Article original de James Howard Kunstler, publié le 31 Mars 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Si vous pensiez que le métier de la banque de nos jours est un racket misérable ─ ce que c’est, bien sûr, et par « racket »,
je veux dire une entreprise criminelle ─, alors ce qu’on appelle les
soins de santé ont battu ce concept d’une bonne grosse longueur, avec
une couche supplémentaire de sadisme et de cruauté intégrés dans ces
opérations. Beaucoup de gens s’engagent volontiers dans des prêts
hypothécaires et des prêts automobiles auxquels ils ne seraient pas
admissibles dans une société éthiquement saine, mais les taux d’intérêt
et les paiements sont généralement écrits sur le contrat. Ils savent
à quoi ils s’engagent même si le contrat est imprudent et stupide de la
part de l’emprunteur et du prêteur. Les fonds de pension et les
compagnies d’assurance ont vraiment acheté des obligations hypothécaires
groupées de cette merde, concoctées lors de la bulle immobilière. Ils
l’ont fait par avidité et désespoir alors qu’un peu de diligence
raisonnable les auraient mis en garde contre la fraude servie par
Goldman Sachs.
Le système médical est totalement opaque en matière de coûts, et
c’est le cœur du problème. Personne dans le système ne dira ce que coûte
une intervention et personne ne le veut, car cela risque de briser le
charme de travailler dans un business honnête et légitime. Il n’y a pas
de système rationnel pour le coût d’un service d’un « fournisseur »
à l’autre ou même d’un patient à l’autre. Quoi qu’il en soit, les coûts
sont obscurs et gonflés dans de nombreux schémas de codification
délibérément trompeurs où même les actuaires et les professeurs
d’économie restent confus devant leurs factures. Les services sont
fournis lorsque le client est soumis à la plus grande contrainte,
souvent menaçante pour sa vie. Le résultat, même dans un cas de guérison
réussie, est la ruine financière qui laisse beaucoup de gens plus morts
que vivants.
C’est un racket avec prise d’otage, en clair dans le texte, une
disgrâce pour la profession qui l’a adoptée et une insulte à la nation.
Toutes les négociations au Congrès sur le rôle des compagnies
d’assurance sont une grande esquive pour éviter de reconnaître le racket
institutionnalisé des « fournisseurs » ─ médecins et hôpitaux.
Nous ne le réformerons jamais dans son incarnation actuelle. Malgré
toutes ses déformations de personnalité, le président Trump a raison de
dire que l’ObamaCare va imploser. C’est seulement un furoncle sur le
corps gangrené de l’establishment médical américain. L’ensemble du
système va couler avec lui.
Le New York Times a quitté ses obsessions habituelles autour
des turpitudes russes et de la vie transgenre la semaine dernière pour
publier un résumé précieux sur cet aspect du racket des soins de santé :
Ces factures médicales incompréhensibles ? Y-a-t-il une raison pour laquelle les soins de santé coûtent autant par Elisabeth Rosenthal. Une grande partie de l’article sur ce sujet couvre l’exposé de l’histoire couverte par Time Magazine du 4 mars 2013 (il a abordé le problème en profondeur) : Pilule amère : pourquoi les factures médicales nous tuent,
par Steven Brill. Le public américain et son gouvernement ont été
suffisamment informés sur le système mafieux brutal et sans loi qui se
répand dans chaque branche de la médecine. Le système est celui de la
criminalité organisée. Il organise la ruine de millions de gens. Il est
vraiment étonnant que le public n’ait pas pris d’assaut les hôpitaux
avec des fourches et des torches enflammées pour pendre ce gang dans les
parkings au-dessus de leurs Beemers et Lexus.
Il n’y a que deux sorties plausibles à cette histoire. L’une d’elles
est que la nation pourrait faire face à la réalité et recourir au
système de paiement unique que l’on trouve dans pratiquement tous les
autres pays qui ont tendance à être civilisés. Il n’y a pas d’autre
moyen d’éliminer les rackets délibérés. L’autre résultat serait
l’effondrement inévitable du système et son éventuelle redéfinition pour
un modèle de cliniques locales beaucoup moins complexe, transparent,
avec des interventions high-tech héroïques beaucoup moins disponibles
pour le grand public, mais des soins basiques beaucoup plus abordables.
Les deux résultats nécessiteraient d’abandonner le massacre immense des
parasites administratifs qui encombrent le modèle actuel, avec son bras
de fer absurde entre les maîtres du jeu définissant les prix
hospitaliers et les contrôleurs sadiques des compagnies d’assurance
préconisant de refuser le traitement à leurs malades et malheureux « clients » (otages). Soyez averti : ceux-ci représentent des dizaines de milliers d’emplois prétendument « bons ». Bien sûr, ils sont « bons »
parce qu’ils paient des salaires de classe moyenne, classe en voie de
disparition dans l’économie. Mais, ils sont bien payés en raison du
racket grotesquement profitable qu’ils servent. Ils ont transformé toute
une génération de travailleurs de bureau en domestiques d’une
entreprise criminelle. Imaginez les dégâts infligés à l’âme de notre
culture.
Ma suggestion pour une réelle réforme de ce racket médical ressemble à un précédent historique.
En 1932 (avant l’élection de FDR), le Sénat des États-Unis a formé
une commission pour examiner les causes du crash de Wall Street de 1929
et a recommandé des corrections dans la réglementation bancaire pour
éviter les épisodes futurs comme celui-ci. Elle est connue de l’histoire
comme la Commission Pecora, d’après le nom de son conseiller en chef, Ferdinand Pecora, un assistant du procureur de Manhattan,
qui a joué son rôle avec honneur. La commission a duré deux ans. Ses
audiences ont conduit à des peines de prison pour de nombreux banquiers
et, finalement, à la loi Glass-Steagall de 1932, qui a maintenu la
banque relativement honnête et stable jusqu’à son abrogation néfaste en
1999 sous le président Bill Clinton ─ qui a rapidement conduit à un
nouvel âge de malversation de Wall Street, toujours en cours.
Le Sénat des États-Unis doit mettre en place un équivalent de la
Commission Pecora pour exposer à fond les rackets du système médical,
permettre la poursuite des personnes qui le conduisent et proposer un
remède avec un mécanisme de Payeur Unique pour purger ce cloaque. Le
ministère de la Justice peut certainement appliquer les statuts du RICO
Act ( Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act)
contre les grands conglomérats de soins de santé et leurs dirigeants à
titre personnel. Je ne sais pas pourquoi cela n’a pas déjà fait ─ à
l’exception de la conclusion évidente que nos élus sont entièrement
complices dans ces rackets médicaux, ce qui est certainement le cas du
nouveau Secrétaire à la santé et aux services humains, Tom Price, un
ancien chirurgien et membre du Congrès qui a trafiqué dans les stocks
médicaux au cours de ses années comme représentant de son quartier
suburbain d’Atlanta. Une nouvelle commission pourrait contourner
complètement ce clown sans scrupules.
On en est au point où nous devons nous demander si nous sommes même
capables d’être un peuple sérieux. La médecine est maintenant une
catastrophe aussi pernicieuse que les maladies qu’elle est censée
traiter et une grave menace pour une nation dont nous sommes censés nous
occuper. Quel parti, existant ou à naître, va se proposer pour être
derrière cette opération de nettoyage ?
James Howard Kunstler
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