dimanche 30 avril 2017

Les vrais musulmans

Article original de Ghassan Kadi, publié le 12 Avril 2017 sur le site
katehon.com 
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr 



On a beaucoup parlé récemment sur qui représente « le véritable islam » et de ce qui ne le représente pas. Dans le cas du christianisme, surtout pendant l’ère de la Réforme, l’accusation d’hérésie a été prononcée par les chrétiens d’une certaine fraction contre les chrétiens d’une autre fraction; et vice versa. Cependant, au cours de cette ère post-Daech, nous entendons souvent des musulmans aussi bien que des non-musulmans prétendre que certains groupes de musulmans ne sont pas des « vrais musulmans » et ne représentent pas le « véritable islam ».

Alors, qui représente le « véritable islam » et qui sont les « vrais musulmans »?


Posez cette question à dix personnes différentes, et vous obtiendrez probablement dix réponses différentes, chacune fournissant ce qu’il estime être une « preuve » incontestable et une « évidence » que sa compréhension est la bonne.

La première ère au cours de laquelle cette question a été posée dans l’islam était peu de temps après la mort du Prophète Mohamed PBUH. Presque immédiatement après sa mort, les musulmans se sont séparés entre sunnites et chiites. Les sunnites disent qu’ils suivent le chemin du prophète et de son Sahaba (c.-à-d. Compagnons), et les chiites affirment qu’ils suivent le chemin d’Ahl Al-Beit (Les gens de la maison) qui sont les descendants du Prophète par son cousin Ali, le fondateur de la secte chiite. Quatorze cents ans plus tard, les sunnites prétendent être ceux qui sont sur le bon chemin et que les chiites ne sont pas de vrais musulmans ; une vision réciproque de la façon dont ils sont perçus par les chiites.

En d’autres termes, il n’y a pas de consensus sur la question de savoir si les sunnites et les chiites sont tous des « véritables musulmans », ou si seulement l’un des deux groupes l’est !

La question devient plus subtile lorsque de plus amples détails sont pris en considération, et ce serait un exercice inutile et fastidieux de considérer toutes les subdivisions. Donc, considérons seulement une division majeure actuelle ici : la division entre les musulmans jihadistes et non-jihadistes.

La description du djihad utilisée ici ne s’applique pas seulement à Daech, mais aussi à toutes les autres organisations qui appellent à la propagation énergique de l’islam. Elles sont toutes les mêmes.

En ce qui concerne les fondamentalistes djihadistes, il faut comprendre ce que sont les djihadistes. Pour comprendre leur mentalité, il faut tout d’abord et avant tout mettre à la poubelle le mythe qui prétend que Daech et les organisations similaires sont simplement une création occidentale. Je le dirai jusqu’à ce que je sois sans voix : l’Occident a systématiquement capitalisé sur une idéologie préexistante. Il l’a alimenté, l’a armé, a facilité ses opérations, l’a utilisé pour atteindre certaines cibles militaires, mais l’Occident n’a pas créé cette idéologie. Elle existe depuis bien longtemps, avant que la CIA ne soit établie, bien avant que le fondateur du wahhabisme, Mohamed Bin Abdelwahab, ne soit né, et longtemps avant que Colomb ne pose un pied sur le sol américain. Si l’on n’est pas convaincu de cela, il est impossible d’avoir une bonne compréhension de la nature de la question que nous traitons.

Les djihadistes sont un groupe de gens très fortement endoctrinés. Ce ne sont pas de simples pions de l’OTAN. Ils se sont battus aux côtés de l’Amérique et contre l’Amérique dans le passé, et ils vont probablement répéter les deux rôles à l’avenir. Jusqu’à ce que l’Occident cesse de jouer avec le feu et qu’il comprenne sérieusement qu’il a contribué à créer un monstre qui doit être éradiqué, les djihadistes continueront a utiliser ses faveurs quand nécessaire.

Cet article concerne cependant les idéologies et non la politique. Selon les djihadistes et leur propre compréhension du Coran qui, je dois le souligner, est complètement mal interprété, Les Daechites & Co croient qu’ils sont les « vrais musulmans » et qu’ils représentent le « véritable islam » plus que les musulmans qui ne veulent pas participer au changement du monde et à l’établissement de la loi de la charia dans le monde entier.

Selon les djihadistes qui « luttent pour l’islam », l’épithète de la piété consiste à abandonner sa maison et à se battre. Selon eux, les musulmans qui ne se battent pas pour la « cause » sont des lâches matérialistes et des hypocrites qui croient en quelque chose et font autre chose. Les musulmans non combattants ne sont donc pas considérés par eux comme des vrais musulmans.

Les musulmans pacifistes, qui sont évidemment la majorité écrasante des musulmans de toutes les fractions, individuellement et combinés, se sentent légitimement offensés par la vision qu’a le monde  qui regarde l’islam à travers le prisme de l’épée de Daech et même celui des autorités saoudiennes reconnues. Beaucoup de partisans bien intentionnés appuient cette vision pacifique et pour cela ils doivent être félicités.

Il est clair que c’est dans cette perspective que nous entendons maintenant des déclarations telles que « Daech n’est pas l’islam », Les « wahhabites ne sont pas des musulmans » et d’autres déclarations de même nature et intention.

Cependant, ces déclarations n’indiquent pas clairement quels sont les « vrais musulmans » et ce qu’est le « véritable islam ». Même en tant que majorité écrasante, les musulmans pacifistes ne peuvent échapper à devoir répondre aux questions sur ce qu’est le « véritable islam », comment est-il différent de celui des des djihadistes et ce qui fait d’eux (c’est-à-dire les pacifistes) les « vrais musulmans »?

Ces questions ont été évitées, et c’est une vérité indéniable. Dans une récente interview télévisée (en arabe), le journaliste palestinien Abdel Bari Atwan a critiqué le clergé wahhabite saoudien officiel pour ne pas dénoncer l’idéologie violente de Daech. Pour être juste envers les clercs wahhabites, même le Grand Azhar d’Egypte, considéré par la plupart des sunnites comme le chef impartial de l’islam sunnite, a été incapable de délivrer une Fatwa déclarant que Daech est une hérésie. Pas même les ayatollahs d’Iran, pourtant de solides opposants théologiques chiites, n’ont pu dénoncer la base fondamentale de violence de Daech sur la base d’une argumentation coranique convaincante. Pour que les clercs le fassent, ils vont devoir d’abord examiner leurs propres interprétations du Saint Coran et être prêts à remettre en question leurs propres croyances. Enfin, ils vont devoir être prêts à changer ces croyances s’ils découvrent qu’elles contredisent le vrai message du Coran. C’est une étape qu’ils ne sont pas prêts à franchir, et, par conséquent, ils sont, théologiquement parlants, incapables de réfuter la doctrine violente de Daech.

Un article révélateur a été écrit par Noureddin Shami et publié sur le site The Saker il y a quelques semaines. Il n’est pas nécessaire d’endosser tout son contenu, mais il soulève de sérieuses questions concernant la nécessité d’une réforme au sein de l’islam et souligne par inadvertance l’opinion de l’auteur sur le « véritable islam et les vrais musulmans ».

Les clercs musulmans non fondamentalistes, sunnites et chiites, trouvent qu’il est plus facile de simplement répéter que Daech ne représente pas un « véritable islam » sans être prêt à relever le défi de présenter ce qu’est le « véritable islam » et en quoi leurs adeptes le suivraient et non ceux de Daesh.

Les défenseurs musulmans et non-musulmans des droits de l’homme, de la liberté de culte et de la liberté d’expression ont tous des raisons humaines de le faire. Encore une fois, leur soutien à ceux qui en ont besoin est hautement louable ; Et ceci est un euphémisme. Cela dit, appeler tel ou tel groupe « non musulman » et dire qu’ils ne représentent pas le « véritable islam » devient rapidement un cliché bon marché qui n’a pas beaucoup de substance.

Sans une dénonciation sans équivoque, venant des plus hautes autorités de l’Islam, de toutes les formes de violence comme moyen de répandre la foi, Daesh continuera d’être en mesure de s’adjoindre de nouvelles recrues. Et si Daesh est vaincu aujourd’hui, de futures organisations utiliseront le même chemin de recrutement.

Que quiconque veuille croire au Coran ou non, cela doit être évidemment la base principale, peut-être la seule base incontestée du « véritable islam ». Et tant que tel, le Saint Coran dénonce clairement la coercition (Coran 2: 256), toute interprétation, secte et doctrine musulmane présumée qui croit à l’expansion et à la domination du monde entier, qu’elle s’engagent réellement à atteindre cet objectif ou non, est intrinsèquement une interprétation en contradiction avec le message du Saint Coran. Telle que la situation se présente aujourd’hui, c’est tout ce qui compte.

Les questions de ce qu’est le « véritable islam » et qui sont les « vrais musulmans » n’auront pas de réponses jusqu’à ce que les musulmans pacifistes se lèvent, cherchent et réalisent les réformes nécessaires qui réfutent la violence au nom de la religion.

Ghassan Kadi

 


Note du traucteur

Ce texte pose de véritables questions et comme Katehon est un think tank orthodoxe, il était intéressant d'avoir leur point de vue ou du moins celui d'un article publié chez eux. Mais il ne donne pas vraiment de réponse à part une vague demande de pacifisme et de réforme. Comme souvent, un verset est sorti du texte, mais qu'elle est sa portée réelle et historique ? Pourquoi celui là serait-il plus essentiel que d'autres, plus guerrier ? Comment réformer un livre qui a été « révélé » ? Quid du rôle politique, social, judiciaire voire militaire du Coran ?

Je vous laisse avec une note de lecture assez complète et instructive de Michel Drac sur une histoire de l’islam.

Le Califat, histoire politique de l’islam (Nabil Mouline) par Michel Drac



Et tant qu’on en est aux vidéos, voici aussi une explication de texte du think tank russe Katehon, dont nous traduisons quelques articles, par Daria Douguine, la fille d’Alexandre Douguine.

Entretien entre Radio Brigandes et Daria Douguine 


 

2 commentaires:

  1. Brillante façon de démêler l'amalgame. Je suis bien d'accord depuis Al Afghani l'Occident a utilisé l'islamisme comme arme de guerre, ce pendant comme toutes les religion l'islam de par son exclusivisme est barbare. Quand à dire qu'il y a des musulmans pacifistes je vois là un oxymores auquel il serait plus juste de dire que seul un esprit potentiellement bête et méchant adhère à une religion.

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  2. La difficulté des occidentaux est double. Prendre conscience des agissements à peine voilés maintenant de leurs élites et apprécier la réalité de l'Islam qui s'est installé sur leur sol.

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