lundi 20 mars 2017

Analyse de la proposition de l’Autriche en matière de réfugiés et d’immigrés pour la périphérie de l’UE

Article original de Andrew Korybko, publié le 11 Mars 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Les Autrichiens ont récemment appelé les Balkans occidentaux, la Géorgie et l’Égypte à construire des centres de « réfugiés » et d’immigrants pour le traitement et potentiellement le logement indéfini des centaines de milliers d’individus non occidentaux qui entrent dans l’UE.



Analyzing Austria’s “Refugee”/Immigrant Proposal For The EU Periphery

M. Sebastian Kurz a déclaré au journal allemand Bild am Sonntag : « Ce n’est pas très important de savoir exactement où ils [les centres] seront. Ce qui est important, c’est que ces pays assureront la protection et que les gens qui tenteront illégalement d’arriver en Europe seront renvoyés là-bas. » Ce qu’il dit essentiellement, c’est que ces régions périphériques en dehors de l’UE se transforment en ce que les Serbes, par leur Premier ministre Aleksandar Vucic, ont déjà appelé des « parkings » pour les réfugiés et les immigrants, quelque chose dont il a juré qu’il ne laisserait jamais son pays le devenir.


Les zones que Kurz a pointées – la Géorgie, les Balkans occidentaux et l’Égypte – sont importantes parce que deux des trois veulent adhérer à l’UE, tandis que la dernière, l’Égypte, est la voisine beaucoup plus stable de la Libye, d’où partent de nombreux migrants africains sur la route de leur dangereux voyage vers l’UE. Alors que tout le monde connaît les routes libyennes et balkaniques, l’inclusion de la Géorgie a laissé de nombreuses personnes se grattant la tête, car il n’y a pas eu de rapports sur les migrants qui entrent dans l’UE à partir de ce territoire.

Ce que nous pouvons en conclure, c’est que l’UE veut seulement déplacer le fardeau des immigrants et le transférer en dehors du bloc à des partenaires et/ou aspirants à une place dans l’UE. La question est une patate chaude politique dans l’UE et a déjà divisé la société, mais elle est encore plus prononcée dans les Balkans occidentaux, qui ont dû faire face à plus d’un million de personnes qui ont traversé leur territoire au cours des deux dernières années. La Géorgie, qui n’a pas eu à éprouver ce genre de problèmes, ou du moins pas encore, n’est pas désireuse de s’impliquer. Quant à l’Égypte, c’est de loin le plus grand et le plus puissant des pays que Kurz a cités, mais il est également très douteux que Sisi veuille que le sien se transforme en ce que Vucic a qualifié de « zone de stationnement ». Alors que les étrangers pourraient se demander pourquoi il ne serait pas d’accord pour cela en échange de subventions économiques et d’autres sortes d’avantages, il n’en demeure pas moins que même si l’Égypte est un pays arabe en Afrique du Nord, sa culture est différente de celle des Libyens ou Africains subsahariens; et avec un Sisi appliquant une politique très dure contre le terrorisme, il n’est pas certain qu’il prendra le risque de permettre à un groupe de migrants étrangers de s’installer dans sa société, encore moins pour satisfaire l’UE.

La situation est que l’UE sait que ses plans de réinstallation des immigrants précédents n’ont rien de positif et n’ont fait qu’accroître le clivage croissant entre les membres du bloc. Maintenant l’UE essaie de proposer de l’argent à d’autres en les attirant par des incitations financières et, dans le cas des Balkans occidentaux et de la Géorgie, par des pressions institutionnelles en faisant valoir que c’est leur devoir d’aspirants à l’UE. Ce plan n’aboutira probablement pas dans son intégralité, même s’il est possible qu’un ou quelques-uns des pays proposés puissent finir par l’accepter même si ce n’est qu’au travers d’une participation partielle et limitée. Cependant, ce serait en soi extrêmement problématique, car cela constituerait un précédent troublant dont l’UE abuserait certainement, et ne plus tenir compte de demandes supplémentaires après avoir déjà rempli certaines d’entre elles pourrait provoquer une crise politique entre Bruxelles et son ou ses  partenaire(s) « parking ».

C’est en effet ce qui est arrivé avec la Turquie, qui a accepté un accord d’immigration avec l’UE au début de l’année dernière, mais qui est extrêmement fragile et Ankara l’a déjà utilisé comme une arme politique. C’est peut-être la raison pour laquelle le ministre autrichien des Affaires étrangères a visiblement laissé la Turquie hors de sa liste d’États périphériques de « stationnement », mais aussi parce qu’il ne s’attend pas à ce que les autres pays qu’il a énumérés soient suffisamment forts ou incités à tirer parti d’un accord à venir, considérant leur avantage stratégique majeur à collaborer avec l’UE.

Andrew Korybko

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