Article original de Dmitry Orlov, publié le 18 janvier 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Je me suis lancé dans cette série d’essais pour me concentrer sur un moment particulièrement difficile et tendu de l’histoire américaine. Les États-Unis et le Canada et, dans une moindre mesure, l’Europe occidentale, font une dépression nerveuse et sont aux prises avec l’hystérie du gender. Soudainement, tout le monde a hâte de jouer la victime sous une forme ou sous une autre d’abus sexuel, alors qu’une nouvelle catégorie de victimes, les hommes hétérosexuels blancs, est pointée du doigt par une forme d’abus particulièrement sinistre : toute tentative de se défendre les amène à être fustigés comme des fascistes sexistes homophobes racistes. L’extrême ironie du fait que ce mode d’attaque lui-même se déroule sous la bannière du raciste (anti-blanc) hétérophobe (anti-hétérosexuel) sexiste (anti-masculin) fasciste (loi de la Cour bidon) est entièrement perdu de vue par ses auteurs.
Mais il y a beaucoup plus ironique. Une grande partie de la récente hystérie sur le harcèlement sexuel vient de Hollywood, où des starlettes de différents millésimes, toutes très bien dotées financièrement, ont porté des accusations contre leurs anciens collègues masculins, détruisant ainsi leur héritage et mettant un terme à leur carrière. Ce qui est ironique, c’est que beaucoup de ces anciennes tentatrices ont construit leur fortune considérable sur la provocation sexuelle, sinon le harcèlement sexuel, en aguichant les hommes parmi leur public en la jouant « vous pouvez regarder mais vous ne pouvez pas toucher ».
Il n’y a peut-être pas de pénurie de fripouilles parmi les exploiteurs de Hollywood et les parasites associés, y compris certains types violents. Mais il est à noter que certains des hommes dont la réputation a été ruinée par cette hystérie du harcèlement sexuel sont exceptionnellement non violents, comme l’animateur radio Garrison Keillor et le réalisateur Woody Allen. Il est également remarquable que les femmes qui ont jusqu’ici défendu les hommes sont parmi les plus fortes et les plus indépendantes. L’auteure Margaret Atwood a comparé cette hystérie aux procès en sorcellerie, comme à Salem en 1692. L’actrice Catherine Deneuve a signé une lettre, avec une centaine d’autres femmes françaises, condamnant cette nouvelle vague de « puritanisme anglo-américain ».
Elles ont été immédiatement attaquées par celles qui ont trouvé que ce qu’elles avaient à dire était offensant. Être offensé est une nouvelle monnaie virtuelle dans les médias sociaux : ceux qui sont offensés obtiennent plus de followers, de likes et de retweets que ceux qui ne le sont pas. C’est un pur jeu de pouvoir : ceux qui sont offensés revendiquent automatiquement le droit d’exiger des excuses. Le choix consiste alors à s’excuser (admettant ainsi un acte répréhensible) ou à refuser de s’excuser (démontrant ainsi son manque de conscience ou de remords). C’est précisément la dynamique des procès en sorcellerie auxquels Atwood a probablement fait allusion : jeter la sorcière dans l’eau ; si elle flotte, elle est une sorcière ; si elle se noie, elle n’est que morte.
L’offensive est le contraire de la défense, et la fonction d’être offensé est de forcer les gens à se défendre, les plaçant ainsi dans une position plus faible, car, comme le dit l’adage, « la meilleure défense, c’est l’attaque ». Faire obstruction vous fait paraître faible, tout comme les insultes pour se couvrir. Mais ce qui fonctionne bien, c’est d’élargir le terrain de jeu artificiellement délimité pour y inclure tout le paysage environnant. C’est ce que je propose : un changement de décor. Au lieu d’un tableau qui comprend deux dramatis personae, un homme (l’auteur présumé), une femme (la victime présumée) et peut-être un canapé en cuir noir comme accessoire, abattez les murs pour inclure les champs, les forêts et beaucoup d’autres animaux, dont certains pris en flagrant délit alors que le rideau se lève.
Au fur et à mesure que les murs et le toit disparaissent, le sol se transforme en prairie et les alouettes s’envolent au-dessus du canapé en cuir noir lâchant un peu de guano sur nos acteurs, pris dans différentes postures déshabillées, qui se voient soudainement confrontés à des preuves irréfutables qu’ils sont aussi des animaux, entourés d’autres animaux ayant aussi des rapports sexuels. Il y a des vers de terre rampant à leurs pieds ayant des rapports sexuels avec eux-mêmes (ils sont hermaphrodites), des porcs, des chèvres, des moutons, des chevaux et d’autres animaux s’accouplant avec force. Les écureuils se poursuivent autour d’un arbre avant de se sauter les uns sur les autres. Une ânesse en chaleur est poursuivie par une longue file d’ânes au trot. Il y a quelques chiens collés ensemble, et la chienne aboie et gronde ; a-t-elle seulement consenti ? Un lapin essaie de tourmenter un poulet. Et les deux acteurs humains sont forcés de considérer la possibilité qu’éventuellement aucun de ces rapports sexuels n’est, à proprement parler, consenti. Devraient-il être offensés, scandalisés, et à quel point ?
Si nous considérons que la réponse est « pas du tout », ne serait-ce pas la formulation d’une demande pour traiter les humains comme l’exception tout en refusant les mêmes droits aux animaux ? Ce serait pire que raciste ; ce serait spéciste ! Non seulement cela, mais nous légaliserions implicitement le viol chez les animaux. Mais même si nous nous assurons que tous les rapports sexuels entre animaux sont consensuels, qu’en est-il des animaux transgenres ? Par exemple, les chèvres ont-elles un genre ? Et comment pouvons-nous savoir si un certain animal ne s’identifie pas à un autre animal ? Et si un écureuil s’identifie à un poisson-chat ? Ne serions-nous pas négligents si nous ne parvenions pas à respecter son choix et à l’équiper en miniature pour la plongée ? Et si un animal est en chaleur, cela ne le rend-il pas temporairement non compos mentis et donc incapable de donner un consentement éclairé ?
Ce qui rend ce problème encore plus difficile, c’est le fait que le sexe est souvent associé à une certaine forme de violence. Considérez la caractéristique évoluée de l’hymen. Sa fonction même est de rendre le sexe sans violence impossible, du moins au début. Chez de nombreuses espèces, y compris les humains, l’accouplement implique généralement la soumission féminine et la domination masculine. Ceci est une caractéristique, pas un bug, et elle a été encodée dans nos gènes à travers un processus évolutif qui, évidemment, favorise ceux qui se reproduisent avec succès.
Ce problème devient particulièrement aigu si les animaux (et / ou humains) en question sont suédois. Vous voyez, en Suède, le consentement à des rapports sexuels doit être écrit. C’est facile grâce à une application sur votre smartphone. Je ne l’ai jamais utilisée, mais apparemment, il y a des cases à cocher pour différentes techniques sexuelles : une liste de contrôles pré-coït, si vous voulez. En théorie, cela semble assez évident jusqu’à ce que vous considériez que le consentement est en réalité beaucoup plus compliqué qu’un simple oui ou non. Le fait que l’acte sexuel ait réellement lieu dépend d’une multitude de vecteurs le long de nombreuses dimensions, pas toutes orthogonales.
Peut-être que l’application suédoise au consentement sexuel devrait être conçue avec des curseurs plutôt que des cases à cocher. Les dimensions peuvent inclure : la sensibilité et le désir ; l’amour et l’engouement ; la convoitise et l’ambition ; la curiosité et la peur ; le dédain ; l’admiration et la pitié ; l’indifférence et la sympathie ; l’égoïsme ; le dévouement et la soumission ; la timidité et la confiance ; la nervosité et le calme ; l’ingéniosité et la naïveté. Comment ces paramètres peuvent être déterminés et traités dans un simple oui ou non me dépasse.
Ce que je crois que cette discussion fait ressortir, c’est que la séduction est une forme d’art particulière, car elle est teintée de violence et que la réduire à un oui-ou-non officieux est révélateur d’un effondrement social et culturel. Dans les sociétés où les rapports de genre sont devenus suffisamment empoisonnés pour exiger de telles méthodes légalistes, on peut dire que les étapes de l’effondrement ont suivi leur cours. Tout ce qui est nécessaire pour achever le processus est un effondrement financier, commercial et politique. Ce sera le cas une fois que les ressources naturelles non renouvelables − en particulier les combustibles fossiles − se seront suffisamment raréfiées. Les sociétés qui accomplissent les cinq étapes de l’effondrement soit disparaissent, soit subsistent dans un état pire que l’extinction, comme les Iks, décrits par Colin Turnbull dont j’ai fait un résumé dans une étude de cas dans mon ouvrage « Les cinq stades de l’effondrement ».
Ceux qui souhaitent survivre à un effondrement financier, commercial et politique devraient faire tout ce qu’ils peuvent pour s’écarter du bord de l’effondrement social et culturel, désintoxiquer les relations entre les sexes et trouver des moyens de s’adapter les uns aux autres. En gardant à l’esprit que presque tous les scénarios d’effondrement nous rapprochent de la nature, y compris de notre propre nature animale, je me sens autorisé à faire une prédiction audacieuse : cet effondrement rendra les femmes et les hommes aussi peu interchangeables que les poules et les coqs ou les vaches et les taureaux. Les différences biologiques entre les sexes, qui n’ont pas beaucoup d’importance si tout le monde devient une sorte de plancton de bureau ou de personnel de service, redeviendront très importantes. Je crois que dans un effondrement, un rôle essentiel, existentiellement important, sera joué par certaines caractéristiques génétiquement codées qui rendent les hommes différents des femmes. Je vais les décrire, ainsi que leur importance, dans les prochains épisodes de cette série, étalés sur les prochaines semaines.
Dmitry Orlov
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire