Article original de Andrew Korybko, publié le 12 Décembre 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Le président philippin Duterte a menacé de mettre en place un « gouvernement révolutionnaire » en réaction à la montée des troubles de type guerre hybride contre son gouvernement, remarquant qu’« une fois que votre déstabilisation créera le chaos, je n’hésiterai pas à déclarer un gouvernement révolutionnaire jusqu’à la fin de mon mandat… Ce gouvernement révolutionnaire réformerait le système fédéral, ratifierait une nouvelle Constitution, réduirait la corruption, améliorerait et moderniserait la sécurité et mettrait fin à l’emprise des cartels. Tout cela peut être à vous, Philippins, si vous donnez simplement au président un pouvoir absolu ». Dans un sens, les Philippines ont déjà un gouvernement semi-révolutionnaire par le simple fait que Duterte a été élu, puisqu’il a rapidement réagi pour révolutionner les partenariats étrangers de son pays et faire avancer les deux initiatives de stabilisation interne, la guerre contre la drogue et la « fédéralisation » afin de faire face aux menaces non étatiques des trafiquants de drogue et des insurgés.
Par conséquent, Duterte avait probablement à l’esprit le stéréotype d’un gouvernement ouvertement autoritaire qui ne recule devant rien pour faire avancer ses objectifs politiques, comme ceux qu’il a énumérés dans sa déclaration. Il y a des arguments évidents pour et contre ce qui se passe. Du côté positif des choses, Duterte doit en effet être capable de sauvegarder le succès révolutionnaire qu’il a eu jusqu’ici, quoique, du point de vue négatif, le faire avec sa menace « révolutionnaire » entraînerait presque certainement des efforts américains pour l’« isoler » dans la région par des sanctions et d’autres mesures. Cela pourrait inclure une extension plus manifeste du soutien aux soi-disant « combattants de la liberté démocratique » qui seront vraisemblablement des agents d’une révolution colorée et des terroristes de la Guerre hybride, jusqu’à inclure Daech et toute franchise régionale censée y être affiliée.
Il est extrêmement improbable que les États-Unis soutiennent Duterte au cas où il dévoilerait son soi-disant « gouvernement révolutionnaire » en raison de la forte pression qu’ils exercent sur lui au sujet des supposées « violations des droits de l’homme » qui ont eu lieu pendant sa guerre contre la drogue. C’est pourquoi on devrait s’attendre à ce que cela ne fasse que s’intensifier si cela arrive. Une telle démarche ne viserait pas seulement à promouvoir un changement de régime, mais à créer les conditions dans lesquelles Duterte se sentira obligé de demander un soutien antiterroriste aux troupes américaines basées dans le pays, lesquelles devenant ainsi les garantes de la stabilité dans son pays et mettant les États-Unis en bonne position pour capturer le contrôle de ses politiques par procuration à travers ce scénario de guerre hybride très rusé. « Gouvernement révolutionnaire » ou non, Duterte va sentir le souffle chaud des États-Unis sur son cou. La question est seulement de savoir s’il sera dans une meilleure position pour le contrer s’il a un pouvoir absolu ou s’il respecte les limites de la Constitution qui limitent son autorité.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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