Article original de Dmitry Orlov, publié le 20 Juin 2017 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Il est assez terrible de se poser la question ! Bien sûr, nous
sommes nécessaires : c’est la fonction de l’univers de répondre à nos
besoins et nos désirs, n’est-ce pas ? N’est-ce pas le but de tout,
d’assurer notre bien-être et notre sécurité ? Et bien, c’est une façon
de voir, et cela repose sur une certaine hypothèse : les humains sont au
contrôle. Mais les humains ont bout par bout abandonné le contrôle aux
machines depuis quelques siècles, et maintenant la grande majorité
d’entre nous est incapable de comprendre, encore moins de contrôler les
machines dont notre survie dépend, dans toute leur incroyable
complexité. Quelques spécialistes hautement qualifiés peuvent encore se
familiariser avec les leviers qui contrôlent certaines des machines,
mais leur fonction a été réduite à répondre aux besoins des machines
elles-mêmes, et non aux besoins humains. L’hypothèse selon laquelle les
humains ont toujours le contrôle commence à paraître exotique.
La prochaine hypothèse à remettre en question est que les machines
répondent aux besoins et aux volontés de l’homme. Oui, il y a encore
beaucoup de preuves qu’elles le font, pour beaucoup de gens, et dans les
sociétés plus stables et prospères, la plupart des gens y sont adaptés
d’une certaine manière. Mais les sociétés du monde entier ont tendance à
devenir moins stables et moins prospères avec le temps, car les
ressources sont épuisées et l’environnement se dégrade. La solution
typique à cela a été l’imposition de l’austérité, qui limite les besoins
humains par rapport à ceux des machines – industrielles, commerciales
et financières – qui doivent continuer à fonctionner pour que les riches
puissent continuer à s’enrichir. Peut-être que la situation où les
machines répondent aux besoins humains est passagère. Peut-être que la
plupart des êtres humains ne sont qu’un coût hérité, à éliminer au
prochain cycle de réduction des coûts.
Certes, les machines seraient encore nécessaires pour répondre aux
besoins des milliardaires et à ceux des millionnaires qui les servent.
Mais, en ce qui concerne le reste de l’humanité, peut-être à ce stade-ci
est-ce simplement un fardeau inutile du point de vue des machines ? En
effet, il semble que de nombreux efforts différents soient en cours pour
réduire ce fardeau. Faisons un court voyage dans notre mémoire, pour
voir d’où nous venons, puis essayons d’avoir un aperçu de ce que nous
réserve l’avenir.
Il était une fois, ainsi que le dit l’histoire, il y avait des
humains. Ils vivaient dans des groupes et des tribus, proches de la
nature. Ils pêchaient, chassaient, cueillaient ou cultivaient de la
nourriture. Ils fabriquaient aussi leurs propres vêtements et leurs
abris. Ils élevaient leurs propres enfants et prenaient soin de leurs
propres parents âgés. Les hommes étaient virils et se faisaient la
guerre les uns contre les autres. Les femmes étaient féminines et
gouvernaient la maison et le foyer.
Avance rapide jusqu’à nos jours et l’histoire change. Maintenant, ces
mêmes humains se trouvent à vivre dans des boîtes construites pour eux
(appelées « logement »), s’habillent dans des vêtements
fabriqués pour eux par des machines, mangent des produits industriels
transformés et emballés dans du plastique et permettent à leurs enfants
d’être élevés par des étrangers tandis que les adultes – les hommes et
les femmes – travaillent dans des usines, produisant des choses pour que
les autres puissent les consommer, en échange d’argent. Les hommes et
les femmes n’ont plus de rôles distincts (en dehors de l’enfantement) et
deviennent des unités de production abstraites non spécifiques à leur
genre. Ils ne produisent plus de choses pour eux-mêmes parce que cela ne
serait pas aussi efficace. Au lieu de cela, ils se spécialisent et sont
payés pour produire des choses dont ils n’ont généralement pas besoin,
afin qu’ils puissent consommer d’autres choses dont ils n’ont
généralement pas besoin, générant des tas de déchets qui sont maintenant
visibles à l’œil nu depuis l’orbite spatiale.
Avancez un peu plus, et l’histoire change à nouveau. Maintenant, ces
humains n’ont même plus à travailler pour produire beaucoup de tout
parce que la majeure partie de la production a été automatisée. Ils sont
transportés dans des wagons sans conducteur et vivent dans des maisons
imprimées en 3D. C’est encore leur travail de consommer, mais l’argent
pour payer pour cette consommation ne provient pas du travail. Au lieu
de cela, ceux d’en bas reçoivent divers revenus de soutien social, tels
que le revenu de base garanti, alors que ceux qui soufflent les bulles
financières, s’enrichissent des investissements spéculatifs. Ceux qui se
sont particulièrement bien comportés et sont obéissants parviennent
toujours à s’accrocher à certaines fonctions administratives, mais de
plus en plus ces fonctions sont automatisées. Quelques autres personnes
s’occupent en tant que « prosumers » qui conseillent les autres
sur ce qu’il faut consommer, ou en tant que défenseurs des
consommateurs. Si nous considérons que les États-Unis sont le pays à
l’avant-garde de cette transition vers un consommateur inactif, la
tendance est sans équivoque : plus de 100 millions d’adultes actifs en
âge de travailler aux États-Unis – près d’un tiers de la population –
sont actuellement sans travail. Un petit pourcentage de ces gens est
constitué de riches inoccupés ; la grande majorité sont des pauvres
inactifs.
Au fur et à mesure que cette histoire évolue, la quantité de dommages
environnementaux causée par les humains augmente à pas de géant. Bien
sûr, même les humains vivant près de la nature en tant que tribus
autonomes peuvent causer des dommages environnementaux considérables.
Mais ce n’est pas une exigence, et de nombreuses tribus ont habité le
même paysage pendant des milliers d’années sans avoir beaucoup d’impact
négatif. L’histoire de nos origines était la seule dont nous savions
qu’elle avait une chance d’être sans fin. Dans cette histoire, les gens
puisaient des ressources directement dans la nature en utilisant leur
propre pouvoir musculaire et leur esprit, à côté d’une certaine
puissance animale.
À l’exception du bois de chauffage, de l’éolienne ou du moulin à eau,
leurs sources d’énergie étaient toutes endosomatiques – de leur propre
corps. Mais à mesure que l’histoire a évolué, de plus en plus de sources
d’énergie exosomatique ont mis en avant les différents processus de
production spécialisés, et maintenant la grande majorité de l’énergie
provient des combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz naturel –
avec des « énergies renouvelables » telles que l’éolien et le solaire pour environ 1% de toute la consommation d’énergie. (La raison pour laquelle le mot « renouvelables »
est entre guillemets vient du fait que ces énergies ne peuvent pas être
produites sans combustibles fossiles : pas de combustibles fossiles
-> pas d’énergie renouvelable).
L’utilisation toujours croissante de sources d’énergie exosomatiques
épuise les ressources naturelles d’une part et endommage l’environnement
de l’autre. En temps voulu, ces deux effets vont commencer à influer
sur la quantité de produits pouvant être générés et consommés. Quand
cela va se produire, les machines ne vont pas s’arrêter, mais elles vont
commencer à produire de plus en plus de chaleur perdue ou d’entropie.
Par exemple, l’industrie des combustibles fossiles utilise de plus en
plus d’énergie pour l’exploration et la production, l’agriculture
industrielle utilise de plus en plus de produits chimiques et de plus en
plus de richesse est consacrée au traitement des maladies causées par
l’homme et liées à la pollution, comme le cancer.
Un effet secondaire est que, à mesure que les ressources naturelles
s’épuisent, l’effort pour continuer à produire les mêmes résultats
entraîne une plus grande dévastation environnementale : le pétrole
provenant des sables bitumineux et de la fracturation hydraulique est
beaucoup plus dommageable que les puits de pétrole conventionnels.
L’extraction du charbon par arasement du sommet des montagnes est bien
pire que son exploitation minière traditionnelle. Le résultat est un
cercle vicieux. Il ne peut pas être inversé, mais il peut être étiré
dans le temps, en ralentissant les machines et en les faisant répondre
aux besoins de moins d’humains.
La situation au point final de ce processus semble plutôt étrange :
les machines (avec un minimum d’intervention humaine) creusent la terre,
développent, traitent, fabriquent et transportent toutes sortes de
produits et les fournissent à une vaste population d’humains dont la
grande majorité n’a presque rien à voir avec l’ensemble du processus de
production. Il semblerait que les humains finissent par ne servir qu’une
seule fonction : en consommant, ils donnent aux machines une raison de
produire.
Mais il est possible de penser à d’autres moyens d’atteindre ce
résultat. Par exemple, au lieu d’avoir un million de personnes
consommant une certaine valeur en dollars, il peut être plus efficace,
dans l’ensemble, d’avoir une seule personne très riche qui consomme des
millions de dollars. En outre, étant donné qu’elles sont maintenant
confrontées à des contraintes environnementales et de ressources, les
machines ont maintenant moins, et non plus, de raisons de produire, pour
continuer à fonctionner plus longtemps.
Tout cela indiquerait un grand élan pour influer sur une réduction
massive de la population, de sorte que quelques personnes riches
pourraient continuer à se la couler douce, tranquillement
approvisionnées par des machines qui mâchent les ressources naturelles
restantes tout en détruisant l’environnement à un rythme toujours
accéléré. Ce n’est pas une spéculation sans fondement mais une tendance
évidente. Nous pouvons constater que n’importe quelle perturbation à
grande échelle est utilisée pour réduire la population. Dans une grande
partie du monde, les crises financières et politiques sont utilisées
comme occasions de dépouiller la sous-classe et pour enrichir davantage
les classes supérieures. Le processus par lequel les riches deviennent
plus riches alors que les pauvres continuent de devenir plus pauvres,
souvent confrontés au problème de l’inégalité, qui doit être résolu,
peut également être considéré comme une solution : à mesure que les
pauvres sont plus pauvres, leur espérance de vie et leurs chances de
succès en matière de reproduction diminuent, réduisant leur nombre,
diminuant ainsi le fardeau des machines qui les maintiennent en vie.
L’économie est une arme puissante pour la réduction de la population
et a été utilisée avec beaucoup de succès dans de nombreux endroits. Par
exemple, en Europe de l’Est, la destruction de l’héritage industriel
soviétique et des relations commerciales a amené les populations de
Lettonie et de Lituanie à baisser d’environ d’un quart depuis leur
indépendance, et même ces chiffres sont dépassés par l’effondrement
démographique qui se déroule en Ukraine. La Grèce a une forme aussi
médiocre. Là, les taux de suicides sont en forte hausse, en particulier
chez les personnes âgées maintenant démunies, tandis que certains jeunes
choisissent de se prostituer pour le prix d’un sandwich ou de
s’infecter par le VIH afin de bénéficier d’un soutien financier.
Une autre façon de réduire la population consiste à promouvoir la
toxicomanie. Aux États-Unis, il existe un pipeline qui génère des
toxicomanes : les médecins prescrivent librement des opioïdes pour la
douleur ; les patients deviennent dépendants. Lorsque la prescription
est épuisée, les toxicomanes recourent à des sources illégales de
drogue. L’Afghanistan, qui produit des cultures importantes d’opium sous
l’œil attentif des troupes de l’OTAN, a été très utile pour alimenter
cette vague de dépendance aux opioïdes. Le fentanyl, un opioïde
synthétique puissant utilisé pour « améliorer » l’héroïne de la
rue, entraine un nombre de surdoses sans cesse croissant. L’espérance
de vie des héroïnomanes a tendance à être plutôt faible, et leur succès à
se reproduire est beaucoup plus faible que celui de la population
générale.
Une autre façon de réduire les chiffres en diminuant le succès de la
reproduction est de favoriser la confusion entre les sexes chez les
jeunes. En enseignant aux jeunes que le genre n’est pas déterminé
biologiquement, mais un choix, ils sont doucement poussés à rejoindre le
segment de la population LGBTQ. Ce segment est connu pour des taux plus
élevés de dépression et de suicide et une réussite reproductive
beaucoup plus faible. Étant donné que la mère et le père sont des
archétypes humains génétiquement programmés, leurs enfants, s’ils
réussissent à en produire, sont susceptibles de faire moins de choses
aussi bien. Pousser l’agenda LGBTQ est également un bon moyen de
provoquer un conflit violent avec les nouveaux venus des cultures
traditionnelles qui considèrent la sodomie comme une infraction
capitale.
Mais que faire si ces moyens économiques, médicaux et éducatifs de
réduction de la population sont trop lents ? Alors les méthodes
politiques peuvent être mises en service. Une technique privilégiée est
la déstabilisation politique, comme nous le voyons maintenant en Europe
occidentale avec l’introduction de millions de migrants – en grande
parti des jeunes hommes agités – issus de cultures largement
incompatibles d’Afrique et du Moyen-Orient, qui deviennent rapidement
des prédateurs par rapport à la population autochtone. Bien que cela
puisse être considéré comme un moyen d’augmenter la population – par
l’immigration – il s’agit en fait de jeter quelques serpents dans une
cage pleine de souris : le nombre total d’animaux dans la cage augmente
légèrement au début et diminue constamment à partir de là car un peu
plus de serpents mangent beaucoup plus de souris. La fausse narration
sur les droits de l’homme, fondée sur une notion douloureuse de
culpabilité blanche, empêche les gens de réagir au naufrage de leurs
sociétés, de peur d’être qualifiés de fascistes ou de racistes.
Que le récit des droits de l’homme soit fourbe est clair dans un
développement parallèle et complémentaire : la russophobie. Lorsque
l’URSS s’est effondrée, environ 25 millions de Russes se sont
soudainement retrouvés du mauvais côté de la frontière russe, préparant
la scène à l’une des plus grandes catastrophes et calamités
démographiques du XXe siècle. Mais elle a été ignorée et
supprimée de l’Histoire en Occident, car ce n’était que des Russes.
L’objectif a été de les décrire comme des « Untermenschen »
– pas tout à fait humains, et donc inintéressants du point de vue des
droits de l’homme – à moins qu’ils ne soient des LGBTQ, auquel cas ils
pouvaient être utilisés pour accuser les Russes d’homophobie. Dans les
pays baltes et en Ukraine, l’Occident considère qu’il est parfaitement
légitime de considérer les résidents russes comme des citoyens de
deuxième classe. Cela serait considéré comme une politique manifestement
raciste si elle s’appliquait à tout autre groupe de personnes. Mais ce
sont des Russes, et donc cela n’a pas d’importance.
Ironiquement, être confronté à cette muraille d’indifférence et de
haine a conduit les Russes à devenir plus concernés. C’est dans leur
caractère national d’être un peu pénibles lorsque les temps sont
cléments et de devenir soudainement motivés, organisés et efficaces
lorsque la situation est grave. Cela a déjà été clairement vu en
économie, où les entreprises russes ont obtenu des résultats
spectaculaires grâce aux sanctions occidentales, ou malgré elles, et ont
fait des progrès pour rendre la Russie autosuffisante au niveau des
denrées alimentaires, des technologies liées à l’énergie et dans
d’autres domaines. La situation est moins claire en ce qui concerne la
politique. D’une part, l’accent est clairement mis sur la prise en
charge des personnes : leur fournir un meilleur logement, de meilleurs
soins médicaux, une bonne éducation, etc. D’autre part, comme cela a été
précisé par la récente émission annuelle de trois heures, Ligne directe
avec Poutine, où des gens de tout le pays lui ont demandé, à la
télévision nationale et en direct, de les aider à gérer les problèmes
que leurs fonctionnaires locaux avaient échoué à résoudre, le système
politique fonctionne toujours en mode manuel : vous devez passer par le
président du pays pour obtenir un coup de pouce, car les responsables
locaux sont encore dans leur mode dédaigneux. Mais Poutine est un
bureaucrate talentueux et il est capable de convertir ces solutions
ponctuelles en politiques systémiques.
Malgré le racisme flagrant de la russophobie occidentale, les Russes
ne sont pas démoralisés ou intimidés mais se jettent dans la bagarre
avec la tête chauffée à blanc sous la forme d’une indignation juste et
d’une confiance en soi renouvelée. Mais peut-être que faire des Russes
des « Untermenschen » n’est même pas tant qu’il
s’agisse des Russes que de tester une méthode générale. Après tout, si
un pays énorme et puissant comme la Russie peut être transformé en un
pays paria aux yeux des gens et que les droits humains de sa population
sont ignorés, alors diaboliser, puis punir avec succès, d’autres pays
moins indépendants et plus fragiles et des groupes ethniques à travers
le monde ne devrait pas poser de problème.
D’abord, ils sont venus pour les russes, et les gens n’ont rien dit,
voire ont applaudi. Et puis ils sont venus pour les populations
autochtones de divers autres pays, et les guerriers de la justice
sociale ont applaudi. Et ainsi de suite… Mais qui, selon vous, va les
encourager quand ils viendront pour vous ? Alors ? Le 1%, bien sûr !
Parce que, vous voyez, techniquement parlant, les autres humains ne sont
même pas nécessaires.
Dmitry Orlov
Pas d'accord avec Orlov. Les humains sont absolument nécessaires ; on en est convaincu si on élève le débat à un point de vue cosmique (je n'aime pas ce terme car il fait trop illuminé...). Bref, pour ceux qui savent et qui ont eu l'occasion de le vérifier, l'ensemble de la vie organique sur terre, qui devrait être gérée par les humains (une sorte d'entre eux), sert de station de transmission de l'énergie du soleil vers notre satellite actuellement considéré comme un foetus cosmique. Cette transmission d'énergie est une charge écrasante pour l'humanité, mais elle vise à permettre, à terme, la création d'une atmosphère sur la Lune pour que la vie puisse y apparaître. Si l'humanité subit autant de guerres et de catastrophes naturelles, c'est tout simplement dû au fait que nous nous montrons incapables de gérer correctement l'ensemble de la vie organique, ce qui provoque des convulsions du soleil dont les premières conséquences sont répercutées vers l'état psychologique de l'humanité, faisant avancer celle-ci vers les guerres sans fin. Je sais que cela peut paraître farfelu, mais c'est la stricte réalité. Donc, pour conclure par rapport à l'article, nous avons besoin, parmi le nombre d'humains se trouvant sur terre, d'une proportion plus importante de ceux qui sont capables de gérer cette situation avec une rigueur toute scientifique. Hélas, les ennemis de la vie sont les plus nombreux et lancent à leur trousse des bataillons "fléaux de Dieu" dont, justement, le symbole est la Lune ...pour nous rappeler à nos devoirs.
RépondreSupprimerPierre