Article original de Brandon Smith, publié le 4 octobre 2017 sur le site alt-market.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
J’ai auparavant écrit plusieurs fois au sujet du conflit singulier au cœur de la plupart des crises et des catastrophes humaines, un conflit qui sabote les efforts humains et ralentit la pensée critique. Ce conflit provient non seulement de l’interaction sociale, mais aussi de la psyché de l’individu moyen. C’est une contradiction inhérente à l’expérience humaine qui, parfois, peut nourrir d’excellents accomplissements, mais entraîne généralement une grande tragédie. Je parle évidemment du conflit entre notre besoin inné d’autodétermination par rapport à notre désir inné de transmettre nos responsabilités à une communauté à travers un effort de groupe – la souveraineté contre le collectivisme.
À mon avis, la source du problème est que la plupart des gens supposent à tort que le « collectivisme » est en quelque sorte la même chose qu’une communauté. Ceci est tout à fait faux, et ceux qui émettent cette affirmation en savent peu sur ce que le collectivisme signifie réellement. Il est important de faire une distinction ici ; le regroupement de personnes n’est pas nécessairement ou automatiquement un collectivisme à moins que ce groupe ne cherche à subordonner l’individualité de ses participants. Le collectivisme ne peut pas exister là où la liberté individuelle est valorisée. Les gens peuvent cependant se regrouper volontairement pour en obtenir des bénéfices mutuels et conserver le respect de l’indépendance des membres (c’est-à-dire la communauté plutôt que le collectivisme).
Cette distinction importe parce qu’il y a un contingent d’élites politiques et financières qui voudraient que nous croyions qu’il n’y a pas de moyen terme entre les activités de la société et les libertés des individus. C’est-à-dire que nous sommes censés supposer que toutes nos énergies productives, notre sûreté et notre sécurité appartiennent à la société. Soit cela, soit nous sommes des « individualistes » extrêmement égoïstes et autonomes qui ne sont pas capables de « voir plus loin qu’eux ». La discussion dominante tourne presque toujours autour de ces deux extrêmes. Nous n’entendons jamais le concept selon lequel la société existe pour servir la liberté et l’innovation individuelles et qu’une communauté d’individualités est l’environnement le plus fort possible pour la sécurité et l’avenir de l’humanité dans son ensemble.
Ainsi, l’argument dominant devient un théâtre kabuki entre les populistes / nationalistes / individualistes « ignorants et destructeurs » et les socialistes / globalistes / multiculturels plus « raisonnables » et supposés capables de penser plus loin. La vérité est que les champions de la souveraineté peuvent être pour la liberté individuelle et pour les communautés ou pour la nation, tant que cette mise en communauté est volontaire.
Cependant, les collectivistes ne le supportent pas, malgré leur façade intellectuelle et « rationnelle », et ils utiliseront souvent la brutalité pour perturber tout mouvement de décentralisation du pouvoir.
Les troubles civils dans la région espagnole de Catalogne sont un exemple intéressant de la tyrannie de l’idéologie collectiviste. Selon la doctrine dominante, l’Espagne est censée être un « État unitaire décentralisé » constitué de « communautés autonomes », toutes dotées de leurs propres statuts et organes autonomes « légèrement » réglementés par la Constitution espagnole de 1978. La Catalogne, avec quelques autres régions et villes en Espagne, a longtemps lutté pour une véritable autonomie face au gouvernement central à Madrid. Cette culture séparatiste a été écrasée sous la poigne de fer du régime dictatorial de Francisco Franco après la guerre civile espagnole qui a débuté en 1936.
Après la mort de Franco en 1975, l’Espagne a commencé sa « transition vers la démocratie » (la démocratie étant la tyrannie de la majorité plutôt que la tyrannie par un régime militaire). Encore une fois, la poussée de la Catalogne pour l’indépendance est revenue.
Les raisons d’une sécession catalane sont multiples et sont évidemment nobles ou néfastes en fonction de quel côté vous parlez. De mes recherches, il semble que le principal moteur pour l’indépendance de la Catalogne soit économique. L’Espagne est l’un des États membres les plus endettés de l’Union européenne avec une dette nationale proche de 100% du PIB. La « grande récession » commençant en 2008 a particulièrement frappé l’Espagne, avec environ 21% de la population générale officiellement dans la pauvreté et plus de 40% de tous les enfants officiellement dans des familles pauvres. Le chômage selon les statistiques du gouvernement se situe autour de 18%.
La Catalogne est la région la plus prospère de l’économie espagnole, représentant près de 20% du PIB total. Les Catalans affirment également que les impôts collectés dans leur région sont un des principaux pilier du gouvernement espagnol, qui n’a pas renvoyé l’ascenseur avec un investissement suffisant dans les infrastructures dans la région. Il y a un large sentiment d’« imposition sans représentation » du conflit, et les Américains en particulier savent très bien comment ce genre de situation peut se terminer.
De l’autre côté du débat, il est clair que si la Catalogne quitte le système espagnol en mauvais termes, alors l’économie déjà en train de s’effondrer sera détruite. La motivation pour l’Espagne de garder le contrôle de la Catalogne est très forte uniquement pour des raisons de catastrophe économique.
Au-delà de la question économique, une autre petite info intéressante sur l’Espagne concerne ses programmes intenses de justice sociale (marxisme culturel). Alors que les Européens suggèrent souvent que l’Espagne a un gouvernement « conservateur », dans ses politiques et son action, ce n’est tout simplement pas vrai. L’Espagne est connue pour être l’un des gouvernements les plus activement féministe de l’UE, à part la Suède, et cela veut dire quelque chose vu le caractère socialiste de l’UE. Les lois sur le genre et sur le divorce dans le pays en font un des endroits où le double standard contre les hommes est le plus draconien que j’aie jamais vu. Peut-être que cela vous donnera une sorte de test décisif pour mesurer le genre de culture dont nous parlons ici, et peut-être cela explique-t-il un certain mécontentement dans certaines parties de la population espagnole.
La Catalogne elle-même est souvent citée comme étant « plus libérale » dans son orientation politique par rapport au reste de l’Espagne. Bien sûr, le terme « libéral » peut signifier beaucoup de choses différentes en Europe selon la nation, et les définitions américaines ne s’y appliquent pas nécessairement. Tout comme les Européens ont tendance à n’avoir aucune compréhension de ce que signifie « conservatisme » aux États-Unis, les Américains ont du mal à comprendre toutes les subtilités des différents niveaux de « libéralisme » en Europe.
Cela dit, savoir de quel côté du spectre politique se situe la Catalogne n’est pas pertinent pour une discussion plus poussée.
Ce que je veux souligner ici, c’est le fait que, que vous regardiez l’ère du totalitarisme nationaliste au temps de Franco ou l’ère « semi-socialiste et hyper marxiste culturelle » d’aujourd’hui, le gouvernement espagnol agit toujours avec despotisme contre le séparatisme catalan ou son indépendance. Ce n’est pas comme si les socialistes se prononçaient contre les fautes du régime franquiste après sa chute. Pas du tout. Au lieu de cela, ils ont simplement perpétué la même attitude centralisatrice tout en affichant un visage souriant. Encore une fois, nous voyons qu’il y a très peu de différence entre le fascisme et le communisme / socialisme lorsque nous analysons les comportements et les politiques au cœur de la société.
Les collectivistes, quels que soient les autres labels qu’ils utilisent pour s’identifier, ont certaines règles qu’ils suivent systématiquement pour se maintenir au pouvoir. L’une de ces règles est que le collectif est indivisible. Ils pourraient pontifier sans cesse à propos de leurs idéaux démocratiques supérieurs, mais lorsque certaines personnes votent pour partir en masse, soit dans des bureaux de vote, soit en manifestant, le masque de la bienveillance disparaît toujours et le véritable monstre derrière le collectivisme est révélé.
Comme nous l’avons vu en Catalogne, ce comportement monstrueux est indéniable. Le gouvernement espagnol s’est engagé à prévenir non seulement la séparation, mais il a cherché à empêcher le vote même de cette séparation en utilisant la police et la force militaire. En substance, la loi martiale a été déclarée en Catalogne afin d’empêcher le peuple d’adopter les idéaux très démocratiques que le gouvernement espagnol affirme défendre.
Malgré des mesures vicieuses d’ingérence, les rapports suggèrent que le vote a été une réussite, avec 90% des citoyens [votants, NdT] appuyant cette indépendance. Ce qui se passe maintenant n’est pas clair, mais je peux vous dire que deux choses sont relativement sûres.
Premièrement, un vote de 90% en faveur de l’indépendance va militariser la réponse du gouvernement espagnol. Si le vote était moins écrasant, le gouvernement pourrait tenter de jeter un côté de la population contre l’autre, provoquant des conflits internes et perturbant la sécession. Cette stratégie est irréaliste compte tenu du mouvement de masse pour l’indépendance. Donc, la seule autre option pour le gouvernement est la loi martiale complète.
Deuxièmement, une telle répression entraînera une contre-réponse violente. Cela s’est produit dans les années 1970 en Catalogne et je ne vois aucune raison pour que cela ne se reproduise pas. Lorsque vous avez une population presque entière en accord avec le séparatisme et que vous utilisez la force pour l’ empêcher d’atteindre son objectif, elle devient violente. La guerre civile est inévitable si la loi martiale est déclarée.
Il est essentiel d’examiner le catalyseur idéologique derrière ce scénario.
La solution la plus rationnelle serait que le gouvernement espagnol accepte le vote catalan (s’il croit dans la « démocratie » comme il le prétend, il doit l’accepter, sinon il semblerait extraordinairement hypocrite). Cela pourrait entraîner une relation économique plus harmonieuse et des dommages moins drastiques à la structure financière espagnole. Cependant, cela ne se produira pas. Au lieu de cela, l’Espagne va utiliser les tactiques anciennes d’intimidation et de carnage pour opprimer les Catalans et agréger leur production économique (comme le font toujours les gouvernements socialistes). Lorsque la guerre civile éclatera, et que la production en Catalogne s’arrêtera, l’Espagne perdra quand même 20% de son PIB.
Vous voyez, il s’agit d’un scénario perdant / perdant pour l’Espagne, tout cela parce que la doctrine collectiviste exige une réaction d’opposition à tout mouvement de décentralisation. Les systèmes collectivistes sont de nature parasite ; ils considèrent les citoyens comme des consommables, comme des unités de production pour l’État, qui ne peuvent pas le quitter pour le « plus grand bien du plus grand nombre ». Les collectivistes rationalisent leur comportement comme étant essentiel au bien-être de la société en général, mais c’est malhonnête, car leur comportement nuit le plus souvent à la société en écrasant l’innovation individuelle et en provoquant des guerres qui n’auraient peut-être jamais eu lieu.
Il y a en même temps la question des mouvements de souveraineté en Europe. Les seuls personnes qui profitent de l’arrêt de ces mouvements sont les globalistes / collectivistes. Ils peuvent également en profiter en sabotant ces mouvements après coup, en faisant un exemple et en les montrant au reste du monde comme symboles des « échecs du populisme ».
Il est important de souligner ici que la Catalogne ne cherche pas nécessairement son indépendance de l’UE, seulement celle de l’Espagne. Certains pourraient faire valoir que cela rend le vote catalan sans pertinence. Je ne suis pas d’accord. Si la Catalogne veut être séparée de l’Espagne mais conserver encore des liens avec l’UE, je suppose que c’est son choix, ce qui est vraiment la question ici – le choix. Tout le monde devrait être autorisé à prendre de bonnes ou de mauvaises décisions et, espérons-le, apprendre dans les deux cas. Si le choix des Catalans est sans signification, car ils feront encore partie de l’UE, le gouvernement espagnol devrait retirer sa garde nationale et les laisser à eux-mêmes.
Certaines personnes pourraient également faire valoir que si la sécession avait eu lieu aux États-Unis, la réponse serait la même. Je dirais, seulement parce que cela pourrait se passer de la même façon, que cela ne veut pas dire que c’est juste. Si les gauchistes californiens, par exemple, mettent à exécution leurs dernières menaces de se séparer des États-Unis et qu’une migration massive de gauchistes et de marxistes culturels se déplacent vers cet État, franchement je serais extatique. Laissez ces personnes se séparer et se rassembler. Laissez-les échouer ou réussir selon les mérites de leurs propres idées et de leur éthique. S’ils sont autorisés à s’organiser sans ingérence et s’ils échouent, il s’agit simplement d’une preuve de plus que leur idéologie était erronée et peu pratique. L’apport élevé de la Californie au PIB des États-Unis se transmettrait simplement à d’autres États si, de fait, les gens productifs ne sont pas ces gauchistes et qu’ils migrent, laissant les séparatistes se vautrer dans leur idéologie naïve.
Si la Catalogne se sépare sans interférence et réussit économiquement et socialement, alors il est possible que l’Espagne ne tente pas d’affaiblir ou de détruire la région, mais tente d’imiter son modèle et d’apprendre de lui. Si les gens souhaitent s’éloigner d’une communauté, ils devraient pouvoir le faire. C’est très simple. L’autodétermination ne dépend pas de l’opportunité politique ou de l’avantage mutuel. C’est un droit humain inhérent. Les communautés et les frontières devraient être basées sur des principes que la population soutient et chaque système devrait en rester à un principe de volontariat. S’ils ne respectent pas ces principes et travaillent à contrecarrer le volontariat, alors ces communautés ne valent rien et ne devraient pas exister.
Lorsqu’un acte collectif empêche les gens de partir, tout ce qu’ils font est d’exposer le fait que leurs raisons d’exister sont insuffisantes et peu convaincantes. Cela vaut pour l’Espagne, pour l’UE et le reste du monde. Les globalistes et les collectivistes devraient en prendre note – la décentralisation est le véritable modèle pour l’avenir. À long terme, obliger les gens à participer au système est une bataille perdue.
Brandon Smith
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