Article original de Ugo Bardi , publié le 11 octobre 2019 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Il y a 2 000 ans, le 10 octobre 19 de notre ère, Germanicus Jules César mourut à Antioche, en Asie Mineure, peut-être empoisonné par son oncle Tibère, alors empereur au pouvoir. Si nous voyons Hillary Clinton dans le rôle de Germanicus et Donald Trump dans le rôle de Tibère, vous avez un conflit équivalent en cours.
Très probablement, le concept d’« État profond » existait à l’époque romaine, tout comme dans la nôtre.
Germanicus n’avait pas gagné son « agnomen« (nom de la victoire) parce qu’il était un ami des Germains, mais parce qu’il avait réussi à tuer beaucoup d’entre eux dans une série de campagnes militaires de 14 à 16 après JC. Tacite nous raconte comment les Romains se sont engagés dans ce que nous appellerions aujourd’hui une Strafexpedition (« Expédition punitive ») pour venger la défaite qu’ils avaient subie contre les Germains à Teutoburg dix ans auparavant.
Les Romains attaquèrent les Germains avec huit légions et beaucoup de troupes auxiliaires dans ce qui fut probablement alors la plus grande expédition militaire de l’histoire. Sur le plan militaire, ce fut un succès : les Germains furent vaincus et forcés de battre en retraite, mais le coût de la campagne fut tout simplement ahurissant. En lisant Tacite, nous pouvons nous faire une idée de l’énorme effort que les Romains ont dû fournir pour fournir à leurs légions, nourriture, équipement et salaires. Huit légions représentaient environ un tiers de toute la force militaire de l’Empire : imaginez de les déployer dans une région sans routes et sans infrastructure de soutien !
En 16 de notre ère, il devait être clair que l’effort était en train de ruiner l’État romain. Cela a conduit à un conflit non déclaré entre l’empereur de l’époque, Tibère, et son neveu, Germanicus. C’était bien que Germanicus puisse vaincre les Germains (ou, du moins, revendiquer la victoire sur eux). Mais cela rendait Germanicus trop populaire et donc un concurrent dangereux pour l’empereur au pouvoir. Alors Germanicus a voulu continuer à attaquer les Germains. C’était une mauvaise idée sur tous les plans. D’abord, c’était trop cher, puis l’Empire ne pouvait pas se permettre une autre défaite comme celle subie à Teutoburg – continuer la campagne était tout simplement trop risqué.
Nous n’avons pas beaucoup de documents de ces temps anciens qui nous renseignent sur le « parti de guerre » romain mais il existait sûrement. La guerre était alors, comme aujourd’hui, une bonne affaire pour ceux qui la menaient, mais c’était une très mauvaise affaire pour ceux qui devaient payer la facture des campagnes [ou la faire physiquement, NdT]. Il était donc tout à fait logique que Tibère, un leader impitoyable aux dires de tous, se débarrasse discrètement de Germanicus et, avec lui, de tous les risques liés à d’autres guerres contre les Germains. La mort de Germanicus fut une défaite considérable pour le parti de la guerre romaine (ou état profond). Cela n’a pas empêché les tentatives d’expansion de l’Empire romain, mais cela a rendu les Romains beaucoup plus prudents et, en particulier, cela a montré clairement que l’expansion en Germanie était une limite à ne pas franchir en termes militaires.
Aujourd’hui, la situation est similaire : l’empire actuel, l’empire américain, fait face à des coûts gigantesques juste pour maintenir son énorme et largement obsolète structure militaire. Elle ne peut pas se permettre des aventures militaires, pas même victorieuses, si elles se terminent sans gains économiques – la campagne contre l’Irak en est un bon exemple. Et il va sans dire que l’Empire américain en difficulté ne peut risquer une défaite militaire majeure.
Pourtant, il existe un parti de la guerre très fort, souvent appelé « État profond », aux États-Unis, qui fait pression pour de nouvelles campagnes. Jusqu’à présent, le président Trump a joué le rôle de Tibère, évitant d’engager les États-Unis dans de nouvelles guerres. Hillary Clinton, au lieu de cela, a joué le rôle de Germanicus en tant que secrétaire d’État, y compris en s’attribuant le mérite de quelques victoires américaines récentes (nous nous souvenons tous de son épouvantable accès de rire quand elle a décrit la mort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, en 2011).
Jusqu’à présent, le conflit entre le président et le secrétaire d’État n’a conduit à l’empoisonnement de personne. Mais les similitudes entre l’empire actuel et l’ancien empire romain sont profondes et nous pourrions bien voir d’autres événements que nous pourrions interpréter comme le miroir d’événements beaucoup plus anciens. Comme nous le savons tous, l’histoire ne se répète pas exactement, mais elle rime.
Un miroir du passé : Les campagnes de Germanicus en Germanie il y a deux mille ans
Ugo Bardi enseigne la chimie physique à l’Université de Florence, en Italie, et il est également membre du Club de Rome. Il s’intéresse à l’épuisement des ressources, à la modélisation de la dynamique des systèmes, aux sciences climatiques et aux énergies renouvelables.
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