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L’absence de réglementation en matière de sécurité se traduira-t-elle aussi par le retour des trains explosifs ?
Les investisseurs adorent une bonne histoire de comeback et, à l’heure actuelle, le pétrole par chemin de fer semble être une histoire qu’ils mettent en avant pour justifier l’investissement dans les compagnies ferroviaires, en particulier les compagnies canadiennes.
Mais avec peu de changements dans les pratiques de sécurité ou la réglementation depuis le boom pétrolier de 2014. L’industrie se prépare-t-elle à mériter une fois de plus le surnom que les travailleurs ferroviaires ont donné aux trains pétroliers ? c’est-à-dire, les « trains explosifs » feront-ils leur retour ?
Darren Lekkerkerker, gestionnaire du Fidelity Canadian Balanced Fund, a expliqué la situation à Bloomberg : « Par le passé, on considérait le brut transporté par rail comme un revenu de piètre qualité parce qu’il était très cyclique, mais étant donné le manque d’accès au marché, je pense qu’il est logique que les producteurs d’énergie signent des contrats d’achat ferme à long terme, ce qui est formidable pour la Canadian Pacific ».
Les résultats du premier trimestre de la compagnie de Chemin de fer Canadian Pacific ont fait état d’une augmentation de 17 % des mouvements de « l’énergie, des produits chimiques et des plastiques ». Bien qu’il ne s’agisse pas seulement de pétrole, il appuie certainement ces statistiques…
Comme nous l’avons signalé à ce propos dans DeSmog, le manque de capacité pipelinière du Canada pour transporter le pétrole des sables bitumineux entraîne une résurgence du pétrole par rail. Ici, aux États-Unis, la quantité de pétrole transporté par rail augmente également. Alors que la production de pétrole atteint des volumes records et que l’on prévoit de fortes augmentations à l’avenir, le rail jouera probablement encore une fois un rôle de premier plan dans le transport du pétrole.
Au Canada, aucun nouvel oléoduc ne sera mis en service avant 2020 au plus tôt, ce qui signifie que le transport ferroviaire n’aura qu’un délai de deux ans comme seule option pour absorber les augmentations de la production de pétrole. Mais cet échéancier dépend du fait que tout se passe comme prévu avec les pipelines proposés, ce qui n’a pas été le cas pour beaucoup de grands pipelines récemment, en raison de l’opposition sérieuse des activistes et des peuples autochtones.
Et bien que l’oléoduc Dakota Access au Dakota du Nord ait absorbé une grande partie du pétrole provenant des champs pétrolifères de schistes de Bakken qui était auparavant transporté par rail, des prévisions récentes indiquent que l’oléoduc atteindra sa capacité maximale en deux ans « ou moins », selon Lynn Helms, l’une des principales autorités de régulation dans le domaine pétrolier et gazier du Dakota du Nord. L’État dispose d’une capacité ferroviaire suffisante pour transporter tout volume excédentaire de pétrole.
L’industrie pétrolière préfère transporter le pétrole par pipeline plutôt que par rail parce que c’est moins cher. Toutefois, il ne fait guère de doute que le rail est la deuxième meilleure option et l’industrie est plus que disposée à l’utiliser pour répondre aux volumes toujours croissants de pétrole de schistes et de sables bitumineux produits en Amérique du Nord.
Comme l’a expliqué Kevin Birn, analyste d’IHS Markit, au Canada Global News : « Fondamentalement, on est sur un scénario ferroviaire en ce moment, jusqu’à ce que non seulement le prochain pipeline soit en service, mais aussi les deux pipelines suivants ».
Opposition au pétrole par le rail
Avec le succès des activistes canadiens qui bloquent les projets de pipelines, il n’est pas surprenant qu’il y ait aussi une opposition à l’augmentation du transport du pétrole par rail. Et les militants américains sont actuellement sur une longue série de victoires en bloquant les nouvelles infrastructures pétrolières par voie ferrée.Les nouvelles récentes selon lesquelles Kinder Morgan a mis en veilleuse l’expansion de son pipeline Trans Mountain ont soulevé la possibilité d’une plus grande augmentation du transport du pétrole canadien par rail, et tout le monde n’est pas enthousiaste à ce sujet. Le gouvernement de la Colombie-Britannique demande aux tribunaux l’autorisation de limiter les volumes de pétrole transportés par rail.
Cependant, la probabilité qu’un gouvernement régional soit autorisé à contrôler le trafic ferroviaire est faible au Canada et pratiquement impossible aux États-Unis en raison du concept de préemption, qui dit que seul le gouvernement fédéral peut réglementer l’industrie ferroviaire. Le législateur libéral Mike de Jong n’est pas optimiste quant aux chances de la Colombie-Britannique de l’emporter devant les tribunaux, disant au Globe and Mail : « Il n’y a aucune chance qu’il [le premier ministre de la Colombie-Britannique] reçoive cette autorisation ».
Jusqu’à présent, la seule manière pour les collectivités locales et les gouvernements d’être en mesure de limiter l’utilisation du pétrole par chemin de fer sur leur territoire, a été d’arrêter de nouveaux projets d’infrastructure – dont la plupart ont été réalisés dans des villes portuaires américaines. Ces efforts ont certainement limité les options de l’industrie pétrolière quant aux endroits où elle peut transporter le pétrole par chemin de fer, mais, comme on l’a vu lors du pic du boom pétrolier américain à la fin de 2014, il existe déjà suffisamment d’infrastructures actuelles pour accroître considérablement le transport du pétrole par rail.
Selon les données actuelles, il est très probable qu’au cours des prochaines années, le volume du trafic pétrolier par chemin de fer augmentera considérablement en Amérique du Nord.
Malgré les dangers connus, d’autres projets de chemins de fer sont en bonne voie
Dans un article d’InvestorPlace sur Kinder Morgan, la journaliste financière et technologique Dana Blankenhorn mentionne certains des dangers du transport ferroviaire du pétrole :L’une des raisons pour lesquelles on ne voit pas de gros titres sur les « trains explosifs » en 2018 est que la baisse de la demande de pétrole au milieu de la décennie a entraîné le pétrole brut vers les réseaux de pipelines moins coûteux et plus sûrs, qui conditionnent (préchauffent) également le produit pour en extraire des liquides volatils et précieux.Comme on s’y attendait, la baisse du volume du trafic ferroviaire a permis de réduire le nombre de déraillements violents et de déversements importants. Bien sûr, cela signifie qu’à mesure que le trafic augmente à nouveau, ces accidents et les gros titres sur les « trains explosifs » peuvent également redevenir des scènes familières. Et bien que le terme « trains explosifs » soit généralement utilisé pour décrire les trains pétroliers de Bakken, deux trains pétroliers canadiens qui ont connus des accidents en 2015 et qui transportaient probablement des sables bitumineux ont également pris feu, explosé et causé des déversements massifs de pétrole. Le pétrole des sables bitumineux est également très volatil lorsqu’il est transporté sous forme de syncrude ou de bitume dilué.
Cependant, le point le plus intéressant de Blankenhorn est de reconnaître que les « trains explosifs » sont appelés ainsi en raison des « liquides volatils et précieux » dans le mélange de pétrole brut.
Il note également que les compagnies pétrolières enlèvent ces composants volatils avant de transporter le pétrole brut par pipeline, ce qui rend le transport du pétrole plus sûr et évite les risques pour leurs pipelines. Cependant, l’industrie refuse de faire de même avant de mettre le pétrole dans les wagons-citernes, ce qui permettrait d’éviter les risques pour les gens et l’environnement.
Comme nous l’avons expliqué en détail dans DeSmog, la stabilisation du pétrole par l’élimination des liquides volatils du gaz naturel (LGN) mettrait effectivement fin au phénomène des « trains explosifs » de Bakken. Toutefois, cela exigerait que les sociétés d’énergie investissent dans des infrastructures de stabilisation là où le pétrole est chargé dans les trains. À la fin de l’administration Obama, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration des États-Unis a proposé d’obliger l’industrie à stabiliser le pétrole avant de charger les trains, mais la règle risque fort de mourir en silence sous l’administration Trump, tout comme le règlement proposé sur la sécurité ferroviaire concernant l’apnée du sommeil, la présence d’au moins deux personnes et l’usure ferroviaire. Sans parler de l’absence totale de discussion sur la réglementation de la longueur et du poids des trains afin de rendre les trains chargés de pétroles plus sûrs et moins susceptibles de dérailler.
Le seul règlement de sécurité significatif qui a été adopté par l’administration Obama était l’exigence que les trains chargés de pétroles soient équipés de systèmes de freinage pneumatique à commande électronique (ECP) modernes.
John Risch est directeur législatif national de SMART-TD, un syndicat qui représente les employés de chaque chemin de fer de classe I, d’Amtrak et de plusieurs chemins de fer régionaux et locaux. Risch a 40 ans d’expérience dans l’industrie ferroviaire, notamment dans l’exploitation de longs trains de charbon. Il croit aussi beaucoup aux freins ECP.
« Dans tout ce que j’ai vu en 40 ans, la plus grande amélioration en matière de sécurité, sans exception, est l’utilisation de freins pneumatiques à commande électronique (ECP) », a déclaré M. Risch à un comité du Congrès en 2007.
Cependant, à la fin de 2017, l’administration Trump a annoncé son intention d’abroger ce règlement, déclarant que les freins étaient trop chers et que leurs avantages en matière de sécurité ne justifiaient pas les coûts.
De plus, les compagnies affrétant ces trains chargés de pétroles ne sont toujours pas tenus d’avoir un plan d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures, même si ces trains sont responsables de certains des plus importants déversements d’hydrocarbures terrestres en Amérique du Nord de l’histoire moderne.
S’il est vrai que les « trains explosifs » ne feront pas la une des journaux en 2018, avec l’augmentation prévue du trafic nord-américain de pétrole par rail, il faut s’attendre à les voir revenir dans les journaux au cours des prochaines années.
Justin Mikulka
Note du traducteur
Cet article est tiré d'une série : L’industrie du schiste argileux creuse plus de dettes que de bénéfices
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