Article original de James Howard Kunstler, publié le 3 Mars 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
SOTU
Le président Trump a recueilli des soutiens de plusieurs
côtés, pour ne pas avoir agi comme un fou quand il a prononcé son
discours sur l’État de l’Union, mais une partie du spectacle m’a arraché
la gueule : deux minutes d’applaudissements pour Carryn Owens, veuve de
William « Ryan » Owens, le Navy SEAL récemment tué en action au Yémen.
Cette culture est tellement ancrée en nous, que nous avons
perdu tout sens du comportement approprié et du décorum. Une telle
situation exige habituellement une minute de silence, pas des
applaudissements. Ne le savons-nous pas? Ce n’est pas une cérémonie de
remise des prix. Être veuve d’une telle manière est un événement grave
de la vie, pas un accomplissement. Non seulement nous nous sommes
laissés emporter par l’émotion, mais nous ne savons même plus quelle
émotion attacher à quel événement. Et le seul comportement approprié
dont nous paraissons incapables est la solennité silencieuse – ce qui
n’est pas surprenant, dans une société assaillie par le bruit incessant
des nouvelles.
Bien sûr, les politiciens assemblés suivaient le signal du président
Trump qui applaudissait le plus fort – et droit sur le podium des micros
– et il n’a rien lâché, jusqu’à ce que tout le monde dans l’assemblée
soit pris en otage de sa stupide acclamation, dans l’ensemble une
démonstration intéressante de folie collective.
En parlant de comportement et d’informations, qu’est-ce qui est passé
par la tête de ces femmes congressistes démocrates, toutes en costume
blanc? Le LA Times s’est aventuré à supposer que c’était la
couleur emblématique pour les suffragettes de retour à l’ouvrage. Les
congressistes n’ont peut-être pas entendu, mais cette bataille est
terminée. Beaucoup de femmes ont effectivement voté lors des élections
récentes, certaines même pour ces femmes titulaires de leur charge. Le
même journal a également suggéré qu’elles pouvaient imiter le pantalon
blanc sacré que leur héroïne déchue, Hillary, portait à l’occasion de sa
demi-apothéose lors de la convention l’été dernier. Est-ce que ce genre
d’accoutrement n’est pas quelque chose ordinairement réservé à l’école
secondaire ou au KKK?
Quelques autres notes sur les particularités de la soirée du SOTU :
Le dilemme de l’ObamaCare. Un fiasco à coup sûr. Il
n’est pas rare qu’une famille paie 12 000 $ par an, pour une police
d’assurance qui supporte une franchise de 5 000 $. C’est un chiffre
intéressant, dans un pays où la plupart des gens n’ont même pas assez
d’argent comptant pour les réparations routinières de leur voiture.
L’injustice cruelle et idiote d’un tel arrangement ne peut se produire
que dans une société qui a normalisé le mensonge omniprésent, la fraude
comptable universelle et le racket par les grandes entreprises.
Personnellement, je doute que le système actuel de soins de santé puisse
être réformé. Quoi qu’il en soit, nous commençons du mauvais pied sur
ce sujet.
La partie dont personne ne parle est le système de prix
psychopathique autour de la médecine. Le coût moyen d’un accouchement
hospitalier normal (non chirurgical) en Amérique de nos jours est de 10
000 $. Quoi? Une appendicectomie: entre 9 000 $ et 20 000 $ selon le
lieu. Quoi? Ces jours-ci, un remplacement d’une hanche coûte environ $
38.000. Bien sûr, vous ne saurez jamais ce qu’un traitement ou une
procédure coûte avant de l’avoir faite. Ils ne vous le diront tout
simplement pas. Ils diront quelque chose de complètement ridicule comme
« nous ne savons pas. »
La dernière fois que j’ai eu une arthroplastie de la hanche, j’ai
reçu un rapport d’assurance-hospitalisation de la compagnie d’assurance
qui disait : « Chambre et pension, 36 heures… 23 000 $ », sans
compter la facture du chirurgien et le coût de l’implant métallique,
juste pour occuper un lit pendant un jour et demi en attendant d’être
pris en charge. Ils n’ont rien fait d’autre que prendre ma tension et ma
température une dizaine de fois, et me donner quelques pilules
d’hydrocodone.
La vérité laide, chers lecteurs, est que la médecine aux États-Unis
est un racket avec prise d’otages. Ils vous coincent contre un mur dans
un moment de faiblesse et ils extraient de vos poches le maximum pour
vous permettre de continuer à vivre, sans aucune corrélation
significative avec les services rendus. Jusqu’à ce que ces racketteurs
soient obligés par la loi de publier leurs prix ouvertement et de
manière transparente, aucun ajustement du rôle des assureurs ou de la
politique gouvernementale ne fera aucune différence. Notez également
qu’il existe un lien direct entre les salaires scandaleux des cadres de
l’hôpital et leurs machinations sur les prix, non transparents,
malhonnêtes, basés sur l’extorsion. L’industrie pharmaceutique est, bien
sûr, un racket secondaire et doit être assujettie au genre de
traitement que le ministère de la Justice a utilisé contre les gens du Syndicat des conducteurs.
Le système de santé ne sera probablement pas réformé, mais
s’effondrera, et quand il le fera, il se réorganisera d’une manière qui
ressemblera à peu près à la pratique actuelle. D’une part, les citoyens
devront prendre le contrôle de leurs propres comportements désastreux,
en particulier leur consommation alimentaire, ou en subir les
conséquences, à savoir une mort prématurée. Deuxièmement, le système
hospitalier doit être décentralisé, afin que les localités soient à
nouveau desservies par de petits hôpitaux et cliniques. Le système
actuel représente une orgie de fusions-acquisitions qui est devenue
étrange au cours du dernier quart de siècle. La surcharge administrative
qui en résulte, pour toutes les pratiques médicales du pays, est une
machine à fraude parfaitement conçue pour permettre ces rackets. Verdict
préliminaire : le Congrès n’ira nulle part en 2017, en essayant de
réparer ce gâchis. Certaines choses sont too big to fail;
Certaines sont trop cassées pour être réparées. La débâcle à venir du
système financier, sur les marchés et autour des devises, va accélérer
sa disparition.
Les huées tombées des travées démocrates de la Chambre des représentants, quand Trump a soulevé la question de l’immigration.
Prendre position contre l’État de droit est un argument avec lequel le
Parti démocrate n’est pas susceptible de gagner. Cela semble un
stratagème cynique de s’entremettre avec une base naissance d’électeurs
hispaniques, combinée à une croyance crypto-religieuse sentimentale que
tout effort pour réglementer l’immigration est anti-américain. En tout
cas, ils agissent comme des personnes incapables de penser clairement.
Trump peut, dans une certaine mesure, agir indépendamment du Congrès
pour obtenir l’application de la loi existante, et apparemment, il a
l’intention de le faire. Ses adversaires peuvent-ils trouver une
position sur la question qui ne soit pas cynique, sentimentale ou
hystérique? Sinon, c’est peut-être un autre facteur aggravant pour la
mort du Parti démocrate.
Trump semble désireux de continuer la guerre idiote contre les
drogues, qui a pour effet de faire de ce trafic un racket criminel
encore plus mortel et destructeur. Cela a déjà transformé des millions
de petites mains en parias criminels, qui ne peuvent trouver aucun autre
emploi quand ils sortent de prison, même s’ils veulent essayer. La
disparité croissante entre la loi des États et la loi fédérale sur la
marijuana est une contradiction juridique dangereuse, qui pourrait
conduire à d’autres échecs du fédéralisme. Les villes sanctuaires en
sont un autre. Dans peu de temps, la loi fédérale sera vide de sens et
avec elle, les États-Unis d’Amérique. Nous ferions mieux d’aller droit
au but.
J’ai aussi hurlé quand Trump s’est vanté de l’augmentation
surnaturelle des marchés boursiers depuis son élection. On dirait une
épreuve dangereuse pour moi, l’ultime point culminant de l’ère où tout
va et où rien ne compte. Apparemment, il n’est pas familier avec
l’histoire des marchés boursiers et leurs comportements basé sur les
signaux. Au-delà des marchés, de graves problèmes avec les devises et
les banques attendent un rééquilibrage historique de leur valeur et du
prix de tout. Cet événement pourrait facilement conduire le système
bancaire mondial à fermer, pendant une certaine période, et cela risque
de provoquer une interruption dont les économies avancées ne peuvent pas
se remettre, sans redémarrer à un niveau beaucoup plus faible
d’activité et de complexité que ce à quoi nous sommes habitués. Personne
ne peut calculer le coût de ce désordre et Trump est en route vers ce
mur implacable de malheur, à une vitesse d’éperonnage. Je ne pense pas
qu’il va y survivre.
James Howard Kunstler
Note du Saker Francophone
Pour le soldat américain tué au Yémen, Kunstler passe à côté d'une plus grosse énormité ; un tel spectacle, alors que les USA y coordonnent les bombardements des populations civiles, sans parler du blocus qui est en train de liquider la population.
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