Article original de James Howard Kunstler, publié le 26 Décembre 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Oui, c’était une blague.
À présent, n’importe qui dans ce pays encore sain d’esprit
sait que Barack Obama a présidé à huit années de continuité remarquable –
des conditions immuables qui ont laissé beaucoup de gens sans espoir. À
mesure que les derniers jours de son mandat passent, que devons-nous
faire du 44e président en partance ?
Il a joué le rôle avec son décorum et sa cool-attitude, mais cela
pose la question : est-ce qu’il a seulement joué un rôle ? Dès le
départ, il s’est fait otage de certains des marionnettistes les plus
sinistres de l’État profond : Robert Rubin, Larry Summers et Tim
Geithner pour le côté de l’argent, et l’infestation du parti de la
guerre des néocons du Beltway
du côté des affaires étrangères. Je suis convaincu que les meilleurs
chiens de ces deux gangs ont travaillé Obama au-dessus d’un bûcher
quelque temps après les élections de 2008 et ils lui ont dit de s’en
tenir au programme, ou bien.
Quel était le programme ? Du côté de l’argent, il fallait renflouer à
tout prix les banques et toute la chaîne grinçante de dépendances avec
leurs affiliés en charge de la finance de l’ombre, de l’immobilier et
des assurances. De ce fait, l’extension de la politique de Bush II
concernant le sauvetage des constructeurs automobiles, les milliers de
milliards de dollars de stimulus enfournés à la pelle et un tour de
passe-passe encore plus grand et subreptice de plusieurs autres milliers
de milliards de dollars de la Réserve fédérale pour soutenir les
banques européennes avec des obligations de contrepartie envers les
banques américaines.
En avril 2009, les nouveaux membres de la SEC, fortement armés par les lobbyistes bancaires, ont poussé le Financial Accounting Standards Board
(FASB) à suspendre la cruciale règle 157, qui obligeait les sociétés
ouvertes à déclarer leurs avoirs selon des procédures standard
d’évaluation de leur valeur sur le marché – appelé « mark-to-market ». Après cela, les entreprises comme les banques Too-Big-Too-Fail
ont pu faire ce qu’elles voulaient. Cela a ouvert la porte à une fraude
comptable omniprésente qui a permis au secteur financier de prétendre
qu’il était sain pour les huit années qui ont suivi. L’effet net de leur
entreprise criminelle a seulement été de rendre le secteur financier
artificiellement plus grand, dangereusement plus fragile, et donc encore
plus enclin à l’effondrement cataclysmique.
Une autre caractéristique du côté monétaire de la présidence d’Obama a
été que personne n’a personnellement payé pour son inconduite
financière. Cela a établi l’éthique de base de la finance de l’ère
Obama : tout est permis, et rien ne compte. Tous les régulateurs ont
regardé ailleurs la plupart du temps. Et lorsqu’ils ont été forcés
d’agir devant un comportement flagrant, ils ont fait des transactions
qui ont laissé les cadres bancaires s’en sortir tandis que leurs
entreprises dépensaient des amendes qui représentaient le simple coût
pour faire des affaires. C’est arrivé encore et encore. Jon Corzine, le
directeur du courtage de produits de base de MF Global, dont la société a
pillé des comptes de clients « isolés » pour près d’un milliard de dollars à l’automne 2011, était le garçon en tête d’affiche pour ce genre de « politique » ou tout simplement de racket. Corzine n’a jamais été poursuivi et reste en liberté jusqu’à ce jour.
Un autre signal d’échec dans le royaume de l’argent a été la réponse
d’Obama à la décision de la Cour suprême des Citoyens Unis de 2010, qui a
déclaré que la soi-disant « personnalité » juridique des sociétés leur donne le droit d’exercer leur « liberté d’expression »
en donnant autant d’argent qu’elles veulent aux candidats politiques
pour les élections. Les grandes entreprises n’ont plus besoin de louer
des congressistes et des sénateurs, puisqu’elles peuvent se les acheter
en argent comptant.
C’est une Cour suprême conservatrice qui a pris cette décision mais
Obama aurait pu agir énergiquement contre elle. L’ancien professeur de
droit constitutionnel devenu politicien aurait pu rassembler une force
de frappe avec son congrès dirigé par le Parti démocrate pour rédiger
une loi, ou un amendement constitutionnel, qui permettrait de redéfinir
correctement la personnalité des sociétés. Il devrait être évident, par
exemple, que les sociétés, contrairement aux citoyens humains, n’ont pas
de devoirs, d’obligations et de responsabilités envers l’intérêt
public. Par charte légale, elles ont seulement à répondre à leurs
actionnaires et conseils d’administration. Comment cela leur
confère-t-il ce genre de « droits » de liberté d’expression
politique que le tribunal leur a permis de réclamer ? Et comment Obama
et ses alliés de la branche législative ont-ils roulé avec eux pour
permettre à ce honteux affront à la Constitution de tenir debout ? Et
comment se fait-il que presque personne dans la presse traditionnelle ou
dans le droit académique n’a même soulevé ces questions ? Merci à tous,
nous avons mis en place les principaux moyens d’établir un État profond
fasciste : le mariage officiel de l’argent des entreprises et de la
politique. Tout est permis et rien ne compte.
Enfin, en ce qui concerne les affaires étrangères, il y a la campagne
mystificatrice d’Obama contre la Fédération de Russie. Les États-Unis
ont signé un accord avec la Russie après la chute de l’Union soviétique,
à savoir que nous ne développerions pas l’OTAN s’ils nous confiaient
les matériaux nucléaires susceptibles de tomber entre des mains
douteuses dans le désordre qui a suivi l’effondrement. La Russie a
respecté cet engagement. Qu’avons-nous fait ? Nous avons étendu l’OTAN à
la plupart des anciens pays d’Europe de l’Est (sauf les restes de la
Yougoslavie) puis, sous Obama, l’OTAN a commencé à tenir des jeux de
guerre sur la frontière russe. Pour quelle raison ? La notion fictive
que la Russie voulait « reprendre » ces nations –
comme si elle avait besoin de reprendre une foule de personnes à charge
qui avaient récemment fait faire faillite à l’État soviétique. Toute
analyse raisonnable qualifie ces jeux de guerre d’agressions pures et
simples par l’Occident.
Ensuite, il y a eu le coup d’État de 2014 parrainé par le Département
d’État américain contre le gouvernement élu en Ukraine et l’éviction du
président Viktor Ianoukovitch. Pourquoi ? Parce que son gouvernement
voulait rejoindre l’Union douanière eurasienne dirigée par la Russie au
lieu d’une association avec l’Union européenne. Nous n’avons pas aimé
cela et nous avons décidé de nous y opposer en subvertissant le
gouvernement ukrainien. Dans la violence et le désordre qui ont suivi,
la Russie a repris la Crimée – qui avait été liée à l’ancienne
République socialiste soviétique d’Ukraine (une province de la Russie
soviétique) lors d’une nuit d’ivresse par le dirigeant soviétique Nikita
Khrouchtchev. À quoi nous attendions-nous après avoir transformé
l’Ukraine en un autre État défaillant ? La péninsule de Crimée faisait
partie de la Russie avant que les États-Unis ne soient un pays. Ses
seuls ports en eau chaude étaient situés là. Ils ont tenu un référendum
et le peuple de Crimée a voté massivement pour retourner à la Russie.
Alors le président Obama a décidé de punir la Russie avec des sanctions
économiques.
Ensuite, il y eu la Syrie, un champ de bataille entre les différentes
branches de l’islam, leurs commanditaires (l’Iran et l’Arabie saoudite)
et leurs proxies (le Hezbollah et les diverses armées salafistes du
djihad). La « solution » américaine a été de parrainer
la chute du gouvernement syrien légitime de Bachar al-Assad. Nous avons
apparemment toujours favorisé les relations extérieures basées sur la
création d’États défaillants – après notre expérience en Irak, en
Somalie, en Libye et en Ukraine. Le président Obama a complètement foiré
sa première tentative d’intervention – le moment de la « ligne rouge »
– et a ensuite décidé d’envoyer des armes et de l’argent aux divers
groupes salafistes jihadistes luttant contre Assad, prétendant que nos
méchants étaient « modérés ». La Russie est intervenue
pour soutenir le gouvernement d’Assad, apparemment en se basant sur
l’idée que le Moyen-Orient n’avait pas besoin d’un autre État
défaillant. Nous avons fustigé la Russie pour cela.
Le comportement idiot des États-Unis à l’égard de la Russie sur ces
sujets a conduit à la situation la plus dangereuse concernant
la relation entre les deux pays depuis le cœur de la guerre froide. Cela
a culminé cet automne avec la campagne ridicule pour blâmer la Russie
de la défaite d’Hillary Clinton. Et nous voilà.
Je n’ai pas voté pour Hillary ou Donald Trump (j’ai écrit David
Stockman sur le bulletin). Je ne suis pas heureux de voir Donald Trump
devenir président. Mais j’en ai assez de M. Obama. Il présentait bien.
Il semblait aimable et intelligent. Mais à la fin, il a semblé n’être
qu’une sorte de larbin pour les forces les plus sombres de la trop
grande bureaucratie américaine bureaucratique menant des opérations de
racket avec l’État. Washington est vraiment un marécage qui doit être
drainé. Barack Obama n’était pas l’un de ses alligators, mais il était
une sorte d’oiseau au plumage élégant qui a chanté une chanson de
salutation à chaque lever du soleil pour les reptiles qui pataugeaient
dans la boue. Et maintenant, il s’en va.
La semaine prochaine, je vais poster les prévisions pour 2017.
James Howard Kunstler
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