vendredi 17 mai 2019

Les martyrs sont-ils de retour ?

Article original de Ugo Bardi , publié le 6 mai 2019 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Julian Assange et la chute de l’empire mondial

 

Plus le drame mondial actuel se déroule, plus je suis étonné de voir à quel point nous suivons de près le chemin que l’ancien Empire romain a suivi vers son effondrement définitif. Dmitry Orlov, un autre observateur attentif de l’effondrement de la civilisation, semble penser de la même façon. Dans un post sur son blog, il note comment Julian Assange pourrait être le premier martyr de la vérité des temps modernes, il l’appelle « Saint Julien »



Je cite Orlov :

Si tout se passe bien, il sera libéré et redeviendra une personnalité médiatique de grande envergure. Et si tout va mal et que les Américains mettent la main sur lui et le torturent à mort, il mourra en martyr et vivra à jamais dans la mémoire publique.

Je ne sais pas si Assange a été baptisé, mais un bon choix de saint pour lui serait saint Julien d’Antioche, qui a été martyrisé pendant la persécution des chrétiens par l’empereur Dioclétien entre 303 et 313 après J.C. Saint Julien a été mis dans un sac rempli de sable, de vipères et de scorpions et jeté à la mer. L’initiative de Dioclétien fut un échec : le fils d’un de ses lieutenants, Constantin, non seulement annula la persécution des chrétiens, mais fit du christianisme la religion de l’Empire romain. Il en transféra ensuite la capitale vers la Nouvelle Rome (Constantinople), abandonnant la Vieille Rome et la laissant languir dans un âge des ténèbres alors que sa Nouvelle Rome dura mille ans de gloire.
Si Julian Assange devait finir martyrisé par les Américains, on peut s’attendre à un résultat vaguement similaire : les générations futures d’Américains diront : « Il était une fois un grand journaliste du nom de Julian. Il est mort en martyr pour la vérité. C’était il y a longtemps, et nous ne savons pas ce qui nous est arrivé depuis, parce que tout ce que nous avons entendu depuis, ce ne sont que des mensonges… ».
Je pense que ce post d’Orlov va au cœur du sujet. Un effondrement de civilisation est, en fin de compte, un effondrement de confiance. Un empire, un État, une famille, n’importe quelle structure sociale, peut être riche ou pauvre, puissante ou faible, nouvelle ou vieille, heureuse ou triste, mais s’il n’y a pas de confiance pour la garder cohérente, elle ne peut pas durer longtemps ; c’est comme une transformation d’un solide en gaz quand les liens chimiques qui gardent les atomes ensemble ne sont pas assez forts. C’est ce qui est arrivé à l’Empire romain, c’est ce qui nous arrive. Comme le dit Matthieu, « Tout royaume divisé contre lui-même est réduit à la désolation, et toute ville ou maison divisée contre elle-même n’existera plus » (12:25).

En fin de compte, la confiance est basée sur la vérité. Sans vérité, il ne peut y avoir de confiance. À l’époque romaine, la lutte du christianisme contre l’Empire du mensonge était avant tout une lutte pour reconstruire la confiance en établissant une vérité nouvelle, celle qui se révèle. J’ai écrit dans un article précédent que :
Saint-Augustin et d’autres pères chrétiens primitifs s’engagèrent, tout d’abord, dans une révolution épistémologique. Paul de Tarse avait déjà compris ce point lorsqu’il avait écrit : « maintenant nous voyons comme dans un miroir, dans l’obscurité, alors nous verrons face à face. » C’était le problème de la vérité, comment la voir ? Comment la déterminer ? Selon le point de vue traditionnel, la vérité était rapportée par un témoin en qui on pouvait avoir confiance. L’épistémologie chrétienne est partie de cela, pour construire le concept de vérité comme résultat de la révélation divine. Les chrétiens appelaient Dieu lui-même comme témoin.
Au nom de la vérité, les martyrs chrétiens (terme grec signifiant « témoignage ») étaient prêts à donner leur vie, à mourir vilipendés et torturés de la manière la plus horrible. C’est le courage des premiers martyrs qui a finalement fait tomber la créature zombie que l’ancien grand Empire romain était devenu.

Et maintenant ? Nous entrons rapidement dans une phase où les mensonges que nous racontent nos gouvernements et nos élites sont si énormes, si omniprésents, si flagrants qu’ils peuvent être qualifiés que de diaboliques. Mais dans la grande confusion de notre temps, même les bons parmi nous sont confus, ils ne peuvent plus discerner la vérité. Et le temps est peut-être venu où nous avons besoin d’une nouvelle génération de martyrs, car la vérité est nécessaire.

 

Ugo Bardi

Ugo Bardi enseigne la chimie physique à l’Université de Florence, en Italie, et il est également membre du Club de Rome. Il s’intéresse à l’épuisement des ressources, à la modélisation de la dynamique des systèmes, aux sciences climatiques et aux énergies renouvelables.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire