lundi 30 octobre 2017

En souvenir : Harvey Weinstein

Article original de James Howard Kunstler, publié le 16 Octobre 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


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Les Grecs et les Romains avaient un avantage sur nous : leurs dieux et leurs déesses n’étaient pas si faciles à imiter. Leurs dieux et déesses agissaient à distance de la vie quotidienne, hors de portée, sauf dans l’imagination populaire. Deux mille ans plus tard, vint Hollywood avec une industrie conçue pour fabriquer des dieux et des déesses, et les faire sortir de ces « usines à rêve » comme autant de torchères.



Les films, avec leurs gros plans sur des écrans d’argent géant, étaient un véhicule bien meilleur pour illustrer la mythologie humaine que la vieille technique brinquebalante de l’église chrétienne, avec sa rhétorique liturgique molle et fastidieuse. L’Amérique s’est passionnée pour les films dans notre effort insatiable pour comprendre la condition humaine – ou du moins la voir artistiquement représentée.

Le stéréotype du producteur hollywoodien a été clairement établi depuis près de 100 ans : un mâle alpha vulgaire dans un costume coûteux pratiquant la promotion canapé sur le tas dans son bureau. Les studios ont fait un paquet de films au sujet de ce genre de prédateurs, même au temps où leur règne était absolu. C’était aussi connu que Porky le cochon. Harvey Weinstein était l’apothéose de ce type.

Harvey Weinstein était dans le business de la déification, comme ses ancêtres l’étaient dans l’industrie du pantalon ou dans celle du cornichon. Des femmes d’un certain type, déifiables, sont venues à lui sortant des champs de maïs, des villes, des bidonvilles, des trous d’eau de contrées lointaines et il les a transformées en déesses pour les cinéphiles. Il était bon pour ça.

Pendant des dizaines d’années, Harvey était bien connu dans le business du cinéma, aussi sûr que les nuits succèdent aux jours, pour s’être souvent très mal comporté avec les déesses qu’il créait et dont il faisait le trafic. La réputation qu’il avait parmi ces dames devait être quelque chose comme celle d’un motel miteux, Enfer-en-peignoir, avec le poison à rat par dessus le tout. S’il avait eu la belle apparence d’Errol Flynn, le décorum de James Mason et le charme mélancolique d’Humphrey Bogart, il aurait pu s’en sortir pour toujours.

Mais il avait l’air d’un porc sauvage de la forêt teutonique, un monstre de la galerie des choses sauvages de Maurice Sendak, avec sa tête surdimensionnée et cette misérable barbe de six jours hérissée sur ses bajoues flasques. Il ferait un spécimen physique de méchant que seul son directeur animalier, Quentin Tarantino, aurait pu imaginer. Physiquement, il est l’essence même d’un rustaud. Avec tout cet argent, vous penseriez qu’il aurait pu engager les services d’un entraîneur personnel, d’un cosméticien, peut-être même d’un chirurgien plasticien pour atténuer ses rugosités. Mais, peut-être, contrairement à tout le monde dans le show business, était-il à l’aise d’être lui-même.

Ses pitreries étaient légendaires bien avant la récente mise en lumière officielle de ses mauvaises actions dans le New York Times. C’est quelque chose de merveilleux et un mystère que, au fil des ans, aucune de ses déesses fabriquées n’ait couru en hurlant hors de ses griffes, ou ne soit allée se plaindre auprès des autorités compétentes – mais tels sont les revers de la célébrité, je suppose, pour qu’aucune n’ait osé. On dirait qu’un certain code avait été partagé généreusement entre ses dames autour de leur panthéon : ne restez jamais seule dans une pièce, ou même un ascenseur, avec Harvey. S’il y avait un tel message implicite, il n’a pas suffi.

Paradoxalement, ce personnage répugnant, avec son tempérament outrageusement brutal pour accompagner son approche grossière de la séduction, a produit plusieurs films vraiment excellents durant ce dernier quart de siècle : The English Patient, Shakespeare in Love, Pulp Fiction, Il Postino, Flirting With Disaster, Emma, Good Will Hunting, The Cider House Rules, Chocolat, Confessions of a Dangerous Mind, Chicago, Cold Mountain, Bad Santa, The King’s Speech, The Artist, The Human Stain, Silver Linings Playbook, Finding Neverland, Fruitvale Station, August : Osage County, The Fighter, Lion et certains autres encore à sortir. Beaucoup de ces films ont remporté des prix, y compris celui de la meilleure image, de cette même académie du film qui l’a jeté sous le bus la semaine dernière.

L’histoire de Harvey est ancienne : hubris. Il était trop enivré de son propre rôle de faiseur de déesses pour reconnaître les dangers de jouer l’andouille dans son propre atelier. Surtout en ces temps de guerres de genre. Les autres gnomes, elfes, dieux et déesses fabriqués dans l’atelier de Hollywood n’ont commencé à le mettre en pièce que quand ils ont pu penser que c’était sûr (pour leurs carrières), alors honte à eux. Ils sont aussi dégonflés que les escrocs de ce business.

Mais rappelez-vous, il n’y a rien d’autre que Hollywood, et peut-être que l’Amérique elle-même (si cette entité existe toujours comme un personnage en stock) n’aime rien de mieux qu’une histoire de rédemption et de retour. Harvey pourrait même faire un peu de prison. Quand il sortira, je ne doute pas qu’il sera comme un pasteur évangélique born again. Mais, diable, ces jours-ci, vous pouvez faire des films sur votre téléphone. Ne soyez pas surpris si le vieux réprouvé revient de nouveau dans le showbiz, comme le démoniaque Michael Myers dans ce vieux nanard de Halloween.

James Howard Kunstler

Note du traducteur

Je laisse à l'auteur son analyse et j'en profite pour vous renvoyer vers ce magnifique texte trouvé sur le blog La lime: La France est la patrie des hommes qui aiment les femmes.

À toutes mes femmes, celles du passée, du présent, en devenir et à venir.

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