Article original de James Howard Kunstler, publié le 7 Avril 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Fermez les yeux, tournez trois fois sur vous même et dites-moi
si vous savez réellement ce qui se passe en Syrie. Il y a beaucoup de
choses, à propos de l’attaque de gaz toxique, qui ne collent pas pour
l’observateur occasionnel. Il y a seulement une semaine, les États-Unis
énonçaient une nouvelle politique par laquelle nous serions contents que
Bachar al Assad reste au pouvoir, présidant le gouvernement syrien
─ après des années de plaintes et de menaces contre lui. Apparemment,
Trump en avait conclu qu’Assad était une meilleure alternative qu’un
autre État défaillant de plus au Moyen-Orient, sans aucun gouvernement.
Ce changement de politique a été un sacré cadeau pour Assad, car il
supprimait tout prétexte pour un subterfuge des États-Unis ou un « coup fourré » contre
lui. Il était plutôt occupé à combattre une guerre civile, après tout.
Contre qui ? Un mélange de forces djihadistes allant des soi-disant
ISIS, à al-Qaïda et Jabhat al Nusra, un groupe spécifiquement engagé
contre Assad, personnellement. Les relations d’Assad avec ISIS sont
ambiguës et complexes. ISIS a utilisé la Syrie comme lieu de
rassemblement pour ses opérations à côté en Irak. On a dit qu’Assad
avait acheté du pétrole à ISIS. Pourtant, ISIS a participé à des actions
contre Assad. En tout cas, tous les djihadistes sont sunnites, en
opposition au régime d’Assad proche de l’Iran. Assad lui-même appartient
à la secte alaouite de l’islam, une brindille sur la branche chiite. La
Syrie dans son ensemble a une population sunnite majoritaire. Assad, et
son père Hafez avant lui (président de 1971 à 2000), ont représenté
cette minorité (12%) dans une zone déchirée par les passions enflammées
entre sunnites et chiites.
En croyant que vous n’êtes pas complètement confus par tout cela,
pourquoi Assad choisirait-il ce moment-là, seulement quelques jours
après que les États-Unis lui ont accordé le droit de rester au pouvoir
─ pour faire la seule chose qui lui garantissait de mettre les
États-Unis en colère, tuer beaucoup de civils, y compris des femmes et
des enfants, avec des gaz toxiques ? Soit Assad est inconcevablement
stupide, soit peut-être que cette attaque par gaz n’est pas exactement
ce qui nous est présenté.
La Russie a affirmé que l’armée de l’air d’Assad a tenté de bombarder un dépôt de munitions « rebelles » (al-Qaïda ?
al-Nusra ? ISIS ?) qui, apparemment, contenait des stocks de gaz sarin.
Ni le gouvernement américain, ni les médias américains n’ont présenté
d’arguments pour contrer cette hypothèse. Le New York Times a
fait donner les tambours de guerre, aussi fort que possible, dans les
jours qui ont suivi l’incident. Et maintenant, bien sûr, Trump a tiré
pour 60 millions de dollars des missiles de croisière
sur la principale base aérienne d’Assad. Les porte-parole d’Assad ont
refusé d’endosser la responsabilité de l’attaque et les Russes demandent
toujours des preuves concluantes par le biais du Conseil de sécurité de
l’ONU.
L’incident actuel semble être ─ ou a été conçu ─ comme une reprise de
l’incident au gaz d’août 2013, qui a laissé le président Barack Obama
avec l’air faible et indécis, pour ne pas avoir réagi contre un Assad
ayant « traversé une ligne dans le sable » contre la décence
humaine. Donc, vous avez M. Trump, qui pourrait ressentir maintenant
qu’il ne peut pas se permettre d’apparaître faible et indécis ─ par
dessus toute autre considération, y compris la vérité sur ce qui s’est
réellement passé à Khan Sheikhoun, province d’Idlib en Syrie. Alors il a
bombardé un aéroport, après avoir averti les Russes d’enlever leur
personnel du voisinage. Dans le cas où le monde découvrirait ce qui
s’est passé effectivement à Khan Sheikhoun et que la vérité se révèle
différente du récit actuel, M. Trump pourra dire : « Nous n’avons
bombardé que certaines infrastructures de la Force aérienne syrienne…
pas grande importance… pas de femmes ni d’enfants blessés ».
La question en suspens reste : qu’est-ce qui aurait motivé Bashar al
Assad à renverser une situation très avantageuse pour lui-même, quelques
jours seulement après avoir obtenu cet avantage ? Il sera intéressant
de voir si une réponse crédible émerge de la salle des glaces qu’est
devenue la politique américaine.
James Howard Kunstler
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