l’importance qu’elle accorde à la stratégie One Belt One Road et au besoin qu’elle a de maintenir et de renforcer ses marchés outre-mer – en particulier celui grand et toujours prometteur de l’UE – afin de soutenir sa stabilité intérieure et sa croissance à long terme, la Chine a logiquement intérêt à préserver la stabilité dans la Corne de l’Afrique afin de garantir sa ligne de communication maritime (SLOC) vers l’Europe. Pour des raisons analogues, elle veut aussi exploiter l’économie alliée éthiopienne et l’aider à maximiser son potentiel afin d’y acquérir une présence stratégique qui lui permettra d’ancrer sa présence dans un hinterland riche en ressources à l’intérieur du continent.
Il ne faut donc pas s’étonner que la Corne de l’Afrique soit au centre de l’attention militaire internationale, comme en témoigne l’article précédent de cette recherche qui a décrit la vaste gamme de bases militaires étrangères non africaines à Djibouti, la récente présence du CCG en Érythrée et les plans turcs et émirati pour la construction d’une base en Somalie. Tout naturellement et conformément à ses intérêts évidents, la Chine ouvre sa première base militaire d’outre-mer à Djibouti afin de profiter du double rôle du pays dans l’exercice de l’influence maritime et continentale. Il est facile de voir comment et pourquoi le petit État côtier peut être utilisé par Pékin pour montrer ses muscles maritimes, mais il est moins évident de comprendre comment il envisage de le faire en direction du continent. Il est donc important de rappeler le chemin de fer Éthiopie-Djibouti que la Chine construit entre la ville côtière et la capitale intérieure, étant donné que ce projet d’infrastructure à grande échelle servira de cordon ombilical entre les économies chinoise et éthiopienne pour permettre à cette dernière d’accéder de manière fiable au marché mondial en général. Par ailleurs, la vision conjoncturelle que la Chine poursuit est complétée par le projet LAPSSET originaire du Kenya, au financement duquel la Chine contribue également, qui prévoit finalement de relier Addis-Abeba au port de Lamu par le rail. Il suffit de le dire. L’achèvement des chemins de fer transnationaux et l’installation militaire basée à Djibouti incitera la Chine à devenir le pays le plus influent de la région de la Corne de l’Afrique, même si cette réalité apparemment inévitable sera contestée par les États-unis qui utiliseront des méthodes de guerre hybride.
Cette partie de l’article s’efforce donc d’expliquer toutes les façons dont les États-Unis pourraient appliquer cette stratégie de guerre hybride afin de contrecarrer de manière concevable les grands desseins de la Chine dans la région de la Corne de l’Afrique. Je commence par offrir un aperçu général des relations régionales, qui définit le contexte, puis je vous présente une analyse plus approfondie. Après avoir établi l’état des choses et fourni une solide compréhension des interactions entre les pays examinés et les autres, la deuxième partie du travail se penche ensuite sur un résumé des situations stratégiques de ces États, en se concentrant principalement sur leurs déterminants les plus influents. Enfin, la dernière partie de l’étude régionale examine les scénarios de guerre hybride les plus réalistes que les États-Unis pourraient provoquer contre les intérêts de la Chine dans la Corne de l’Afrique.
Relations épineuses dans la corne
Les quatre États qui occupent la région de la Corne de l’Afrique – l’Érythrée, l’Éthiopie, Djibouti et la Somalie – n’ont pas tous des relations parfaites les uns avec les autres, les problèmes les plus évidents étant entre l’Érythrée et la Somalie d’un côté et l’Éthiopie de l’autre.
Éthiopie-Érythrée
Pour expliquer la raison derrière les relations insondables entre ces deux États, il est nécessaire de commencer par parler de la guerre sécessionniste sanglante de l’Érythrée contre l’Éthiopie qui n’a pris fin qu’en 1993. Les racines du conflit sont nombreuses, mais elles peuvent être résumées comme suit. Elles ont commencé pendant la période impériale quand le royaume d’Italie avait annexé l’Érythrée, la détachant du grand état-civilisation qu’était l’Abyssinie en 1890. Cela a donné du sens à sa séparation identitaire de l’Éthiopie et a planté les graines du conflit futur lorsque les deux entités ont été réunifiées après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’abolition unilatérale par Addis-Abeba, en 1962, de la Fédération de l’Éthiopie et de l’Érythrée, âgée de dix ans, a déclenché la guerre séparatiste qui a éclaté au cours des dernières décennies, et même après l’indépendance, les deux pays se sont opposés fortement laissant penser qu’une guerre pourrait éclater de nouveau dans le futur .
Cela s’est passé de 1998 à 2000 et, malgré la fin de ce qui a été décrit comme une impasse, cette guerre a tué plus de cent mille personnes et sapé le potentiel de développement économique de ces deux pays dramatiquement appauvris. Dans les années qui ont suivi, l’Éthiopie et l’Érythrée sont restées des ennemis féroces, les deux parties s’accusant régulièrement d’essayer de subvertir la stabilité et de soutenir diverses forces anti-gouvernementales. Comme dans les années qui ont suivi immédiatement l’indépendance, il existe toujours la possibilité très réelle aujourd’hui que les deux pays reprennent la guerre l’un contre l’autre à un moment donné, et cette atmosphère de tension militaire accrue est le facteur inter-État le plus déstabilisant dans la Corne de l’Afrique. En fait, on dira plus tard que cette situation est exploitée par les puissances hors-région au sein du CCG comme moyen d’acquérir un effet de levier sur l’Éthiopie et pousser l’Érythrée à instaurer un nouveau cycle de violence débilitante.
Éthiopie-Somalie
Bien qu’elles ne soient pas aussi mauvaises que ses liens avec l’Érythrée, les relations de l’Éthiopie avec la Somalie sont objectivement assez faibles. Certes, à la surface des choses, il y a une interaction positive et pragmatique entre les deux États au niveau gouvernemental, mais le principal problème entre eux a toujours été l’idée séduisante de «la Grande Somalie» qui a captivé certains Somaliens des deux côtés de la frontière et même conduit à la guerre de l’Ogaden en 1977-1978. Ce conflit est la dernière tentative conventionnelle de créer «la Grande Somalie». C’est aussi le seul moment où les Soviétiques et les Américains ont changé de camp lors d’une guerre par procuration. La question portait sur le statut des Somaliens dans une région peu peuplée de l’Est de Éthiopie, qui s’est maintenant révélée être riche en gisements de pétrole et de gaz naturel.
Addis Abeba [capitale de l’Éthiopie, NdT] prétend que cela fait partie intégrante du territoire éthiopien peuplé d’indigènes dans un pays multi-ethnique. Tandis que Mogadiscio et les nationalistes somaliens affirment que c’est une région occupée dont le peuple doit être uni à son État-nation homonyme. Alors que la Somalie n’a pas de moyens réalistes de pouvoir jamais tenter une nouvelle fois de reprendre militairement l’Ogaden dans un avenir prévisible, l’appel du nationalisme somalien est dangereux pour l’Éthiopie et peut facilement être utilisé par les États-Unis et d’autres pour déstabiliser le second pays le plus peuplé d’Afrique.
L’intervention antiterroriste de l’Éthiopie en Somalie en 2006, qui visait à renverser l’Union extrémiste des tribunaux islamiques (ICU) qui avait pris le contrôle de la plus grande partie du pays, complique encore plus les choses. Couverte et aidée par les USA, l’Éthiopie a envahi son voisin et a réussi à expulser la milice de la capitale, mais son occupation subséquente du pays durant trois ans a suscité beaucoup d’hostilité contre elle et a entraîné une montée du nationalisme somalien. À son tour, Al Shabaab, un groupe terroriste lié à al-Qaida et à Daesh qui a vu le jour à partir de l’aile des jeunes de l’ICU, mélangeait un sentiment anti-éthiopien, un nationalisme somalien et un extrémisme islamique créant un cocktail mortel de haine qui a fait de ce groupe, l’un des plus redoutés de toute l’Afrique. L’incapacité du gouvernement somalien à lutter de manière appropriée contre Al Shabaab et la sympathie que les Somaliens – en particulier les jeunes – ressentent à l’égard du message dévoyé de l’organisation, en font une menace régionale majeure qui a le potentiel réel de provoquer activement le chaos à l’intérieur de la partie somalienne de l’Éthiopie – appelée auparavant Ogaden. En réponse, les autorités ont été contraintes de mettre en place des mesures de sécurité sévères en tant que précaution antiterroriste à toute tentative similaire de Daesh de créer un «État islamique» transnational territorialement administré dans la région, ce qui a eu pour effet involontaire d’accroître l‘ire de certains habitants somaliens en produisant, cycliquement, le type d’attitudes anti-gouvernementales qu’Addis-Abeba cherchait justement à éviter.
Éthiopie-Djibouti
Peut-être que la relation la plus fructueuse et la plus positive dans la région est celle entre l’Éthiopie et son voisin djiboutien du nord. Démographiquement et géographiquement incompatibles, les deux sont intrinsèquement liés l’un à l’autre en raison des circonstances régionales. L’Éthiopie a perdu tout son territoire côtier avec l’indépendance de l’Érythrée, devenant par là même un État enclavé. Les tensions entre elle et son ancienne province ont empêché toute possibilité de coopération économique pragmatique. De même, en raison de l’instabilité anarchique et de la menace terroriste en Somalie, l’Éthiopie n’a pas été en mesure d’utiliser son territoire pour s’assurer un accès fiable à la mer – bien qu’elle ait fait quelques pas positifs dans cette direction avec l’autonomie autoproclamée, et l’indépendance de facto, de l’État de Somaliland par le port de Berbera.
Pour une grande part, le potentiel économique de l’Éthiopie est resté enfermé dans l’intérieur de la Corne de l’Afrique, incapable d’atteindre les marchés mondiaux, mais l’initiative visionnaire et proactive de la Chine pour construire le chemin de fer Éthiopie-Djibouti a changé tout cela. Le projet a essentiellement transformé Djibouti en goulot qui contrôle le flux de richesses économiques de la bouteille éthiopienne, ce qui en fait littéralement un goulot d’étranglement autorisant, ou pas, le développement du potentiel économique important de son voisin du sud.
Dans le même ordre d’idées, cependant, cette percée dans le développement d’infrastructure signifie que ce petit pays revêt une importance disproportionnée pour l’Éthiopie et peut être utilisé indirectement comme moyen de déstabiliser l’économie beaucoup plus vaste et en expansion de l’ancienne Abyssinie. Les troubles intérieurs tels que les troubles de révolution de couleur ou le possible séparatisme des Afars à Djibouti pourraient perturber l’accès au chemin de fer et couper indéfiniment l’Éthiopie et ses partenaires les uns des autres. Cela rendrait le pays totalement dépendant du couloir LAPSSET au sud qui traverse un territoire peuplé d’Oromos qui pourrait rapidement devenir une cible alléchante pour les bandes rebelles et terroristes affiliées à des groupes ethniques. Dans cette optique, il devient encore plus évident que la Chine a choisi Djibouti comme emplacement de sa première base militaire d’outre-mer, puisqu’il est beaucoup plus facile d’exercer une influence positive sur la petite Djibouti dans la sauvegarde de la viabilité de son investissement ferroviaire que de le faire au Kenya ou ailleurs. En plus, il y a bien sûr l’avantage maritime supplémentaire d’être situé sur la mer Rouge. Pour protéger son chemin de fer, la Chine pourrait, de façon prévisible, soit faire usage directement de son armée, comme elle l’a laissé entendre dans son tout premier livre blanc de 2015 sur la stratégie militaire afin de protéger ses intérêts à l’ étranger, soit laisser des entreprises de sécurité privées (PMC) le faire indirectement à sa place.
En définitive, la stabilité djiboutienne est absolument essentielle à la sécurité stratégique de l’Éthiopie, et c’est pour cette raison que les relations bilatérales sont extraordinairement proches et que cela restera valable dans un avenir prévisible. Djibouti bénéficie de cette relation en tirant profit de son statut d’État de transit pour faciliter l’accès à l’économie éthiopienne, et à partir de celle-ci, de sorte qu’il a également intérêt à protéger le chemin de fer. Par conséquent, on s’attend à ce qu’il utilise ses forces militaires pour protéger la ligne en cas de troubles intérieurs, appliquant probablement la formation acquise auprès de leurs homologues chinois à l’intérieur du pays et probablement même sous la supervision de conseillers chinois. En fonctionnant comme le lien essentiel de l’Éthiopie avec le monde extérieur, Djibouti pourrait également être ciblé par l’Érythrée ou par des groupes terroristes basés en Somalie comme un moyen de compenser indirectement l’hégémonie régionale – un facteur qui doit évidemment être pris en considération.
Érythrée-Djibouti
En référence à la précédente, l’Érythrée n’a pas de relation positive avec Djibouti et a effectivement mené une brève guerre frontalière avec son voisin en 2008. Conformément à l’accord de l’ONU, le Qatar a déployé ses troupes dans les deux pays pour agir comme médiateur du conflit et est resté dans la région depuis 2010, présentant un autre facteur d’instabilité vis-à-vis de l’Éthiopie qui sera discuté plus loin. Pour continuer avec l’état des relations bilatérales entre les deux pays côtiers, il est intéressant de mentionner également que l’Érythrée a effectivement eu des problèmes avec tous ses voisins, y compris le Soudan et le Yémen – ce dernier via le conflit des îles Hanish –, qui pris ensemble démontre le modèle spécifique du comportement érythréen. Par conséquent, le conflit de 2008 avec Djibouti ne doit pas être considéré isolément, mais plutôt comme la continuation d’une politique érythréenne de longue date qui recourt régulièrement à des moyens militants pour atteindre ses objectifs. Il ne faut pas oublier que le Qatar et l’Érythrée pourraient conspirer ensemble pour soutenir les attaques d’Al Shabaab à Djibouti afin d’infliger des dommages stratégiques à l’Éthiopie. En effet, non seulement l’État du Golfe est lié de façon convaincante à l’organisation terroriste, mais l’Érythrée est actuellement sous sanctions du Conseil de sécurité pour l’avoir prétendument aidée dans le passé – bien que les dernières découvertes indiquent que cette relation n’existe peut-être plus. Par conséquent, les relations de l’Érythrée avec Djibouti doivent absolument être vues à travers le prisme de sa guerre régionale par procuration avec l’Éthiopie, qui conceptualise l’État voisin entre eux comme un champ de bataille potentiellement asymétrique.
Djibouti-Somalie
De l’autre côté, les relations de Djibouti avec la Somalie sont chaleureuses et amicales, bien que Mogadiscio n’a pas un contrôle de facto sur la région limitrophe avec l’indépendance autonome et autoproclamée du Somaliland. Bien qu’il n’y a rien de substantiel à mentionner à cet égard, il est intéressant de relever la menace latente que pourrait représenter le nationalisme somalien militant non étatique pour Djibouti – y compris la version perverse adoptée par Al Shabaab. Le pays est principalement peuplé par le clan Issa, qui est considéré comme un sous-ensemble des Somaliens et les place ainsi dans le cadre de la «Grande Somalie». Bien que cet idéal ait pu avoir une certaine influence dans le passé durant la Guerre froide et dans les années qui ont précédé et immédiatement suivi l’indépendance de l’ancien Somaliland français, il n’a plus beaucoup d’attraits pour Djibouti après que la Somalie est devenue un État failli en 1991. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir des gens qui sont encore attirés par la version romancée de cette idéologie. Mais ce qui est le plus menaçant, ce n’est pas la possibilité que les Djiboutiens soutiennent passivement ou par sympathie les slogans de la «Grande Somalie», mais que Al Shabaab et d’autres groupes terroristes ciblent violemment les nationaux et les projets d’infrastructures du pays pour appuyer ostensiblement cette vision.
Le déploiement varié de tant de forces militaires internationales non africaines à Djibouti rend peu probable que les terroristes réussissent à infliger des dommages à long terme au pays ou au chemin de fer Éthiopie-Djibouti, mais leur idéologie extrémiste et leur volonté de mourir pour leur cause les rend très dangereux et conduit à l’impossibilité d’ignorer ce scénario. Cependant, la région relativement mieux contrôlée et plus étroitement administrée du Somaliland sert d’obstacle en bloquant les mouvements directs d’Al Shabaab vers Djibouti, bien qu’il soit bien sûr possible que l’organisation infiltre sa cible côtière par des moyens plus conventionnels, en s’introduisant dans ce port mondialement célèbre sous une couverture appropriée, au lieu de passer illégalement à travers la frontière internationale. En tout état de cause, le seul facteur pertinent des affaires djibouto-somaliennes qui soit applicable à notre recherche sur la guerre hybride est Al Shabaab et l’idéologie de la «Grande Somalie», qui ne sont pas promues au niveau de l’État mais qui peuvent entraîner de graves problèmes pour le pays ciblé. Pour cette raison, l’axe Djibouti-Somalie est le facteur le moins important dans l’arrangement politique régional de la Corne de l’Afrique, du moins au niveau officiel, bien qu’il puisse potentiellement devenir un problème majeur de déstabilisation à l’avenir chez certains acteurs non-étatiques.
Érythrée-Somalie
Tout comme ses vues sur Djibouti, l’Érythrée a également la même mentalité de champ de bataille vis-à-vis de la Somalie. Si les soupçons du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’appui de l’Érythrée à Al Shabaab sont dignes de confiance, alors il est clair qu’Asmara utilise tout simplement l’outil qu’il a sous la main pour déstabiliser Addis-Abeba. Que ce soit imprudent ou justifié en fonction de sa disposition politique, il est clair que la haine brûlante de l’Érythrée pour l’Éthiopie a étendu le conflit par procuration entre elles, de leur frontière commune jusqu’à la frontière somalienne, engloutissant ainsi la région dans la tourmente et transformant leur seule rivalité en facteur le plus important des déstabilisations géopolitiques de la Corne de l’Afrique. Il est probable que les dirigeants érythréens ne soient plus aussi proches d’Al Shabaab qu’on les soupçonnait de l’être auparavant, en partie en raison de l’augmentation de la stigmatisation et de la prise de conscience internationale de cette relation, mais cela n’empêche pas qu’Asmara ait joué un rôle clé dans le développement précoce du groupe et par conséquent rende ce pays responsable, dans une certaine mesure, de l’existence actuelle de l’organisation et de la montée de la violence.
En conséquence, la seule façon logique de voir les relations érythréo-somaliennes est à travers le prisme de la guerre érythréenne-éthiopienne par procuration, élargie dans la région, et de l’avantage relatif que chaque acteur tire de la stabilité ou de l’insécurité de la Somalie. Cela étant, on peut soutenir que l’Érythrée profite davantage de l’instabilité de la Somalie et de la prévalence d’acteurs non étatiques militants – y compris les terroristes affiliés à l’Islam et les «nationalistes de la Grande Somalie» – que si la normalité revenait dans ce pays. L’arrivée de la stabilité empêcherait le territoire somalien d’être de nouveau utilisé par l’Érythrée comme tremplin asymétrique contre l’Éthiopie, ce qui limiterait la flexibilité stratégique d’Asmara face à son rival le plus grand et le mieux équipé. Depuis que la Somalie s’est progressivement stabilisée au cours des deux dernières années, la stratégie de l’Érythrée pourrait passer de la collaboration avec des groupes terroristes à la mise en place de son nouveau partenariat militaire non officiel avec le CCG pour entrer en concurrence avec l’indépendance autonome et autoproclamée du Somaliland. La fusion stratégique des capacités de l’Érythrée et du CCG sur la frontière nord-est de l’Éthiopie pourrait entraîner une déstabilisation plus concertée dans le futur, qu’il s’agisse d’un terrorisme islamique, d’une «Grande Somalie» ou d’une forme mélangée de ceux-ci.
Andrew Korybko est un commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Spoutnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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