mardi 1 août 2017

Danse de la pluie

Article original de James Howard Kunstler, publié le 23 Juin 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



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Pensez au débat sur la réforme de l’ObamaCare qui se joue maintenant au Sénat des États-Unis en tant que la fin gargouillante d’une politique qui tourbillonne autour du siphon. Ils prétendent tenter de résoudre le problème d’un racket qui pèse 8% de l’économie américaine. Bonne chance ! 

Comment est-ce arrivé ? Au début du XXe siècle, cela représentait 0,25% de l’économie.



L’explication standard est que, d’abord, Medicare a fait augmenter l’activité générale des soins de santé dans les années 1960, s’appuyant sur une clientèle de personnes âgées qui n’avait précédemment reçu aucun traitement spécial et était, en général, en moins bonne santé que les plus jeunes. Deuxièmement, l’innovation technologique a ouvert tant de nouvelles méthodes de lutte contre les maladies pour tous, jeunes et vieux, que nous pouvons traiter plus de maladies de manière plus compliquée – et cela a entraîné des coûts encore plus élevés.


La plus grande partie de l’histoire reste parfaitement dissimulée dans la matrice des rackets érigée autour des flux d’argent depuis la forte augmentation des coûts dans les années 1960. Sont impliqués les compagnies d’assurance, le Big Pharma, les pratiques des médecins enrégimentés, les monopoles hospitaliers et, bien sûr, les politiciens corrompus, tous divisant entre eux un colossal système d’extorsion qui existe principalement pour une raison simple : tous les coûts sont cachés à la vue du public.

Personne n’a vraiment idée de ce que cela coûte. Certainement pas les patients, parfois appelés « clients » ou « consommateurs » – en vérité des otages. Si vous vous rendez à l’hôpital pour un stent dans l’artère coronaire descendante gauche, personne ne vous dira ce qu’il en coûte, en commençant par les médecins qui ont effectué la procédure mille fois. Ils ne peuvent même pas estimer le coût (ou ne le feront pas), mais ils pourraient probablement vous donner un très bon nombre de conseils pour le coût et l’installation d’une nouvelle pompe à injection sur leur dernière BMW.

Les coûts des soins médicaux ne sont jamais discutés avec le patient. Les médecins prétendent surtout considérer une telle proposition comme une indignité pour leur profession, comme les aristocrates britanniques qui considéraient toutes les questions relatives à l’argent dans le cadre de Downton Abby – un sale marché qu’il est mieux de laisser aux domestiques, comme l’élimination des restes de table. Bien sûr, les « serviteurs » dans le cadre de l’hôpital sont une fantastique hiérarchie de clercs dangereusement suralimentés  et submergés par l’anomie, passant des heures innombrables à taper des nombres fictifs sur leurs ordinateurs. Une vie plus inutile peut difficilement être conçue. Si vous demandez à ceux qui font « l’interface » avec vous au comptoir de départ pour savoir comment votre facture a été calculée exactement, vous ne recevrez pas plus qu’un impitoyable regard de mépris – qui pointe en fait vers leurs propres dilemmes existentiels, une pathologie dynamique qui mérite peut-être l’attention des fonds de recherche.

Le coût de tout ce qui concerne la médecine est élaboré dans une danse de la pluie privée entre les différentes parties concernées mentionnées sur la base de ce qu’ils pensent pouvoir extraire de chaque cas particulier. Dans les hôpitaux, tout cela est permis par le système « ChargeMaster » bien connu qui, pour le dire aussi simplement que possible, permet aux hôpitaux de se contenter de faire de la merde.

Tout projet de loi au Congrès qui affecte la réforme de cette malversation financière absolue dans les soins de santé devrait commencer par l’obligation de publier publiquement le coût de tout ce que font les médecins et les hôpitaux et de permettre aux « fournisseurs de services » d’être payés uniquement sur la base des coûts affichés publiquement – évitant ainsi la lucrative danse de la pluie pour baisser les rançons payées par les prisonniers-patients qui viennent voir ces « fournisseurs », malgré tout, in extremis. Notez que cette caractéristique cruciale de la crise manque non seulement au débat politique, mais aussi dans les pages parlant supposément de l’intérêt général dans le New York Times et autres organes médiatiques. Peut-être cette facette du problème n’est-elle jamais entrée dans les esprits des éditeurs ? Dans ce cas, il faut absolument se demander : à quel point sont-ils stupides ?
(La déclaration la plus amusante à propos d’ObamaCare dans le New York Times d’aujourd’hui est la déclaration selon laquelle 20 millions de citoyens ont accès aux soins de santé en vertu de la Loi sur les soins abordables. Vraiment, vous voulez dire qu’ils ont eu des polices d’assurance maladie avec des rabais de 8 000 dollars, alors même qu’ils n’ont pas 500 dollars d’économies pour payer les réparations de leur automobile ? Sur quelle planète vivent les journalistes du New York Times ?).

Les questions corollaires concernant la déconstruction du coté assurances du racket des soins de santé et l’attribution de ses « fonctions  » à un organisme gouvernemental « à payeur unique » sont, bien sûr, un niveau de débat plus élevé. Je ne dis pas que cela fonctionnerait, même s’il était modélisé sur l’un des systèmes qui fonctionnent actuellement ailleurs, disons en France. Mais les Américains sont allergiques même à l’idée d’y penser, ou du moins ils ont été conditionnés à imaginer qu’ils y sont allergiques par des politiciens intéressés. Donc, le produit actuel du débat au Sénat des États-Unis n’est qu’un schéma pour faire semblant de réapprovisionner le flux colossal d’extorsion pour les extorqueurs.

Épargnez-vous l’inquiétude même de vous soucier du résultat du débat sur les soins de santé actuel. Rien ne va être « corrigé ». Le système médical tel que nous le connaissons va exploser, et vite, tout comme les systèmes de retraite à travers le pays, et les bons du trésors des cinquante États eux-mêmes et le reste de l’économie Potemkine des USA.

James Howard Kunstler

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