jeudi 31 mai 2018

Les sanctions contre l’Iran menacent le pétrodollar

Article original de Irina Slav, publié le 14 mai 2018 sur le site oilprice.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Iranian oil

Un pays doit être très satisfait de la perspective de nouvelles sanctions économiques américaines contre l’industrie pétrolière iranienne, et ce pays est le plus gros importateur de pétrole du monde et le plus grand client pour le pétrole iranien.
Lorsque la Chine a lancé le mois dernier ses contrats à terme sur le pétrole, tant attendus, elle l’a fait dans le cadre de sa stratégie visant à accroître le poids international de sa monnaie. Maintenant, avec les sanctions américaines à l’horizon contre l’Iran, le yuan pourrait encore progresser sur cette voie, Pékin ayant promis de continuer à acheter du brut iranien, qui sera probablement payé en yuan.


L’Iran devrait être d’accord avec cette idée. Le pays a clairement fait savoir, avant même que le président Trump ne se retire du JCPOA, qu’il préférerait régler ses échanges dans des devises autres que le billet vert, auquel il a un accès limité.

Le mois dernier, Téhéran et Moscou ont conclu un accord pour mener toutes leurs affaires avec des biens plutôt qu’en dollars car les deux cherchent à réduire l’influence de la monnaie américaine sur leurs économies. Un mois plus tôt, l’Iran a interdit le règlement des transactions d’importation en dollars et a abandonné cette monnaie en faveur de l’euro pour déclarer ses réserves de change. En d’autres termes, l’Iran sera plus qu’heureux de recevoir du yuan chinois contre son brut, ou bien d’appliquer un système d’échange pétrole contre biens de consommation, similaire à celui convenu avec la Russie.

Le fait est que ce million de barils quotidien que les nouvelles sanctions iraniennes est censé retirer du marché, pourrait en définitive ne pas l’être. Les analystes citent ce chiffre parce que c’est la quantité de brut iranien qui a été retiré des marchés mondiaux au cours de la période où les États-Unis et l’UE avaient imposé des sanctions contre Téhéran.

Mais ils ont ensuite accepté le JCPOA, communément appelé accord sur le nucléaire iranien, et les sanctions ont été levées. Cette fois, Washington joue seul le jeu des sanctions. Les signataires européens de l’accord ont clairement fait savoir qu’ils ne se retireraient pas simplement parce que Washington l’avait fait.

L’Allemagne, l’un des signataires, a également déclaré qu’elle protégerait ses entreprises faisant des affaires en Iran. Il y a des chances que la France suive, Total ayant un intérêt majeur dans le champ gazier de South Pars en Iran. En plus de cela, l’Europe est le plus grand acheteur de pétrole iranien. Les pays européens ont acheté 624 000 b / j en moyenne l’année dernière.

Contrairement à la dernière fois, tout le monde veut continuer à acheter du pétrole iranien, et bien que certains puissent être obligés d’en acheter moins, la Chine n’est pas liée par une quelconque dépendance économique ou de sécurité nationale vis-à-vis des États-Unis. L’Iran, pour sa part, a besoin de marchés pour son pétrole, même s’il le vend en yuan et convertit ensuite la monnaie chinoise par exemple en euros, ce qui aura un coût. Après tout, il vaut mieux vendre moins cher que de ne pas vendre du tout.

De plus, la Chine augmentera probablement ses investissements dans l’industrie pétrolière iranienne. L’Iran fait partie de l’initiative d’investissement dans l’infrastructure « One Belt, One Road » de Pékin, et la sécurisation d’une partie de l’industrie pétrolière iranienne est un élément naturel de l’initiative. L’achat de pétrole iranien en yuans ne fera que le compléter.

Régler les importations iraniennes en yuan n’est qu’un début. À long terme, il serait logique que de nombreux contrats autour du pétrole soient effectués dans la monnaie du principal importateur. Mais il faudra des années pour que le yuan sape le dollar en tant que pétro-monnaie ultime, et cela impliquerait aussi des risques, notent certains observateurs familiers avec le dilemme de Robert Triffin. À court terme, toutefois, les sanctions américaines pourraient bien présenter une situation gagnant-gagnant pour la Chine et l’Iran.

Irina Slav

Note du traducteur

Cet article est extrait d'une analyse du blog Les Chroniques du Grand Jeu dont on ne peut que vous recommander la lecture assidue.

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