jeudi 4 avril 2019

Imminence d’un vent porteur démographique aux États-Unis ?

Article original de Chris Hamilton, publié le 14 mars 2019 sur le site Econimica
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

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Selon un récent rapport de Morgan Stanley, les Millennials et la Génération Z sont sur le point de fournir une « secousse de jeunesse » positive pour propulser l’économie américaine plus haut, et « fournir une perspective plus rose pour la sécurité sociale et Medicare ».



Pour reprendre les propres mots de Morgan Stanley :
Pour l’économie américaine, les vents porteurs démographiques créés par ces fortes cohortes pourraient être importants, produisant une sorte de « secousse de jeunesse » qui a fait la renommée des baby-boomers. Cependant, selon un récent rapport de Morgan Stanley Research, les implications de ces changements démographiques ne sont pas prises en compte dans les prévisions actuelles du Congressional Budget Office, en particulier dans les projections relatives à la croissance de la population active.
Les travaux des économistes de cette équipe, ainsi qu’un sondage approfondi auprès des consommateurs de la génération Y et de la génération Z, ont révélé que les perspectives pour les États-Unis au cours des prochaines décennies sont nettement plus favorables que prévu. Au fur et à mesure que les Génération Y et Z se combinent au sein de la population active, ces deux générations surdimensionnées pourraient entraîner une hausse de la consommation, des salaires et de la demande de logements, tous des piliers de la croissance du PIB.
De plus, ces nouvelles projections sur la croissance de la main-d’œuvre pourraient également se traduire par des perspectives plus favorables pour la sécurité sociale et la solvabilité de Medicare, offrant aux investisseurs une vision globale haussière pour les États-Unis entre les années 2020 et 2040 – et aux décideurs une perspective différente sur la voie à suivre.
Avant de lire ma réfutation, j’encourage vraiment les lecteurs à lire la recherche de Morgan Stanley.
Tout d’abord, j’ai beaucoup de mal à composer avec l’ensemble des étiquettes générationnelles, car elles représentent des périodes de temps inégales et mal définies. Le graphique ci-dessous montre les naissances annuelles aux États-Unis depuis 1945 plus une idée de ces générations.
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Donc, pour donner un sens aux générations, j’ai simplement additionné les naissances totales pendant chacune d’elles et les ai divisées par la durée de chaque génération. Deux gros points dignes de mention :
  • Le baby-boom a représenté une augmentation moyenne massive de 1,6 million de naissances par an par rapport à la génération silencieuse précédente, soit une hausse de 66%.
  • Les naissances annuelles moyennes de la Génération Y (Millenials) ont augmenté de moins de 42 000 naissances par année par rapport à la génération du baby-boom, soit une augmentation de 1,1 %.
  • Les naissances annuelles moyennes de la génération Z étaient 230 000 de plus que celles de la génération du baby-boom, soit une augmentation de 6 %.
  • Les naissances annuelles moyennes de la génération Alpha (maintenant en cours depuis 6 ans) ont diminué de 155 000 (-4 %) comparativement à celles de la génération Z.
En raison des taux de fécondité en chute libre, une population totale beaucoup plus importante (y compris le nombre croissant d’immigrants légaux/illégaux) n’a pas eu plus d’enfants qu’au moment du baby-boom.
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La visualisation des naissances annuelles moyennes par décennie semble beaucoup plus simple (voir le tableau ci-dessous). Il est beaucoup plus simple d’évaluer la population entrante (les 20-29 ans nés de 1990 à 1999) par rapport à la population sortante (les 60-69 ans nés de 1950 à 1959). Comme le montrent les encadrés en pointillés ci-dessous, sur une base décennale, la période de 1990 à 1999 représente moins de personnes que la période précédente des années 1950 à 1959. L’époque d’un population facile à faire consommer et avec une augmentation démographique tirant la demande est révolue (alias, le vent porteur démographique est terminé).
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Mais si l’on examine l’ensemble de la situation, le point positif le plus souvent cité est la croissance de la population âgée de 25 à 44 ans, selon les projections du recensement de 2017. Le graphique ci-dessous montre que le nombre de jeunes de 25 à 44 ans fera un bond au cours des cinq prochaines années.

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Vent porteur démographique
Et si on élargissait l’objectif pour voir l’ensemble de la population adulte ?  La vue d’ensemble du recensement détaille essentiellement une croissance zéro chez les 18 à 24 ans (colonnes vertes), des baisses importantes chez les 45-64 ans (colonnes rouges) et une augmentation gargantuesque et sans précédent de la population des 65 ans et plus (colonnes grises). Comment Morgan Stanley a pu ne pas voir la croissance faible de la population en âge de travailler dans l’avenir et l’augmentation continue de ceux qui ne sont pas sur le marché du travail. Il y a de quoi s’interroger.

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Vent porteur démographique ???
Le graphique ci-dessous est une image simple du changement par période de cinq ans des acheteurs potentiels (25 à 64 ans) dans l’immobilier par rapport aux vendeurs potentiels (65 ans et plus). De 2020 à 2025, le ratio de croissance des vendeurs potentiels par rapport aux acheteurs potentiels sera supérieur à 5 contre 1 … un renversement complet du ratio de 1 pour 5 entre les vendeurs potentiels et les acheteurs potentiels au cours des 50 dernières années.

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Acheteurs contre Vendeurs
Le graphique ci-dessous met en évidence les écarts moyens de gains, de dépenses et de participation à la population active des segments démographiques. En moyenne, les personnes de 75 ans et plus gagnent et dépensent la moitié de ce que font les groupes d’âge en pleine activité … et n’ont qu’un taux d’activité de 8 % comparativement à un taux de 80 % pour ces groupes.
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Je mentionne cela parce que la population âgée de plus de 75 ans sera le moteur de la croissance de la population américaine pendant des décennies, comme le montre le graphique ci-dessous.
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Il y a beaucoup d’analystes très bien payés pour ne pas parler de cette disparité.

Qu’en est-il des jeunes adultes qui arrivent ?


70 % des diplômés universitaires, soit plus de 44 millions d’Américains, ont une dette étudiante importante. Au total, plus de 1 500 milliards de dollars sont dus et le diplômé moyen a une dette de 37 000 $. On peut citer la Federal Reserve Bank of St. Louis, « en termes d’accumulation de richesse, l’université ne paie pas en moyenne – du moins, pas encore – pour les diplômés récents du collège ». En particulier, « de façon inquiétante, les avantages patrimoniaux des diplômes des colléges et issus d’études supérieures étaient beaucoup plus faibles chez les chefs de famille non blancs […] nés dans les années 1980 et après cette époque ». Cela semble impliquer, en accord avec mon récent article, que la création de richesse de la dernière décennie via les ZIRP, QE, etc. est une question d’inflation des actifs pour les nantis (principalement blancs) plutôt qu’une méritocratie pour les démunis.
Ainsi, les 166 milliards et plus de dollars de prêts étudiants en souffrance depuis plus de 90 jours, un montant record, expliquent que le revenu des diplômés récents n’est pas assez élevé pour rembourser leur dette, sans parler de la recherche d’une maison. Si l’on ajoute à cela les mariages qui continuent d’être retardés (l’âge médian pour les hommes en attente est maintenant de 30, celui des femmes de 28) et les faibles taux de fécondité (1,72 en 2018, contre 2,12 en 2007) … et la mise annuelle en ménages continue à être inférieure aux attentes.

Qu’en est-il de l’offre insuffisante de logements aux États-Unis ?


Pas tant que ça … le graphique ci-dessous détaille l’évolution d’une année sur l’autre des ménages américains (ligne brune) et des permis de construire (ligne bleue). En raison d’une volatilité annuelle importante, les deux sont lissés sur des périodes de 3 ans pour voir les tendances claires. Derrière chaque ralentissement majeur des mises en ménage, le nombre de permis de construire baisse, et les taux d’intérêts (tirets en noir) sont utilisés pour renverser la tendance.
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Cependant, si je divise simplement le nombre de mise annuelle en ménages par le nombre de permis, les États-Unis se trouvent à nouveau dans la zone dangereuse en créant beaucoup plus d’offre que de demande. Généralement, ce n’est pas une bonne chose pour les prix … particulièrement lorsque les taux hypothécaires ont si peu de marge de manœuvre relative pour baisser davantage.
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Réflexions finales


Étant donné que les taux hypothécaires ont encore peu de marge de manœuvre pour baisser, l’inadéquation entre les vendeurs potentiels âgés et les jeunes acheteurs potentiels – et leur prêt étudiant – a incité les jeunes adultes à choisir de retarder leur mariage et d’avoir beaucoup moins d’enfants … Je suis d’avis que le nombre de logements (autour des prix actuels) est trop élevé et qu’une variante de la crise immobilière en 2008 est plus que probable. L’économie américaine n’est pas sur le point d’être positivement « secouée ». Mais encore une fois, je ne suis qu’un blogueur sans équipe de recherche, sans rien à vendre et sans livre à défendre. C’est l’Amérique, alors en cas de doute, il suffit de choisir la source avec l’histoire heureuse qui vous convient le mieux.

Chris Hamilton

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