mardi 4 avril 2017

Jean-Loup Izambert – Trump face à l’Europe

Note de Lecture


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Jean-Loup Izambert
Le journaliste Jean-Loup Izambert vient de publier un livre, le 1er Mars 2017, quelques mois seulement après l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis en novembre 2016. Ce livre, Trump face à l’Europe, prend néanmoins le temps de reposer les bases géopolitiques permettant de comprendre les rapports de force actuels entre les différents acteurs qui font l’actualité.

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C’est l’auteur lui-même qui m'a contactés pour nous proposer son livre et, après celui de Kunstler, je vous propose de vous dresser une rapide synthèse de cette lecture. N’ayant pas lu ses précédents ouvrages et ne connaissant l’auteur que de nom, je ne parlerai que de son texte. Il a aussi accepté de se prêter à une interview que vous pouvez retrouver plus bas.



Le titre peut paraître assez trompeur et on pourrait s’attendre à plonger dans l’actualité des récentes déclarations de l’équipe de Trump sur l’OTAN, sur l’UE alors que, paradoxalement, on commence par une plongée dans l’Histoire et même une double ou triple plongée dans celle de l’Asie, des États-Unis et de l’Europe. Izambert part de l’analyse d’Alexandre Latsa, dans son livre Un printemps Russe, sur la situation de la Russie et des différentes organisations qui structurent l’eurasisme avec un succès grandissant, malgré les attaques occidentales pour torpiller ces coopérations.

Dans ce contexte, les États-Unis sont assez logiquement décrits comme le Pays de la guerre qui, non content de vivre de ces guerres perpétuelles, entend continuer à faire monter les tensions en s’appuyant sur des ennemis réels et imaginaires à l’image de la première Guerre froide, une aubaine des deux côtés, pour leurs oligarchies respectives. Pour cela, les USA ont absolument besoin d’un contrôle militaire, politique et économique sur l’Europe de l’Ouest. L’OTAN, l’UE et les médias pro-atlantistes sont les outils de cette domination. Du point de vue économique, ces tensions sont aussi l’occasion pour les USA d’affaiblir encore les pays d’Europe de l’Ouest pour favoriser ses multinationales.

L’auteur analyse les multiples facteurs de cet affaiblissement, les guerres (Balkans, Ukraine), l’immigration massive, son couplage avec le terrorisme avec toutes les conséquences sociales et économiques sur les populations locales déjà en cours de paupérisation.

Le livre se termine sur deux constats, l’un que le système centré sur les États-Unis n’a que la fuite en avant guerrière pour se prémunir d’un effondrement et que Trump, qui a pris le navire en marche, n’a pas forcément les moyens de l’infléchir, l’autre que Trump n’est tout simplement ni le trublion qu’il prétend être, ni l’acteur d’un changement radical mais une simple nuance des élites américaines.
En 260 pages, ce livre est une opération coup de poing, menée à un rythme infernal, articulant de multiples sujets avec une grande profondeur historique. Du coup l’auteur ne s’embarrasse pas de nuances et ne négocie en rien avec le politiquement correct des médias occidentaux. Il y a un parti pris pro-multipolaire et anti-unipolaire caractérisé. Si vous lisez avec plaisir notre blogue, vous ne serez pas perdu, bien au contraire.

C’est d’ailleurs un autre trait du livre. Les sources sont une collection de liens de blogues ayant pignon sur rue dans la sphère anti-système, sputniknews.com, reseauinternational.net ou encore voltairenet.org, le site de Thierry Meyssan.

Si vous cherchez un fil conducteur pour mieux comprendre l’actualité, c’est sans doute un livre à lire d’autant qu’il refait un large tour d’horizon des forces en présence pour donner du sens aux conflits récents. Il s’appuie avec justesse sur des sources bien à jour et surfe aussi sur l’explosion de ces multiples blogues, auteurs, vidéos qui sont apparus ces dernières années pour suppléer à l’effondrement des médias traditionnels.

Un des autres intérêts du livre est de montrer l’articulation de sujets aussi divers que l’économie, la monnaie, la géopolitique, l’énergie et bien d’autres pour appréhender la complexité de notre monde. C’est un des objectifs de notre propre activité au Saker Francophone, défricher tous ces sujets, en parallèle, pour ne pas se contenter d’un seul point de vue. L’auteur a visiblement une compréhension solide de tous ces sujets et ce livre est l’occasion pour lui de le démontrer avec brio.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’auteur, retrouvez-le sur TV Libertés sur les collusions de l’État Français avec les réseaux terroristes.




Interview de Jean-Loup Izambert du 20 mars 2017

– Bonjour Mr Izambert. Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?
Jean-Loup Izambert : – Je suis journaliste depuis quarante-cinq ans et je travaille en indépendant depuis 1987 après avoir occupé différentes fonctions au sein de différents médias français très divers, du mensuel économique et financier du groupe Les Echos à L’Humanité. J’ai fréquenté les couloirs feutrés de sociétés transnationales et partagé les vies malmenées des prolétaires des champs. Je suis également passé de « l’autre côté du miroir » en exerçant comme conseil en communication au sein de collectivités territoriales et d’entreprises, de PME comme de quelques grands comptes. J’y ai rencontré des personnages passionnants et tiré les moyens de financer mes enquêtes à long terme tout en assurant le nécessaire à ma famille. Faisant le constat que de grandes questions économiques et politiques n’étaient pas traitées par les médias officiels pour des raisons diverses, mon activité s’est très vite portée sur ces domaines. Apporter aux lecteurs des faits et des éléments les incitant à réfléchir, voire à agir pour changer l’ordre des choses, demande un travail personnel important sur le long terme pour tenter d’expliquer simplement des réalités complexes. Le journalisme d’investigation s’est imposé à moi tout naturellement et de manière indépendante afin de préserver ma liberté d’enquête, de réflexion et de publication.

– Pourquoi sortir un livre d’analyse aussi vite après l’élection américaine? Ne fallait-il pas laisser retomber la poussière et voir ce que Trump envisage de faire concrètement?

– Je n’ai jamais eu aucune illusion sur Donald Trump. Tout comme Hillary Clinton il est lié aux mêmes milieux des milliardaires des sociétés transnationales et du complexe militaro-industriel. Or, dans aucun  pays vous ne pouvez avoir l’ambition d’agir pour l’émancipation humaine, le premier combat pour la liberté, sans vous en prendre à « la racine de mal » comme disait Marx. Cela veut dire décider de mesures politiques qui mettent la grande finance et les dirigeants des entreprises au service de l’intérêt général – les hommes qui font l’entreprise et son environnement – et non plus au seul profit des clans des grands propriétaires privés de la finance et de l’économie. De même, vous ne pouvez assurer la stabilité monétaire et la stabilité financière sans contrôler les mouvements de capitaux, sans être maître de l’utilisation des ressources financières de la nation. Aussi, parler de changement sans proposer de s’attaquer à ces questions est soit être naïf, soit foncièrement malhonnête. L’impérialisme est en fin de vie et ne doit plus sa survie qu’à des opérations de fausse alternance de ce genre et à l’absence d’organisations politiques qui proposent de s’attaquer réellement et prioritairement à ces questions. On ne peut envisager sérieusement que Donald Trump puisse modifier la situation de l’emploi dans les États-Unis en pleine crise structurelle sans prendre des mesures qui obligent les dirigeants de la grande finance et des sociétés transnationales à agir pour l’intérêt général. La question, qui ne vaut pas que pour les États-Unis, est de réorienter les bénéfices réalisés par les entreprises au profit de leur développement (création d’emplois, renforcement de la recherche et développement, augmentation des salaires, etc.) comme de celui de leur environnement. Ce changement nécessite une gestion démocratique des entreprises qui implique un engagement des salariés dans leur fonctionnement. Il s’agit, comme l’explique Hervé Sérieyx dans son Alerte sur notre contrat social, « de passer du ‘personnel-instrument’ au service de l’organisation à ‘l’organisation-instrument’ au service des personnes ». Cela revient à remettre en cause les fondements du capitalisme et ses hiérarchies de castes fermées contre un monde qui s’ouvre, ce que Donald Trump ne veut pas. Du reste que sont devenues ses promesses électorales ? Les places off-shore continuent d’héberger les filiales des transnationales étasuniennes qui y exportent la majeure partie de leurs bénéfices dans l’opacité la plus totale, les interventions de l’administration Trump dans les affaires intérieures d’autres États non seulement se poursuivent sur tous les continents mais se développent. De même, le renforcement du dispositif offensif de l’OTAN aux frontières de la Fédération de Russie est toujours en cours. Par ailleurs, les conseillers de Trump sont tous liés aux cercles impérialistes étasuniens, ce qui n’augure rien de bon pour la paix du monde. Vous noterez que, à quelques rares exceptions, les mêmes conseillers auraient pu tout aussi bien se mettre au service du clan Clinton pour mener une politique identique.

– Pouvez-vous commenter la couverture? Le titre oppose Trump à l’Europe alors que la photo choisie pour représenter l’Europe est celle de Vladimir Poutine? Et aussi ce sous-titre anxiogène « Peut-on éviter une nouvelle guerre mondiale? » qui peut sembler anachronique, car c’est Hillary Clinton qui pouvait le plus représenter le parti de la Guerre.
– La photo du président russe illustre l’Europe réelle, c’est-à-dire celle qui compte, celle qui se construit de Vladivostok à Lisbonne comme je le montre en début d’ouvrage. Qui mieux que le président russe représente l’Europe de la paix ? Certainement pas le président français et encore moins un quelconque fonctionnaire de la Commission dite « européenne » de Bruxelles. L’actuelle Union « européenne » n’est qu’une fabrication artificielle par laquelle Washington s’efforce d’empêcher la construction européenne en séparant son versant Ouest de son cœur, la Fédération de Russie. Je ne peux symboliser l’Europe par l’un de ces dirigeants qui s’évertuent à vouloir construire une union « européenne » sans la première puissance économique, financière, politique, culturelle et militaire du continent. L’Europe de Bruxelles est tout simplement vouée à disparaître à plus ou moins long terme. Vladimir Poutine quant à lui représente bien l’avenir de l’Europe, celle qui s’engage non pas dans des aventures militaires et s’empêtre dans la crise mais s’efforce de promouvoir une politique de paix et de développement économique et social. J’en donne de nombreux exemples comme vous avez pu le lire. Cela ne veut pas dire que j’approuve pleinement la politique du gouvernement russe dirigée par le Premier ministre Medvedev mais force est de constater que la Fédération de Russie défend la paix en Europe et dans le monde alors que les dirigeants français arment des groupes terroristes pour renverser les gouvernements qui ne conviennent pas à Washington. Que resterait-il de la Syrie aujourd’hui sans la coopération diplomatique et militaire de Moscou avec Damas et Téhéran ? Une autre Libye démantelée, une nouvelle place forte du terrorisme ! Quand au sous-titre, « Peut-on éviter une nouvelle guerre mondiale ? », je pense qu’il colle parfaitement à la réalité. Comme vous avez pu le lire au fil des chapitres nous sommes déjà en guerre : guerre politique, économique, financière, médiatique. Ces attaques de Washington contre l’Europe ne sont pas nouvelles mais elles ont pris aujourd’hui une telle intensité sur le continent européen qu’il est urgent de les stopper car elles conduisent le monde à sa perte. N’oublions pas, l’histoire l’a montré, que la guerre économique propre au capitalisme conduit toujours à la guerre totale. Les Français n’en n’ont pas conscience car les médias officiels ne traitent pas de ces questions importantes : la construction européenne avec tous les pays du continent, le développement de l’organisation de l’Union européenne eurasiatique ou de l’OCS, le renforcement de l’OTAN et les provocations militaires aux frontières de la Fédération de Russie, les conséquences sur l’économie de l’Europe occidentale des sanctions économiques décidées par Washington et reprises par Bruxelles, les tentatives de contrôle des médias, l’espionnage US en Europe, le soutien des gouvernements étasunien et français à des organisations criminelles, les initiatives en faveur de la paix et les coopérations économiques sur le continent européen au-delà de la petite Union « européenne », etc. Qui en parle vraiment dans les médias français ? Si Hillary Clinton est bien la représentante du parti de la guerre, de ce clan arrogant et prétentieux qui pense pouvoir régenter le monde avec son pays en ruines, en quoi Donald Trump serait-il différent ? Il n’a pris, alors qu’il pouvait le faire dès son accession à la présidence justement pour marquer une nouvelle orientation politique, aucune mesure significative, essentielle, permettant de stopper la crise, les interventions des États-Unis dans les affaires intérieures d’autres pays et les préparatifs de guerre.

– Le livre fourmille de détails, de références à différentes analyses et comme je suis gourmand, j’ai presque envie d’en avoir un peu plus. Par exemple, sur le phénomène d’immigration massive, vous citez cette fameuse analyse autrichienne de Direckt qui pointe des responsabilités aux USA, dont celles du réseau Soros, mais je n’ai rien trouvé sur l’organisation de ces trafics à la source. Comment ne peut-on pas tracer les incitations concrètes dans les pays d’origine pour que ces gens se mettent en marche ? On a parlé de la publicité faite par l’ambassade d’Allemagne, mais pas de témoignages des migrants eux-même sur la réalité de leur expérience par exemple. Est-ce si difficile de pénétrer ses réseaux de trafic d’êtres humains ?
– C’est une question importante que vous soulevez. Y répondre demande de mener une enquête de terrain sur le long terme qui n’est pas aisée. Je m’y suis engagé pour la préparation du tome 2 de 56 – Mensonges et crimes d’État, qui paraîtra en juin prochain – en remontant l’une des filières de passage de l’Europe occidentale (Belgique, France et Espagne) vers le  nord Maroc. J’ai vécu plusieurs années au Maroc, ai voyagé à de nombreuses reprises entre la France, l’Espagne et le Maroc et ai pu suivre l’évolution de cette filière entre 2009 et 2014. Depuis quelques villes marocaines du nord-Maroc – région qui compte de nombreux Marocains résidant à l’étranger, les RME comme on les appelle –, les « combattants » recrutés étaient dirigés par des facilitateurs vers d’autres pays d’Afrique, la Libye mais surtout la Turquie pour aller combattre en Syrie. Concernant la masse de migrants déportée vers l’Europe, ce sont des fuyards qui désertent le combat pour libérer leur pays de l’occupation étrangère ou du pillage des sociétés transnationales occidentales. Ceux qui empruntent les deux corridors ouverts par les États-Unis – la filière de la Méditerranée après le renversement du régime libyen et la filière des Balkans après la guerre contre la Fédération de Yougoslavie – sont déjà sur place, dans des camps improvisés ou d’organisations de l’ONU. Vous avez là des passeurs qui se chargent de rassembler les candidats à l’exode, de les regrouper, de collecter les fonds et d’organiser leurs départs. Dès cet instant des associations financées tantôt par de plus importantes associations étasuniennes subventionnées par le gouvernement US ou par des milliardaires comme George Soros entrent en jeu. L’association Open Society de Soros est l’une des plus actives et apparente dans le financement de structures destinées à favoriser le passage des migrants et leur installation en Europe occidentale. Elles ont d’abord été installées dans les pays du sud de l’Europe occidentale afin de faciliter leur venue : la Central European University (CEU – Université d’Europe Centrale, créée en 1991 par Soros), qui aide par exemple Migration Aid, une ONG britannique d’aide matérielle sur le terrain, qui a, entre autres, mis au point Infoaid, une application mobile d’aide aux migrants ; Solidarity Now, créée en Grèce par l’Open Society en 2013 et qui entend, notamment en finançant d’autres organisations, prendre un poids conséquent au sein de la « société civile » grecque. En parallèle, l’Open Society finance plus d’une vingtaine d’ONG de natures diverses, et qui œuvrent pour l’accueil et l’installation des migrants : Refugee Aid Miksalište, Migrant’s Help Association for Hungary (MigHelp), Menédek – Hungarian Association for Migrants, International Rescue Committee, PICUM (Plateforme pour la coopération internationale sur les sans-papiers), UNITED for Intercultural Action, Legis, Solidarity Now, et bien d’autres qu’il serait trop long de citer ici. Peu de choses ont été publiées sur ce sujet mais vous avez pu lire des extraits de témoignages que j’ai recueillis auprès de fonctionnaires de divers services de renseignement. J’en publierai d’autres dans le tome 2 de 56. Le site Internet de la Fondation Prometheus (www. fondation-prometheus.org) a publié en octobre 2016 un très intéressant article à ce sujet sous le titre George Soros, le Brexit et les migrants.

Pour répondre à la seconde partie de votre question, il est effectivement difficile de pénétrer ces réseaux de trafics d’êtres humains pour plusieurs raisons. D’une part vous avez affaire à des masses sous-cultivées qui sont encadrées par des groupes criminels, ensuite vous êtes vite repéré si vous ne parlez pas l’arabe ou un dialecte africain et si votre aspect physique et vestimentaire dénote avec leur environnement. D’autre part, plusieurs des dirigeants de ces organisations qui organisent ces trafics sont en contact avec des membres de services de renseignement occidentaux. Bien souvent les mêmes passeurs sont présents  dans des réseaux qui se livrent à d’autres trafics comme celui des armes. Comme je l’explique dans un chapitre, la DGSE mais aussi la CIA et le MI6 anglais connaissent bien nombre d’entre eux. Sous le gouvernement de Mouammar Kadhafi ceux-ci étaient emprisonnés à Benghazi avec des criminels d’organisations islamistes sunnites. Ils ont été libérés par ces services occidentaux afin de répandre la terreur dans le pays. Depuis, ils ont repris leurs activités mafieuses avec la tolérance de leurs libérateurs. Ainsi que je le développe également, les hiérarchies militaire et politique de l’État sont informées de ces déportations de population par la Direction du renseignement militaire (DRM) qui a les moyens humains et techniques de les suivre. Celles-ci n’ont donc rien de « soudain » contrairement à ce qu’ont affirmé certains médias et vous avez pu voir comment ceux-ci ont été exploités par les politiciens français.

– Si on prolonge votre livre, que pensez vous de la position chinoise et même russe sur le FMI ? Ces deux pays semblent collaborer avec le FMI et le BIS pour l’établissement d’une nouvelle monnaie mondiale. S’agit il d’une fausse collaboration, d’un double jeu pour une démolition contrôlée de l’Empire américain ? N’y-a-t-il pas un risque que les élites financières globalisées sautent du Titanic américain sur le bateau eurasiatique pour continuer leur domination ?

– Votre question en suggère une autre : celle du contenu des décisions politiques et économiques de l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS) et du groupe BRICS. Dans la période actuelle, l’essentiel est de poursuivre la dédollarisation des économies. C’est l’une des conditions pour dégager les pays de l’impérialisme économique et financier des organisations financières et des sociétés transnationales anglo-saxonnes. Ainsi que je l’évoque rapidement, les BRICS ont créé leur propre banque dont les fonds sont destinés à permettre aux pays de se développer économiquement et socialement en préservant leur indépendance, ce qu’ils ne pouvaient faire en traitant avec les organisations financières de l’ONU – dont le FMI – ou les entreprises d’investissement anglo-saxonnes. Vous avez aujourd’hui des grands chantiers de développement qui portent sur des milliards d’euros qui sont traités en monnaies nationales par les pays membres du groupe des BRICS et de l’OCS. Concernant la tentative des pôles majeurs de l’industrie financière capitaliste de tenter de maintenir leur domination en « sautant dans le bateau eurasiatique », il est évident que ces acteurs de la financiarisation de l’économie ne restent pas les bras croisés. Lorsqu’elle était Secrétaire d’État Hillary Clinton a déclaré, en décembre 2012, vouloir empêcher par tous les moyens le développement de l’Union économique eurasiatique. Voilà bien l’aveu de s’opposer à une construction européenne qui échapperait à Washington ! Les dirigeants US multiplient leurs interventions politiques et financières pour entraver cette nouvelle construction européenne et sauver la position hégémonique du dollar, en déclin continu. Ils ont tenté de priver la Fédération de Russie de moyens de paiement en cessant les services Visa et MasterCard et en tentant de la faire déconnecter du réseau Swift. Ils ont été mis en échec grâce à la rapidité de réaction du système bancaire russe et de ses partenaires. Puis, ils ont tenté de perturber le fonctionnement des banques russes par des cyberattaques destinées à saboter les services de paiement de la Fédération de Russie, espérant la priver ainsi de ressources financières. Ils ont, là aussi, été mis en échec par les informaticiens du FSB, l’un des services du renseignement russe. Les dirigeants étasuniens ont demandé à rejoindre l’OCS mais ils ont reçu une fin de non recevoir unanime des représentants des peuples de l’assemblée eurasiatique. Les dirigeants de l’OCS agissent contre l’impérialisme, pour préserver la paix sur leurs territoires et engager des grands chantiers de développement économique et social dans tous les secteurs. Les dirigeants des États-Unis qui, depuis leur fondation en 1776, ont consacré plus de 93% de leur existence à faire la guerre aux peuples, et qui persistent toujours dans la même politique belliciste, ne peuvent en conséquence avoir leur place dans le monde positif. L’OCS a du reste décidé d’exclure de ses territoires toutes les infrastructures militaires étrangères – bases de l’OTAN et étasuniennes – qui ne participent pas à préserver la paix et à lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Il n’est donc pas envisageable qu’en l’état actuel les États-Unis puissent rejoindre les organisations des peuples agissant pour la paix et le développement auxquelles ils ne cessent de s’opposer pour imposer leur hégémonie. Le « pays de la guerre » est en pleine débâcle économique, sociale et morale : premier pays occidental pour la consommation de drogues, la vente d’armes, le nombre de gangs du crime organisé et d’églises, la corruption financière et la pauvreté. Près de 103 millions d’Étasuniens en âge de travailler sont exclus de l’emploi, 47 millions (15% de la population) font la queue dès le matin devant les banques alimentaires et environ 100 millions reçoivent tous les mois une aide sociale du gouvernement fédéral. Quels sont les droits de l’homme pour ces millions de pauvres étasuniens ? Au lieu de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres États, les dirigeants étasuniens seraient mieux avisés de commencer à régler ces problèmes qui ne font  pas vraiment de leur pays un modèle de démocratie. Aussi, leur domination est devenue très fragile et toute relative, ce qui explique pour partie leur agressivité militaire.

– Que pensez-vous de cette explosion de blogues sur la toile? Quel peut être leur impact sur la scène politique et sur l’avenir de l’occident ?

– L’explosion des blogues est une bonne chose dans la mesure où tout ce qui facilite la diffusion de l’information et le contact entre les citoyens favorise l’échange d’idées et la prise de conscience. Reste qu’il faut être assez méfiant quant à la qualité des informations qui peuvent être diffusées par ces médias de masse. Bien souvent de fausses informations sont relayées faute d’être vérifiées ou des informations sérieuses sont noyées dans des textes plus ou moins fantaisistes. C’est aussi sans doute pourquoi la grande majorité des blogues deviennent relativement vite inactifs et ont une courte durée de vie. Seule une petite minorité des 3 millions de blogues qui se créent chaque mois survivent. Cela s’explique par le fait que, comme vous le savez, la collecte d’informations, leur vérification, leur mise en ligne et leur suivi demande un travail régulier très important. Il est donc nécessaire de sélectionner les sites qui donnent les sources des informations qu’ils publient comme vous le faites avec lesakerfrancophone.fr ou comme le fait, parmi d’autres, le site les-crises.fr d’Olivier Berruyer. Le web joue déjà un rôle dans l’image des entreprises et l’information économique, politique et sociale. La situation est devenue intéressante car des blogues peuvent diffuser et relayer des informations que les médias officiels ne traitent pas pour des raisons que j’expose dans le chapitre Contrôler les médias pour préparer l’opinion à la guerre. L’impact peut dans certains cas être important et plus fort que celui engendré par les médias traditionnels. Par exemple, une page de blogue avec les photos des principaux dirigeants français impliqués dans la protection et/ou le soutien à des membres d’organisations terroristes susciterait immédiatement un intérêt sur mon travail d’enquête que les médias ne traitent pas malgré l’importance de l’information. De même, des images sur les grands chantiers en cours en Fédération de Russie en partenariat avec d’autres pays juxtaposées à des titres mensongers de médias ou des déclarations russophobes de politiciens ne manqueraient pas de ridiculiser ces derniers. Traitée avec sérieux et efficacité, l’information d’un seul blogue peut provoquer des réactions en chaîne de manière rapide et ciblée auprès d’un large public.

– Est-ce que vous êtes connu ou traduit à l’étranger ?
– Plusieurs de mes reportages ont été publiés dans divers pays d’Europe (Fédération de Russie, Angleterre, Finlande, Allemagne, Italie) et deux de mes ouvrages, Le Crédit Agricole hors la loi ? et ONU violations humaines ont été traduits l’un en russe, l’autre en anglais. J’ai par ailleurs participé à un film réalisé par la télévision russe sur mon investigation sur le groupe bancaire Crédit Agricole, ce qui est complètement impossible en France où la censure frappe dès que vous enquêtez sur le pouvoir politique ou les centres de la nébuleuse banque-finance. Je parle bien évidemment d’enquêtes sérieuses sur les bas-fonds et le fonctionnement du système et non des historiettes sur les abus de politiciens avec lesquelles les médias amusent le peuple. Ce n’est pas le costume de monsieur Fillon à 6 000 euros qui m’intéresse mais comment des milliards d’euros ont pu passer en 2001 des caisses des sociétés coopératives locales et régionales de Crédit Agricole Mutuel dans celle d’une société anonyme sans l’accord des sociétaires propriétaires de ce capital. Ce n’est pas la vie amoureuse clandestine de François Hollande qui devrait retenir l’attention mais plutôt comment ce président a pu, avec son Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, et son ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, faire armer des groupes terroristes sans que personne ne s’y oppose.

– Et est ce que l’agitation des blogs francophones anti-système est perçue à l’étranger, notamment en Russie ?

– Je pense que nous ne sommes qu’au début d’un long processus car la langue reste souvent une barrière pour faire circuler l’information. La démarche que vous avez entreprise avec Le Saker Francophone est importante puisque vous portez à la connaissance des francophones des informations et analyses venues du monde entier, exprimées dans plusieurs langues et qui portent sur des sujets que les médias officiels ne traitent pas. Les blogues anti-système sont bien évidemment lus à l’étranger mais le manque de fiabilité des informations diffusées par nombre d’entre eux discrédite souvent l’ensemble de ces nouveaux médias de masse. Toutefois, les blogues qui s’affirment par le sérieux des informations qu’ils diffusent deviennent vite référencés comme des sources fiables et devraient conduire des médias traditionnels, y compris russes comme Sputnik ou RT, a être plus réceptifs et ouverts à des informations qu’ils ne traitent pas. Ceci étant dit nous travaillons souvent dans l’urgence, sommes confrontés à une multitude d’informations en un laps de temps très court et vérifier l’information diffusée par un blogue demande parfois beaucoup de disponibilité même si celle-ci paraît sourcée sérieusement. Et comme je le rappelle, si les milliardaires propriétaires des médias officiels reçoivent des centaines de millions d’euros de subventions annuelles, les équipes de rédaction sont de plus en plus réduites. Les journalistes d’investigation sont devenus pratiquement absents des salles de rédaction françaises. Il me semble encore trop tôt pour dire si les blogues vont se montrer des défricheurs entreprenants et efficaces pour s’emparer de ce déficit d’information.

Jean-Loup Izambert

Liens
Vous pouvez enfin retrouver un extrait du livre sur mondialisation.ca.

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