Article original de Ugo Bardi, publié le 26 Décembre 2016 sur le site Cassandra Legacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Les chemins de fer peuvent-ils remplacer les avions pour les voyages longue distance ?
En novembre, je suis allé en train de Locarno, en Suisse, tout le chemin jusqu’à Berlin, pour la conférence de l’ASPO
Allemagne. Le voyage a duré plus de 11 heures et il a impliqué quatre
trains différents. C’était l’un des nombreux tests que j’ai effectué au
cours des dernières années, pour voir comment et combien de fois je
pourrais éviter d’utiliser des avions pour voyager en Europe.
Il n’existe pas de carburant durable qui puisse alimenter un avion. Du
moins pas au même prix et pour la même performance. Alors que les
compagnies aériennes rêvent d’impossibles « avions verts »,
nous devons trouver quelque chose qui puisse amener les gens d’un
endroit à un autre sans émettre de gaz à effet de serre, au moins sur
des distances moyennes. Peut-être, un jour, allons-nous développer une
nouvelle génération de dirigeables solaires ?, mais pour le moment, les
bons vieux trains semblent la meilleure option. Les trains fonctionnent à
l’électricité, donc ils sont directement compatibles avec l’énergie
solaire et éolienne. Ils n’ont même pas besoin de pneus en caoutchouc ou
de bitume pour les routes – tous deux produits à partir de combustibles
fossiles. Donc, j’ai expérimenté pendant un bon moment le voyage en
train en Europe et laissez-moi vous rapporter cette expérience.
Premièrement, les bonnes nouvelles. Au cours des dernières années, le
développement des services en ligne a rendu bien plus facile de
planifier un voyage en train à longue distance. Les chemins de fer
européens ont également amélioré leur interface de vente de billets et
vous pouvez maintenant acheter des billets entièrement électroniques sur
un seul site national pour un voyage multi-pays. C’est une grande
amélioration. Par exemple, il y a quelques années, si vous vouliez
embarquer dans un train suisse, vous deviez avoir un billet physique
émis dans une gare suisse ou, si vous ne viviez pas en Suisse, vous
deviez vous le faire expédier par courrier, ce qui était à la fois lent
et coûteux.
Ensuite, de nombreux réseaux ferroviaires ont maintenant un système
Wi-Fi embarqué. C’est un grand plus, car un long voyage en train devient
réellement une chance de bien travailler dans une sainte paix – quelque
chose que vous ne pouvez pas faire en avion, où vous ne pouvez même pas
recharger votre ordinateur portable.
Pourtant,
il y a beaucoup de travail à faire. Par exemple, en Suisse, les trains
n’ont pas de Wi-Fi (peut-être parce que le mal des transports est
presque garanti si vous voyagez dans la région alpine). Même en
Allemagne, avec tout leur high-tech, la connexion pendant mon voyage à
Berlin a travaillé seulement pour la première demi-heure et puis elle
est morte pour le reste du voyage (et ils voulaient me faire payer 6
euros pour cela ! ). Sur la photo, vous voyez que j’ai lu Épictète dans
le train, un philosophe stoïque qui m’a aidé à survivre à l’absence
d’une connexion Internet ! Mais, sûrement, cela peut être amélioré : en
Italie, par exemple, la connexion Wi-Fi dans les trains à grande vitesse
vient gratuitement et elle fonctionne normalement très bien.
Donc quelques bonnes nouvelles, mais la situation avec les trains
européens longue distance est encore loin d’être parfaite – ou même
juste bonne. Il reste deux problèmes fondamentaux : l’un est que les
trains de nuit deviennent une race en voie d’extinction en Europe,
l’autre est que les trains à grande vitesse ne sont pas conçus pour les
voyages longues distances.
Tout d’abord, les trains-couchettes. En théorie, ils sont une très
bonne idée : vous voyagez pendant la nuit, pendant que vous dormez, et
vous arrivez le matin, prêt pour les affaires ou pour les visites. Ce
genre de voyage peut être considéré aussi comme quelque chose de
romantique si vous pouvez partager le compartiment avec un proche (en
supposant qu’aucun d’entre vous ne souffre du mal des transports). Bien
sûr, dormir dans un de ces trains n’est pas la même chose que dormir à
la maison : le paradigme du train-couchette est le compartiment à 6
passagers, chaud et mal ventilé, qui peut vous donner un sentiment de ce
que cela doit avoir été d’être expulsé vers un camp de concentration
pendant la Seconde Guerre mondiale [Point Godwin ??, NdT]. Mais
même si vous réservez une place dans un compartiment simple ou double,
le prix n’est pas déraisonnablement élevé, si vous pensez que vous
économisez le coût d’une nuit dans un hôtel.
Malheureusement, il y a de gros problèmes avec les trains-couchettes.
L’un est qu’ils sont vieux, mal entretenus, et ne sentent pas très bon.
Dans mon expérience personnelle, ils sont aussi souvent en retard (deux
heures de retard la dernière fois que je suis allé à Paris). Ensuite,
tout le romantisme de l’expérience disparaît quand, le matin, on vous
sert un croissant de carton pur et une tasse de café qui y ressemble
vaguement et sent le pétrole brut. Apparemment, les fastes de l’« Orient Express »
sont passés et oubliés. Comme dernier outrage, je peux rapporter
comment, en voyageant vers Paris, j’ai été réveillé à 2h du matin par la
police suisse qui a voulu vérifier mes sacs. Imaginez que votre avion
de Londres à New York soit arrêté à mi-chemin par la police islandaise
qui le fait arrêter à Reykjiavik afin qu’ils puissent vérifier vos
bagages !
Mais le problème principal avec les trains-couchettes est autre.
Quand vous arrivez le matin à votre destination, vous avez vraiment
besoin d’une douche, mais votre hôtel ne vous laissera pas entrer dans
votre chambre généralement avant 1h de l’après-midi. Le problème est
encore pire avec votre voyage de retour à la maison. Votre train part à
11 heures du soir, mais votre hôtel vous donnera un coup de pied sans
cérémonie pour vous virer de votre chambre à midi (et ils peuvent être
assez méchants si vous demandez une demi-heure supplémentaire). Alors
peut-être que vous avez des affaires ou des visites dans l’après-midi,
mais vous êtes bloqué dans une ville étrangère avec nulle part où
séjourner, sauf dans une salle d’attente désagréable dans une gare. Pas
étonnant que ces trains semblent disparaître du réseau ferroviaire européen.
Ensuite, il y a les trains à grande vitesse ; des machines
merveilleuses qui pourraient rivaliser avec les avions, même pour les
voyages relativement longs. À une vitesse généralement supérieure à 200
km/h, un train pourrait couvrir les 1500 km de Rome à Berlin en quelques
six ou sept heures. Bien sûr, vous devriez ajouter le temps pour
quelques arrêts le long du chemin et le fait que tout le réseau ne
permet pas les hautes vitesses. Pourtant, vous pourriez probablement le
faire en moins de 10 heures, ce qui est raisonnable pour un voyage
confortable en journée, où vous pourrez vous détendre et travailler
pendant votre voyage. Mais, en pratique, il n’y a aucun moyen de se
rendre à Berlin depuis Rome ou Florence en une seule journée. Mon voyage
en train vers Berlin a commencé en Suisse. Il était de moins de 1 000
km et il a fallu plus de 11 heures, à une vitesse moyenne inférieure à
100 km / h. La raison en est que j’ai dû changer trois fois de train et
cela a impliqué beaucoup de temps d’inactivité dans les gares.
Ainsi, en dépit des améliorations récentes, il reste encore beaucoup à
faire, avant que les chemins de fer ne deviennent concurrentiels avec
les avions en Europe. Quelque chose qui pourrait rendre les
trains-couchettes plus pratique serait la possibilité de louer des
chambres dans les hôtels pour une demi-journée à un prix raisonnable.
Cela fait une grande différence au niveau du confort : je me souviens
d’avoir fait cela à Saint-Pétersbourg, en Russie, en attendant le train
de nuit pour Moscou. Mais, en Europe occidentale, louer une chambre à la
demi-journée ou à l’heure reste quelque chose que les hôtels ne veulent
pas faire, parce qu’ils ont peur pour leur réputation. Les choses
pourraient changer et certains sites internet sont apparus qui offrent
ce service pour les voyageurs d’affaires.
Mais le vrai problème des trains-couchettes est qu’ils sont en
concurrence directe avec les compagnies aériennes low-cost et comme les
choses se présentent aujourd’hui, les trains ne peuvent simplement pas
les concurrencer. Les compagnies aériennes offrent un service plus
rapide pour les mêmes prix ou plus bas. Seule une taxe lourde sur le
carbone pourrait changer les choses et rendre les trains-couchettes
concurrentiels, mais cela ne semble pas être pour demain.
L’avenir semble plus favorable pour les trains de jour à grande
vitesse. Le principal problème, ici, est la planification. Jusqu’à
présent, les compagnies ferroviaires nationales ne planifiaient que sur
le plan national, également en raison de l’interopérabilité limitée des
réseaux ferroviaires. D’une certaine façon, il semble que les chemins de
fer fonctionnent toujours comme ils l’ont fait au moment de la Première
Guerre mondiale, alors que la pensée stratégique de l’époque impliquait
qu’une invasion ennemie devrait être ralentie en rendant l’écartement
ferroviaire national différent de celui des pays voisins. Différentes
jauges en Europe existent encore en Russie et en Espagne et les chemins
de fer opèrent avec différentes tensions électriques AC et DC, variant
de 750 à 25 000 volts. En outre, les systèmes de signalisation varient
d’un pays à l’autre. Il en résulte que, par exemple, les trains italiens
à grande vitesse ne peuvent pas circuler en Allemagne ou en France, et
l’inverse est également vrai.
Néanmoins, des progrès sont réalisés et la dernière génération de
trains à grande vitesse a été construite en tenant compte de
l’interopérabilité. Bientôt, ces trains devraient pouvoir parcourir
l’ensemble du réseau européen. Ce qui manque ici, principalement, c’est
une poussée sérieuse du gouvernement européen pour convaincre les
chemins de fer nationaux que la connexion des principales capitales
européennes par les trains à grande vitesse est importante et utile.
Mais l’UE a fait très peu dans ce sens, jusqu’à présent. Encore un échec
pour eux (ils semblent collectionner les échecs, comme certaines
personnes amassent des timbres ou des papillons). Il existait auparavant
une Agence ferroviaire européenne, mais elle a du faire quelque chose
de mal, parce qu’elle a été fermée et que la nouvelle Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer est maintenant en place. Nous pouvons seulement espérer qu’ils feront mieux que leurs prédécesseurs.
Alors, y a-t-il un espoir que nous puissions reprendre de longs
voyages en train en Europe dans le confort et le style, comme cela
pouvait être le cas dans les années 1930 ? C’est certainement possible,
mais il faudra du travail et une volonté politique forte. Ce sera
absolument nécessaire, si nous voulons adapter les voyages européens aux
objectifs du traité de Paris de 2015. En attendant, les plus aventureux
d’entre nous feront encore tout leur possible pour éviter les avions en
faveur des trains.
Ugo Bardi
Cette analyse est juste et pertinente. Etant moi-même conducteur de train, je partage entièrement cette analyse. Cependant, il faut bien avoir à l'esprit les éléments suivants : si le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises constitue LA solution économique et écologique la plus pérenne pour l'Europe, celui-ci est mis-à-mal par la volonté mondialiste, relayée par ses séîdes européistes, sans oublier que la découverte "innatendue" de gisements pétrolifères au large du golfe du Mexique étaye encore plus cette réalité! Toutefois, force est de constater que le transport ferroviaire contemporain contient en lui-même "les gènes de sa propre disparition..." La raison ??? son insuffisance de "projecton logistique" ! Je m'explique: dès son origine, l'expansion du chemin de fer s'est trouvée obérée par les choix purements économiques des exploitants des grandes compagnies privées au détriment de la capacité d'expansion "réelle" du chemin de fer. Un ingénieur Britannique d'origine Française nommé Isambard Kingdom BRUNEL avait dès le départ conçu et réalisé sur le "Great Western Railways" un chemin de fer à "voie large" de 7 pieds 1/4 (soit 2,134m) en place et lieu de la voie "normale" STEPHENSON de 4 pieds 3 pouces (soit 1,435m) équivalant à la largeur de la "voie romaine" conçue pour une utilisation industrielle minière. Il faut dire qu'en 1832,les trains du Great Western pouvaient déjà rouler à ... 140 KM/H !!! seulement limités par les capacités techniques des locomotives !!! Alors que les autres compagnies à voie normale "plafonnaient" entre 28 et 35 km/h... Hélas, ce splendide chemin de fer a été victime de sa singularité : nul n'est prophète en son pays et...malheur à celui qui a raison trop tôt... Cependant, je vous laisse imaginer ce que la réalisation d'un tel chemin de fer induirait comme "révolution" dans le transport terrestre, avec des locomotives de la puissance d'un paquebot ou d'un gros cargo, avec des cabines voyageurs comparables en dimension à des cabines de bateau, et avec des vitesses moyennes de l'ordre de 220/250 km/h pour des trains de voyageurs "classiques"... et oui ! même plus besoin de "TGV" (lesquels pourraient d'ailleurs "tutoyer" le...600 km/h !!!)Il faut noter qu'une telle reconception du chemin de fer à notre époque ne nécessiterait pas tellement de modifications infrastructurelles quant aux installations existantes (le gabarit des trains serait comparable à celui des navettes de transport de camions et d'automobiles circulant dans le tunnel sous la Manche) et rendrait "ipso-facto" le transport aérien intérieur (énergiphage et polluant : la pollution causée par les sels d'aluminium additivés dans le kérozène, produisant ce que l'on appelle les "chemtrails" ne SONT PAS un délire complotiste, mais bel et bien une réalité.
RépondreSupprimerIntéressant, je ne connaissais pas cette histoire. Pour les chemtrails, j'ai publié un article aujourd'hui. On peut aussi parler de la guerre du contrôle du rail pour transporter le pétrole aux USA au 19ème. L'enrichissement passe souvent par le contrôle du robinet de l'argent public ...
SupprimerMerci ! très flatté
RépondreSupprimerCordialement