lundi 18 décembre 2017

Non, les États-Unis n’ont pas abandonné les Kurdes syriens

Article original de Andrew Korybko, publié le 2 Décembre 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Trump Erdogan phone call 

Trump s’est ostensiblement compromis devant le président turc Erdogan en promettant qu’il va cesser d’armer les Kurdes syriens.

Les dirigeants américains et turcs se sont entretenus par téléphone vendredi dernier, entretien au cours duquel Trump aurait déclaré à son homologue qu’il cesserait de donner des armes aux Kurdes syriens. La partie turque a rapporté que Trump a qualifié la politique de l’administration précédente, armant les YPG, d’« absurdité » et a promis d’y mettre fin, alors que la lecture officielle de la Maison Blanche était plus ambiguë et a dit qu’il « avait informé le président Erdogan des ajustements en cours concernant le soutien militaire fourni à nos partenaires sur le terrain en Syrie ».



L’écart d’interprétation entre les deux côtés de cette conversation a incité le vice-Premier ministre turc à déclarer que les États-Unis « tromperaient le monde entier » s’ils revenaient sur cette promesse, tandis que le Pentagone a réitéré qu’il « examinait les ajustements en cours sur le soutien apporté aux partenaires kurdes selon les exigences militaires après avoir défait ISIS et nos efforts de stabilisation pour empêcher ISIS de revenir ».

En outre, il convient de rappeler que des informations circulent selon lesquelles les États-Unis reconnaîtraient officiellement qu’il y a jusqu’à 2000 de leurs troupes qui se trouvent en Syrie, ce qui serait environ quatre fois plus que ce qui avait été précédemment admis, et que le Pentagone s’oriente vers une mission « sans fin » dans ce pays déchiré par la guerre, maintenant que Daech – qui est la raison avancée pour justifier cette présence – est vaincu. Ce que tout cela signifie, c’est que les États-Unis ne se retireront probablement pas de Syrie, et il est possible que les livraisons d’armes aux Kurdes continuent.

Peu importe ce que Trump a dit ou non au président Erdogan, il a déclaré début avril qu’il avait donné à l’armée américaine « l’autorisation totale » de faire ce qu’elle veut, donc si le Pentagone décide qu’il faut continuer à armer les Kurdes syriens, c’est exactement ce que les États-Unis finiront probablement par faire. En outre, personne ne connaît la terminologie exacte que Trump a pu utiliser lors de son appel téléphonique. Il pourrait donc tenter d’utiliser une « faille technique » en vendant des armes aux Kurdes syriens au lieu de les « prêter » comme le font les États-Unis actuellement.
Quoi qu’il en soit, le fait peu probable que l’armée américaine se retire de Syrie signifierait que le Pentagone pourrait encore étendre son parapluie de défense à ses alliés sur le terrain, conjurant ainsi une intervention militaire turque et créant un prétexte pour former un soi-disant « pont aérien » dans le cas où les États voisins tenteraient de bloquer cette région comme ils l’ont fait avec le Kurdistan irakien. La principale différence entre les Kurdes irakiens et syriens est que les premiers n’avaient pas 2000 troupes américaines et apparemment 10 bases américaines sur leur territoire, d’où la « trahison » de Washington.

En outre, l’Irak est déjà un pays partitionné en raison de son statut « fédéral », alors que la Syrie n’a pas encore officiellement suivi ses traces, donc la présence militaire américaine prolongée indéfiniment est conçue pour faire avancer la « solution politique » préférée de Washington en exerçant une pression sur Damas. En revanche,  le discours de Trump sur les livraisons d’armes aux Kurdes syriens, censées se terminer, est lui censé donner à la Turquie une excuse pour accepter passivement ce qu’elle avait dit refuser précédemment tout en sauvant la face.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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