mercredi 12 avril 2017

Musktopia, nous voilà!

Article original de James Howard Kunstler, publié le 3 Avril 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

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flickr.com
Il faut signaler à quel point la nation délire aujourd’hui, alors qu’Elon Musk de Tesla et son Space X sont pris au sérieux. Musk continue de vendre son fantasme de voyage vers Mars, dans un pays qui peut à peine se gérer sur la Terre. La voiture Tesla représente l’une des principales raisons de cette incapacité, c’est-à-dire que nous ferons tout pour préserver, entretenir et défendre notre dépendance au système automobile perpétuel et inutile (et nous ne ferons rien pour concevoir un arrangement de vie plus sain).


Même les personnes ayant fait leurs études à l’Ivy League croient que la voiture électrique est une « solution » à notre dilemme économique de base, qui consiste à garder tous les accessoires et objets de la banlieue en état à tout prix, face aux problèmes liés aux combustibles fossiles, en particulier le changement climatique. Tout d’abord, il faut comprendre comment la Tesla et les automobiles électriques sont liées à notre culture des indicateurs de vertu, principale caractéristique motivante du politiquement correct. Montrer sa vertu est un racket pour acquérir un statut. Dans ce cas, vous obtenez des points sociaux positifs pour indiquer que vous êtes dans le vrai avec une « énergie propre », vous êtes « vert », un « écologiste », un « ami de la terre ». Les gens ordinaires peuvent conduire une Prius pour avoir leurs points bonus. Mais le conducteur de Tesla obtient tout cela et bien plus encore : la jalousie des conducteurs de Prius!

Tout cela n’est que de la merde en branche, bien sûr, parce qu’il n’y a rien de vert ou de planète-cool attitude dans les voitures Tesla, ou les voitures électriques en général. Évidemment, de nombreux Américains pensent que ces voitures fonctionnent sur batterie. Non, ce n’est pas le cas. Pas vraiment. La batterie n’est qu’une unité de stockage d’électricité provenant de centrales électriques qui brûlent quelque chose ou d’installations hydroélectriques comme le barrage Hoover, avec des problèmes de déclin des niveaux de son réservoir et du vieillissement de la construction en béton. Beaucoup de ce qui brûle pour générer de l’énergie électrique, c’est du charbon. Reliez les points. Considérez également l’« énergie intégrée » qu’il faut, pour fabriquer les voitures. Ça doit aussi venir de quelque part.

Un cadre de la Silicon Valley qui conduit une Tesla se sentira très bien, sans avoir à faire quoi que ce soit pour changer son mode de vie. Tout ce qu’il faut, c’est payer le ticket d’entrée de 101 500 $ pour le modèle le moins cher. Pour beaucoup de dirigeants de la Silicon Valley, il se peut que cela ne soit qu’un peu  d’argent de poche. Pour les masses de déplorables du centre des États-Unis, c’est juste un autre rêve impossible, sur une liste croissante de conforts et de commodités qui ont disparu.

En fait, le paradigme d’une utilisation de masse des automobiles aux États-Unis est déjà en train de craquer, non pas sur la base du type de carburant utilisé par la voiture, mais sur l’impossibilité de son financement. Les Américains sont habitués à acheter des voitures avec des prêts échelonnés et, à mesure que l’implosion de la classe moyenne se poursuit, il y a de moins en moins d’Américains qui sont susceptibles d’emprunter. L’industrie automobile traditionnelle (filière essence) a essayé de contourner cette réalité pendant quelques années, en permettant des prêts plus risqués pour des clients toujours moins fiables, comme un prêt sur sept ans pour une voiture d’occasion. L’emprunteur d’une telle affaire est sûr d’être « coulé » avec une garantie (la voiture elle-même) qui est proche de la valeur zéro, bien avant que le prêt ne soit remboursé. Nous commençons à voir les fruits de ce racket à l’heure actuelle, car ces prêts à plus long terme commencent à être dépassés. En plus de cela, beaucoup de ces prêts pourris ont été regroupés sous forme de titres négociables, tout comme les prêts hypothécaires pourris qui ont déclenché le fiasco bancaire de 2008. Attendez que cela se mette à souffler.

Ce que l’Amérique refuse de considérer face à tout cela, c’est qu’il existe une autre façon d’habiter l’espace : des quartiers avec du voisinage, des villages et des villes avec des transports en commun. Certains des enfants du millénaire gravitent vers des lieux conçus dans ce sens, parce qu’ils ont grandi dans les « banlieues » et qu’ils connaissent bien la nullité sociale qui y est induite. Mais le reste de l’Amérique est toujours engagé dans la plus mauvaise allocation de ressources de l’histoire du monde : la vie en banlieue. Et de façon tragique, bien sûr, nous sommes tous bloqués avec toute cette « infrastructure » dans notre vie quotidienne. Elle a déjà été construite! Une partie de l’appel de Donald Trump était sa promesse de garder ce système en bon état de fonctionnement.

Tout cela reste à résoudre. Le désordre politique qui fait bouillonner actuellement l’Amérique est là, parce que les contradictions dans notre vie nationale sont devenues très nettement évidentes, et la première chose à craquer est le consensus politique qui permet au train-train quotidien de continuer à avancer sans à-coup. Les turbulences politiques ne vont que faire accélérer les turbulences économiques qui les accompagnent, dans une boucle de rétroaction qui va s’auto-alimenter. Cette dynamique a beaucoup de chemin devant elle, avant que l’un de ces problèmes ne soit résolu de manière satisfaisante.

James Howard Kunstler

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